La Lune de Jupiter

Un film de Kornel Mundruczo

Hongrie – 2017 – 2 h 03

Ce jeune homme, cet Aryan, qui est-il ? Un réfugié qui parmi beaucoup d’autres, fuit la misère et les persécutions, espérant une vie meilleure sous d’autres cieux ? Un extra-terrestre à figure humaine venu d’une planète ou d’une lune lointaines ? Ou peut-être un ange, comme le pensent certains, témoins d’un évènement pour le moins inhabituel ?

Pourchassé avec tout un groupe de réfugiés lors du passage de la frontière, et finalement abattu par un policier à la gâchette un peu trop facile, Aryan se retrouve miraculeusement bien vivant à l’hôpital, et en plus, disposant du don de lévitation. Aubaine pour Stern, le médecin endetté et corrompu qui le soigne, et qui voit immédiatement dans cette étonnante prédisposition, une manière rapide de se faire beaucoup d’argent.

Le film raconte alors la fuite d’Aryan à la recherche de son père, avec à ses trousses le policier qui l’a abattu, et sous la protection intéressée du médecin, bien décidé à tirer de lui le maximum de profit. Aryan semble vivre tout cela comme dans un état second, entre le ciel et la terre, obsédé par la recherche du chemin qui mène à la gare, là où il pense retrouver son père.

C’est le personnage de Stern  qui va rapidement occuper la première place de cette histoire, se révélant vite manipulateur, hypocrite, violent, prototype du complet corrompu, ne renonçant à rien pour arriver à ses fins.

Kornel Mundruczo conduit magistralement son récit sans une minute de relâchement, avec un art de la mise en scène particulièrement brillant. En témoigne, en particulier, la longue scène d’ouverture du film, qui révèle la patte d’un excellent réalisateur. La suite du film est à l’avenant, avec cependant un scénario qui s’emballe un tout petit peu trop vers la fin, et une utilisation impressionnante, mais un peu forcenée de la steadicam.

Les interprètes sont tous remarquables, avec une mention particulière pour Merab Ninidze dans le rôle de Stern, le médecin.

Merab Ninidze (Stern) et Zsombor Jeger (Aryan)

La virtuosité de la mise en scène risque de reléguer au second plan ce que dit le film sur la situation en Hongrie des réfugiés et des migrants. Pauvres et persécutés dans leurs pays d’origine, tués, blessés, exploités dans le pays où ils débarquent.

Comme plusieurs films récents venus des pays de l’ex bloc soviétique, « La Lune de Jupiter » donne une image glaçante du niveau de corruption dans ces pays, ici la Hongrie, et rappelle que la délation y reste un sport national !

Planant, à tous les sens du terme au-dessus de ce monde effrayant, « l’ange » Aryan apparait comme un messager de paix, symbole de la recherche d’un monde meilleur, sans violence, sans corruption, sans mensonges, ouvert à l’étranger. A la vue du film, le chemin qui reste à parcourir ne semble pas une mince affaire. A l’évidence dans la Hongrie d’aujourd’hui, mais certainement aussi dans beaucoup d’autres pays !

Reparti bredouille du Festival de Cannes 2017, « La Lune de Jupiter » n’aurait pas volé le Prix de la Mise en Scène, ni le Prix d’Interprétation Masculine pour Merab Ninidze, acteur georgien tout à fait impressionnant dans ce rôle de médecin corrompu.

Pierre QUELIN.

 

Pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés