Chronique cinéma – A peine j’ouvre les yeux

de Leilah Bouzid

avec Baya Medhaffar, Ghahia Benali,

Drame franco-tunisien. (2015) 1h45.

Un 1er film plein d’énergie sur la vie de jeunes tunisiens partagés entre leur liberté de chanter et les lois restrictives du régime. Un apprentissage douloureux très justement incarné par de jeunes comédiens eux-mêmes musiciens.

A quelques mois du printemps tunisien, dans une ville moyenne du bord de mer, des jeunes vivent, aiment et s’amusent comme d’autres jeunes ailleurs en Europe. Farah, jeune fille brillante et libre, attend les résultats du bac. Avec ses copains Ali et Borhene elle a crée un groupe dont elle est la chanteuse. Ils se produisent dans des cafés où les paroles de leurs chansons expriment leur ras du bol du régime, les conditions de vie qui leur sont faitesSon père a été obligé de partir loin dans le pays pour trouver du travail. Sa mère tremble chaque soir lorsque Farah sort dans les bars de la ville.

C’est une chronique à  la fois pleine d’énergie et de désenchantement que Leilah Bouzid décrit sur la jeunesse tunisienne. Pleine d’énergie car ces jeunes gens se sont affranchis des interdits de leurs parents et vivent leurs passions musicale et amoureuse librement. Mais la réalisatrice petit à  petit fait peser sur ses personnages le regard et le poids de ceux qui traquent les dissidents, les opposants au régime. Ali est d’ailleurs un indic infiltré.
Dès lors, le film bascule dans un thriller politique. La jeune Farah y perdra beaucoup d’illusions. Arrêtée, elle en ressort intérieurement brisée. Sa mère revivra à  ses côtés les élans qu’elle avait eus elle-même à  son âge.
La révolution est-elle impossible ? Les évènements qui se sont passés réellement par la suite en Tunisie prouvent que non, mais à  quel prix ! Leilah Bouzid a voulu montrer combien cela avait été dur de vivre sous la pression du régime de Ben Ali.

Il y a dans ce 1er film toute la fougue que l’on peut avoir à  18 ans que l’on soit de ce côté-ci de la Méditerranée ou de l’autre. Les problèmes sont ressentis de la même façon, l’amour de la musique est identique. Même si il est bien plus difficile à  Tunis d’exprimer ses opinions
La jeune Baya Medhaffar qui incarne Farah a un visage rayonnant et une voix envoûtante. Son ami Borhene pourrait chanter dans les bars du 11ème arrondissement à  Paris avec sa coiffure rasta ! La mère de Baya est jouée par une actrice tunisienne connue et montre à  quel point la cause féminine est un révélateur de l’état d’un pays. Les hommes se révèlent peu présents ou corrompus
Ce film fait penser à  celui des « Terrasses » qui se passait à  Alger mais il annonce un printemps tunisien davantage porteur d’espoir même si tout cela reste fragile aujourd’hui.

Marie-Noëlle Gougeon

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19559050&cfilm=235875.html

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