Chroniques cinéma – « La Tête haute » et « La loi du marché »

«La Tête haute » de Emmanuelle Bercot

avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel et Rod Paradot.

Drame. France. (2h00).

«La loi du marché » de Stéphane Brizé

avec Vincent Lindon.

Drame social. France. (1h33)

Chroniques cinéma du 19 mai 2015 de Marie-Noëlle Gougeon

Deux films français présentés à  Cannes cette semaine, le 2ème en compétition : deux films sociaux loin du glamour de la Croisette. Quand le cinéma impose de regarder la réalité en face. Décapant

Thierry Frémeaux, le délégué général du Festival a eu quelque courage à  présenter à  un public plutôt habitué aux paillettes et aux fictions hollywoodiennes ces deux longs métrages réalistes et sombres.

Dans « La Tête haute », Emmanuelle Bercot, la réalisatrice, dépeint dix ans de la vie d’un jeune adolescent, Malhony (mal-honni !), boule de violence et de souffrance, délaissé par une mère-enfant débordée. De vols en cavales, la juge pour enfants, ferme et attentive (magistrale Catherine Deneuve) fait le choix de l’envoyer en centre éducatif où il va être accompagné par Yann, éducateur, lui-même ancien délinquant. Malhony n’arrive pas à  accepter les règles, flirte avec les transgressions, mais voue à  sa mère un amour constant, à  son petit frère aussi. La fin du film se veut libératrice : la juge qui part à  la retraite manifeste enfin toute son affection à  Malhony. Ce dernier, son jeune fils dans les bras semble porter tout le trésor de la terre. Responsable d’un autre que lui, Malhony va peut-être aller de l’avant ? Le jeune Rod Paradot est bluffant de vérité

Le film alterne gros plans serrés, bagarres, prises de tête et de cœur entre Malhony, la juge, sa mère, les jeunes du centre. La réalisatrice s’est énormément documentée et cela donne au film une réalité indéniable, malgré quelques longueurs. Et tout autant que la vie de cet ado, « La tête haute » est un vibrant plaidoyer pour le travail de ces gens de la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse) qui accompagnent ces gamins en détresse. Chapeau !
La dernière image du film est un Palais de Justice surmonté du drapeau bleu-blanc-rouge. Tout un symbole..

Malhony deviendra-t-il un jour un homme fatigué et écrasé comme Thierry, le personnage de« La Loi du marché » ? On ne peut s’empêcher d’y penser.

Licencié à  plus de 50 ans, Thierry, ancien technicien ne retrouve pas du travail. Les stages que lui trouve Pôle emploi ne débouchent sur rien, et il ne se prive pas de dire sa sourde irritation à  son conseiller. Parce qu’il doit financer les études de son fils handicapé, payer les traites de son appartement, il accepte un travail en dessous de sa qualification : surveillant dans une grande surface. Dès lors, il va fliquer les clients voleurs en puissance, coincer les caissières indélicates, moucharder pour la direction, jusqu’à  se retrouver complice de cette « chasse » sur ses collègues. Peut-on tout accepter, au nom d’un travail ?

La loi du marché vous prend à  la gorge et ne relâche jamais la pression. C’est un film radical, sans fioriture, sans affect, presque documentaire. Vincent Lindon, puissant et imposant est le seul acteur. Stéphane Brizé utilise de longs plans séquence, cadré sur l’acteur, souvent de profil, aux prises avec toutes les difficultés que connaissent bien les chômeurs. On se bat avec lui, on se sent acculé avec lui contre la violence morale et psychologique qu’il subit. C’est tout un système, une puissance hiérarchique qui est ainsi mise en images : ces fameuses « lois du marché ». Le film est implacable comme la violence du chômage, la perte de toute dignité, jusqu’à  la mort parfois. Quand la fiction est aussi poignante que la réalité, on salue un grand film.«La loi du marché » en est un.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19552993&cfilm=233913.html]

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