Chroniques cinéma – Une jeunesse allemande 1965-1977

Documentaire de Jean Gabriel Périot

Français (2015) 1H33.

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Un voyage documentaire vertigineux dans l’Allemagne des années 70 et la lutte armée des activistes de l’Armée Rouge : A. Baader, U.Meinhof. Une mise en abîme sur la violence terroriste et le rôle d’un cinéma engagé. Un film choc et d’une étrange actualité.

Le film commence à  la fin des années 60 par des manifestations étudiantes comme dans d’autres pays du monde, contre le pouvoir politique, l’autorité, la société de consommation et les médias en la personne en Allemagne du magnat de la presse Alex Springer.

Des étudiants allemands, pour la plupart issus de familles aisées et cultivées tentent de provoquer un soulèvement de la population allemande avec des écrits dans des revues contestataires, des manifestations, des films engagés : « Avant de prendre un fusil, on doit prendre sa caméra pour agir et critiquer ».

Leur discours est théorique, radical ; ils savent manier la dialectique marxiste. Mais devant l’échec de leurs stratégies, ils engagent la lutte armée et fondent la Fraction Armée Rouge (RAF).

Prises d’otages, braquages de banques, assassinats: les années 70-72 seront sanglantes et installent dans le pays un climat de peur. Arrêtés et emprisonnés la « Bande à  Baader » finira sa vie en prison quelques années plus tard par suicide ou mort par armeQuelle violence ! Quel gâchis !

Il y a comme un vertige qui vous saisit à  la vision de ce film.
D’abord, il reflète le travail énorme de JG Périot pour retrouver des films d’époque : émissions de TV, productions des activistes politiques, reportages. Le montage, serré, sans temps mort est éloquent et illustre sans commentaire (no comment) l’engrenage des propos, l’aveuglement, la démocratie en danger, la lutte entre deux blocs (la répression du pouvoir, la violence des terroristes).

Ensuite il montre bien, pour ceux qui l’ont connu le climat de ces années là  : celui d’une conscientisation politique des jeunes plus importante que celle d’aujourd’hui me semble-t-il et les interrogations d’un cinéma sur sa dimension sociale et politique. Quel est son rôle dans la société ? Doit-il prendre parti, témoigner, s’engager ? Et on se rappelle les films politiques italiens des années soixante-dix..

Enfin, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec aujourd’hui : il existe une autre forme de fanatisme qui embrase une autre jeunesse avec d’autres motivations mais avec la même folie : semer la terreur et la peur pour provoquer un déséquilibre politique. Oui, l’embrigadement mental, intellectuel voire religieux et sa conséquence le terrorisme armé sont toujours d’actualité.

Ce film coup de poing qui oblige à  voir la révolte d’une jeunesse allemande (qui sans doute expiait l’attitude supposée de leurs parents pendant la guerre et qui pourrait aujourd’hui être celle d’une autre partie du monde) ne peut laisser personne indifférent.

Il se termine par l’extrait d’un film du cinéaste allemand Fassbinder daté de 1977, où l’on entend une mère répondre à  son fils : « Ce qu’il faudrait maintenant c’est un homme avec beaucoup d’autorité, de la poigne mais en même temps un aspect sympathique »

Quand les extrêmes se répondent.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19555091&cfilm=225925.html]

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