Cinéma – La Forme de l’eau

Un film de Guillermo Del Toro

Etats-Unis – 2017 – 2 h 03

Les contes pour enfants sont souvent peuplés de créatures maléfiques ou hideuses, ogres, loups garous ou autres sorcières, devenues  tellement familières qu’elles ne parviennent plus à effrayer les jeunes lecteurs qui s’endorment aux récits de leurs aventures.

Le film de Guillermo Del Toro, La Forme de l’eau, peut être vu lui aussi comme un conte destiné aux adultes, avec ses gentils et ses méchants, qui peut susciter dans un premier temps une réaction d’effroi, mais vite tempérée par de la curiosité et de la sympathie.

Elisa exerce la fonction, toujours ingrate, de femme de ménage, au milieu des chercheurs et des militaires qui travaillent dans le très impressionnant laboratoire dirigé d’une main de fer par l’inquiétant et redoutable Richard Strickland.

Au moment où débute le film, arrive dans le laboratoire un curieux phénomène ramené d’Amazonie, enchainé et violenté, mi-homme, mi-poisson, et en qui Elisa va vite reconnaître une véritable personne  à aimer et à protéger. « Anormal » par son statut d’amphibien, pas tout à fait humain, pas complètement poisson, un dieu peut-être, la créature va rapidement être considérée par Elisa dans sa différence, elle qui est aussi différente des personnes qui l’entourent, en raison de sa mutité.

Le film décrit les relations qui vont se nouer entre Elisa et cette créature prisonnière de véritables savants fous qui ne lui veulent pas que du bien ! Relations de solidarité, puis de tendresse, et peut-être finalement d’amour. Ces deux marginaux devenus complices, vont devoir affronter les très mauvaises intentions de Strickland et de ses associés, mais aussi celles d’espions russes qui cherchent à arracher l’amphibien des mains des Américains, et à se l’approprier.

Guillermo Del Toro déroule magistralement cette histoire où le fantastique, le dispute au réalisme le plus cru, le tout accompagné d’une forte dose d’humour, dans l’écrin d’une réalisation de toute beauté: beauté de la photographie, beauté des décors, virtuosité de la mise en scène et du montage. Les interprètes sont tous remarquables, avec en particulier, aux côté de l’excellente Sally Hawkins, un Michaël Shannon époustouflant dans le rôle d’un vrai grand méchant de cinéma.

Le film se situe presque constamment dans un  monde aquatique, avec l’eau qui  maintient en vie la créature, avec l’eau de la baignoire d’Elisa, avec l’eau de pluie extrêmement présente, avec l’eau d’où vient l’amphibien et où il retournera peut-être. Tout cela donne son ton au film, mais aussi la véritable couleur de ses images admirables. Alexandre Desplat signe une nouvelle fois une superbe musique qui se mêle à des chansons « rétros », donnant au film une apparence un peu « vintage ».

La qualité du film ne relève pas uniquement  de sa formidable beauté esthétique. Elle réside aussi dans ce qu’il nous dit sur le respect de la différence, sur la tolérance, sur l’amitié et la solidarité. Cela au travers des relations entre les deux marginaux que sont Elisa et l’amphibien, mais aussi en dressant deux portraits très réussis: celui plein d’humour et de tendresse du personnage de Giles, l’ami homosexuel d’Elisa (Formidable Richard Jenkins), et celui de Zelda, la collègue et amie afro-américaine d’Elisa (Superbe Octavia Spencer).

Un très beau film, totalement maîtrisé par un réalisateur en grande forme, qui nous dit de belles choses, et qui nous les dit avec l’art raffiné du très beau cinéma.

Lion d’Or très mérité, lors de la Mostra de Venise 2017.

Pierre QUELIN

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