un danseur lyonnais nous rebondit sur le discours aux Bernardins

Que peut dire l’artiste que je suis au terme de cette matinée du 13 Décembre au cours de laquelle a surtout été (bien) commenté le texte de Benoît XVI et mis, selon moi un peu de côté, le sujet annoncé corollairement « Culture et foi dans le même bateau ? ».

Seule, une femme dans l’assistance a évoqué la nécessité de créer, de faire œuvre de création et d’audace dans le temps de la liturgie.
Pour ma part, je pense qu’il y a d’autres espaces à  explorer que le temps liturgique et je m’en explique plus loin.
Il y a en tout cas beaucoup à  explorer, il y a un impensé que cadenassent beaucoup de résistances. Et je crois que c’est assez général.

Du point de vue des artistes d’aujourd’hui, si nous voulons éviter, qu’on me pardonnne, la mièvrerie et l’angélisme qui ont bien souvent cours dans les célébrations, il me semble que peu d’entre nous sont prêts à  risquer une véritable création dans le cadre liturgique. Ce temps où le sacré se mêle à  un dogme auquel on n’adhère pas, soit en partie, soit entièrement, fait problème.

Du point de vue des chrétiens qui viennent se ressourcer à  la liturgie, bon nombre me semble-t-il, seraient désemparés et se sentiraient violentés par le surgissement dune forme artistique qui s’éprouve au mystère et sort des codes habituels.

Enfin, veuillez pardonner mes doutes et mes réserves. Ils tiennent au fait que je ne me situe pas pleinement dans le message évangélique.
A cela s’ajoute le problème évoqué en aparté : l’église ne s’engage pas à  payer les artistes (…) Bach, et tant d’autres, auraient ils écrits toutes ces œuvres sans rémunération?

J’en viens maintenant à  parler des aspirations des artistes.
Je ne peux ici que parler de moi mais je crois bien que mes questionnements en traversent d’autres. Comment proposer à  l’homme et à  la femme d’aujourd’hui de rejoindre une dimension trans-individuelle, qu’on appelle le sacré dans le langage religieux ? L’art est il d’ailleurs autre chose que l’émanation, l’irruption de ce « sacré » dans la linéarité de nos vies quotidiennes? Créer un frisson, un émoi, qui nous donne de nous relier, serait l’endroit où peut s’éprouver -ou non- une forme de transcendance.

C’est en tout cas ce qui porte mon désir d’artiste. C’est pour cela que je crée un cadre (les Créations Civiles©) et les conditions de préparation à  ce que l’événement ait pleinement lieu Lorsque ça a lieu, ça me semble être, oui, une sorte de grâce

Donner des outils qui engagent le corps et l’esprit à  s’habiter l’un l’autre est la recherche dans laquelle je me sens engagé. Je crois à  cette sorte de métaphysique quantique qui est à  vivre dans et par l’information de nos cellules, dans et par l’intégration de celles ci. Visiter et revisiter cet humus, habiter toujours plus profondément notre corps et nos gestes, un vrai travail de conscience physico-spirituel.

A cet endroit, où j’œuvre, j’ai fait plusieurs choix :

 celui d’agir dans le domaine laïc. Parler ouvertement de spiritualité et de sacré exclurait d’emblée certains citadins.

 celui de ne pas charger le sensible d’un surcroît de signifiant qui pourrait l’écraser. Un surcroit d’intellection empêche de ressentir, alors qu’il s’agit d’écouter la matière, de traverser une expérience sensible, de l’incorporer au niveau cellulaire.

Si je peux me permettre, je dirai que pour « culture et foi », il y a, dans le double travail que vous faites entre artistes et publics, de constantes précautions à  prendre, quant à  cette surcharge du symbolique sur le sensible.

Que pouvons dès lors réaliser ensemble, vous avec moi qui n’ai pas choisi de me faire le chantre du message évangélique et œuvre dans le domaine laïc ?

Il y a des espaces possibles. Preuve, fort réussie je crois, en fut pour Les Orants, Création Civile© 2003 aux Subsistances dans le cadre du Festival La Chair et Dieu.

Je pense que d’autres collaborations sont à  inventer.

Pierre Deloche

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