Alabama Monroe

De Felix Van Groeningen

Belgique, 2012, 1h50

Prix Signis au Festroia 2013 (Portugal)

Sortie en France le 28 août 2013.

avec Veerle Baetens et Johan Heldenbergh

Il est parfois difficile d’évoquer la mort avec de jeunes enfants. Comme il est difficile de faire son deuil sans le secours des rituels, religieux ou profanes. Un film explosif qui pose des questions délicates.

Le film débute par une histoire d’amour classique entre deux personnages détonants et atypiques. Elise tient une boutique de tatouages et son corps est une réclame vivante pour cet art qu’elle pratique avec brio. Didier joue du banjo dans un groupe de bluegrass. C’est solitaire, un barbu hirsute qui habite une caravane dans un coin de campagne humide (on est en Belgique). La passion va les enflammer jusqu’à  l’arrivée d’une petite fille. Après le temps des ajustements, arrive la mort qu’on n’attendait pas si tôt.AlabamaMonroe-1.jpg

Au cœur du film, deux thèmes sont tissés avec brio autour de cette famille dévastée par le drame. D’une part la fascination sans borne de Didier pour l’Amérique. Une Amérique mythique, aux couleurs claquantes, celle de la musique qu’il pratique avec passion et qui allume des étoiles dans ses yeux. Une Amérique de grands espaces et de rêves infinis, avec des Indiens, authentiques et valeureux. Mais Didier n’y a jamais mis les pieds – pourtant chaussés de bottes de cowboy – et il va trébucher dans l’ère Busch junior où le fait religieux devient prétexte à  un conservatisme grinçant qui s’accommode mal avec son idéal de liberté.

L’autre thème est celui du rituel face à  la mort. Pour Didier, seules la science et la raison permettent de comprendre le monde dans lequel il vit et il n’y a rien après la mort. Il est farouchement opposé à  toute forme de religion et de superstition. Elise, bien que non pratiquante, est plus sensible aux rites traditionnels, aux signes, aux talismans et lorsque la mort s’annonce, elle est prête à  tout essayer et à  mélanger les rituels de toutes les croyances pour l’aider à  supporter son chagrin.

Cette question des rituels face à  la mort est épineuse dans une société occidentale où les individus sont fortement déchristianisés et, en général, pas assez solides pour affronter le bouleversement de la mort d’un proche. Sous l’apparente simplicité de la provocation, Alabama Monroe la traite avec finesse. Confrontés à  leur douleur, et à  leurs positions radicalement différentes, Didier et Elise ne peuvent plus trouver, même dans la musique, la complicité et la consolation qui leur permettraient de faire le deuil et de trouver la force de continuer à  vivre.AlabamaMonroe-3.jpg

Dans le style percutant qui lui est propre (on se souvient de La Merditude des choses, 2009), Felix Van Groeningen réussit un film puissant sur ce sujet complexe. Emerveillé par la joie et le dynamisme de la première partie, on s’enflamme avec l’histoire d’amour d’Elise et Didier et notre cœur bat au rythme entrainant de leurs chansons. Sonné par le dénouement, on apprécie de reprendre pieds dans la dernière scène. Avec ses amis musiciens, Didier trouve enfin le rituel pour se départir de son arrogance et accepter le mystère de la mort.

Sélectionné dans de nombreux festivals, sous le titre The Broken Circle Breakdown, ce film a obtenu le prix du public à  la Berlinale de 2013. Au Festroia, le festival du film de Setubal au Portugal, où il était en compétition officielle, il a remporté le prix Signis, le Dauphin d’or de la compétition et le prix Fipresci. Ce film est en sélection pour le prix LUX du parlement européen, qui sera décerné en décembre 2013.

Magali Van Reeth

Signis

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