EXPOSITION Alfred Manessier

UNE INVITATION à  vous rendre au MUSÉE d’ART RELIGIEUX de FOURVIERE, pour voir l’exposition de deux séries de Lithographies d’Alfred Manessier,(1948,1978) inspirées par la fête de Pâques :

QUELQUES NOTES SUR ALFRED MANESSIER, Pà‚QUES, ET LA LUMIÈRE.

Alfred Manessier (1911-1993) s’inscrit dans l’histoire de la peinture par son appartenance à  l’ « Envolée Lyrique » des années 50, qui caractérise la peinture non-figurative, informelle, abstraction « chaude », qui caractérise le mouvement auquel il appartient avec à  l’Ecole de Bissière, d’autres grands peintres : Le Moal, Bazaine, Ubac, Estéve A la rigueur de l’abstraction géométrique (abstraction « froide ») portée par exemple par Piet Mondrian, il exprime son « être au monde », dont il tente de saisir le surgissement informel, non pas pour le maitriser, (comme les cubistes par exemple), pour le reproduire (peinture figurative), mais pour, dans un va et vient entre extérieur et intérieur, en saisir les correspondances intimes, les rythmes et la musique, comme le compositeur avec des notes ou le poète avec des mots.

Le jeu des couleurs traversées par la Lumière, qui émerge du noir qui en surplomb de ses compositions, exprime ainsi l’Espérance, face à  un monde où d’autres (poètes, artistes plasticiens, philosophes), au lendemain de la guerre en sont restés à  l’expérience d’un univers dépourvu de sens, les assigne au néant et au choix de l’absurde et de la dérision.

La Passion du Christ et la Pâques permettent à  Manessier de retrouver les traces de ce chemin initiatique qui va des ténèbres à  la Lumière.

Cela n’est possible qu’après, le bonheur d’une enfance dans la Baie de Somme, (où il perçoit la circulation de la Lumière, qui conditionne l’ouverture au monde de l’Invisible que la peinture rendra Visible), une expérience fondatrice de la Foi à  la Trappe à  22ans, et un travail acharné tout au long de sa vie pour nourrir une palette exceptionnelle.

Et pour revenir à  Pâques et vous engager à  voir cette exposition :

1943, Soligny, avec Camille Bourniquel, à  la Trappe, il assiste de la tribune au Salve Regina, dans l’obscurité totale de la chapelle trouée par la lumière du Saint Sacrement. « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais pas trouvé »,

A mettre en résonance avec Pâques, passage des ténèbres à  la lumière, ce qu’exprime ce poème de SAINT JEAN DE LA CROIX, « La nuit obscure »

Ah, je sais la fontaine qui coule et bruit,

Encore que ce soit de nuit.

Son origine ne la sais, n’en a point,

Mais sais que d’elle toute origine vient,

Encore que ce soit de nuit.

Je sais qu’il ne peut être chose si belle

Et que les cieux et la terre boivent en elle,

Encore que ce soit de nuit.

Sa clarté au grand jamais n’est obscurcie,

Et sais d’elle toute lumière sortie,

Encore que ce soit de nuit.

Je sais tant abondants être ses courants,

Qu’enfers, cieux et peuples vont irriguant,

Encore que ce soit de nuit.

Bien sais qu’en elle on ne saurait trouver pied,

Et que nul ne pourrait la passer à  gué,

Encore que ce soit de nuit.

Or le courant qui naît de cette fontaine

Bien sais qu’il est aussi puissant qu’elle entraine

Encore que ce soit de nuit.

Là , elle appelle les créatures

Qui de cette eau s’abreuvent, encore qu’à  l’obscur,

Parce que c’est bien la nuit.

ENTRETIENS d’Alfred Manessier AVEC JEAN CLAY – 1962

Je commence à  peindre quand je ressens une coïncidence très étroite entre le spectacle que j’ai sous les yeux et mon état intérieur. J’oscille continuellement du monde intérieur au monde extérieur. Je dois m’épauler au réel, lire dans la lumière, les chants, les arbres, les pierres, cette Joie, cet amour qui m’habitent. Du même coup, le monde prend son sens. Puisqu’il y a harmonie entre l’interne et l’externe, c’est la preuve que des lois nous dépassent et nous englobent.

Je guette, j’attends à  l’affût comme un chasseur Je mets un peu de peinture ici ou bien là  je tâtonne, je cherche des coïncidences des rapports entre les formes et les couleurs et puis, brusquement quelque chose se lève devant moi je le sens très fort le dialogue s’est noué je n’ai plus qu’à  suivre c’est tellement rapide Alors la toile commence à  vivre On se parle je ne suis plus seul. Je suis dans ma vérité de peinture Parfois vous perdez la piste C’est cela, on commence à  souffrir. Cette liberté qu’on avait acquise, cette aisance, cette course en avant, çà  s’épuise. L’ouverture est devenue impasse. Vous êtes dans un piège. Angoisse : plusieurs fois dans ma vie, je me suis dit : c’est fini. Spirituellement, l’œuvre d’un artiste se développe sur toute une existence, comme une plante.

Je suis là , Je piétine, et puis, j’ai un choc, un paysage, des fleurs, une pierre que j’ai ramassé, et qui coïncide en moi avec quelque chose, et c’est reparti.

C’est chaque fois pareil, chaque toile est une mort et une résurrection.

Pâques, coïncide au printemps, avec la renaissance de la terre, un sentiment d’exaltation religieuse trouve sa correspondance dans le spectacle verdoyant de la nature qui s’éveille. Qui ressuscite. VOILA LE NŒUD DE MA PEINTURE.

Jusque sur la Croix, l’angoisse du Christ n’a pas cessé. La Nuit des Oliviers est une nuit d’angoisse. « Et sa sueur devint comme du sang qui tombait jusqu’à  terre »

Le christianisme a donné sens à  cette angoisse.
Je veux garder en moi une tension, car je veux exprimer à  la fois la frénésie de mon siècle et la lumière d’espérance dont je me sais porteur.

1949-1978 : C’est une symphonie que j’ai voulu écrire ici, la SYMPHONIE DE Pà‚QUES, avec la vie, la mort, la résurrection, la joie de Pâques.

ALLELUIAH, les derniers mots d’Abbeville.

Hugues Rousset

Exposition jusqu’au 14 juin.

(à  droite de la basilique) 8, place de Fourvière

Contact visite : 04 78 25 86 19

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