Miracle en Alabama

SIGNIS, l’association catholique mondiale pour le cinéma, et le service Arts, cultures et foi du diocèse de Lyon vous invitent à  l’Institut Lumière

le lundi 26 mars 2012, à  20 heures, pour la projection du film

Miracle en Alabama (1962) d’Arthur Penn.

A travers le destin d’Helen Keller, comment surmonter la violence et le handicap grâce à  la communication et à  la découverte de la pensée structurée. Un très beau portrait de femme.

La séance sera suivie d’un débat animé par Samuel Petit, de la cinémathèque de Paris.

Prix des places 6 euros.

Institut Lumière, entrée 23 rue du Premier Film, Lyon 8ème, métro Monplaisir-Lumière.

La nuit de papillon d’or de Tariq Ali

cr_mega_948_TariqAli.jpg

Tariq Ali, auteur anglo-pakistanais, né à  Lahore en 1943, éditeur à  Londres, nous entraine dans l’histoire et les soubresauts de son pays, désigné par « Terrepatrie ». Par le biais de ses personnages, de leur jeunesse dans les années 60 jusqu’au seuil de la vieillesse, se tissent les fils de cette nation, née en 1947 dans la violence de la partition avec l’Inde jusqu’à  la situation tourmentée que l’on sait.

Roman foisonnant, avec l’art du conte oriental, sorte de Mille et une nuits qui nous perd dans le dédale de destins croisés. »Papillon d’or » désigne la belle Jindié, aux ancêtres musulmans chinois, et son amour contrarié avec Dara, le narrateur. Ils faisaient partie d’un groupe d’étudiants que la vie sépara. Le peintre Platon, membre de ce groupe, demande à  Dara d’écrire sa vie, d’où l’enquête sur le devenir de ces amis, dispersés dans le monde. A la fin du récit, tous se retrouvent au pays natal pour découvrir le grand œuvre de Platon, qui a peint les 4 cancers du pays : l’Amérique, les mollahs, les militaires, la corruption. On a compris que la veine satirique anime le récit, avec un talent de polémiste qui n’épargne ni les plaies du pays ni celles d’un Occident imbu de sa supériorité ; on pense à  Salman Rushdie.

9782848051031.jpg
Précisons que La nuit de papillon d’or termine le cycle romanesque du Quintet de l’Islam . La 1ère guerre du Golfe, en 1991, détermina chez l’écrivain le désir de faire connaître la civilisation musulmane, afin de battre en brèche la grossière propagande politique, «axe du bien contre axe du mal », qui commençait à  poindre. D’où L’ombre des grenadiers (l’Andalousie) , puis Un sultan à  Palerme, Le livre de Saladin, La femme de pierre (fin de l’empire ottoman), jusqu’à  La nuit de papillon d’or , le Pakistan d’aujourd’hui donc. Et peut-être à  venir : l’Afrique avec Tombouctou.
La nuit de papillon d’or : une lecture savoureuse qui nous introduit à  la culture pakistanaise, riche de son passé moghol et de sa tradition poétique, mais propulsée dans une actualité bouleversée dont les héros incarnent bien les douloureuses et parfois fécondes contradictions.

Geneviève Vidal

Roman (362 p) – Traduit de l’anglais par Dominique Goy-Blanquet

en savoir plus : [->http://www.swediteur.com/titre.php?id=114]

Elena

d’Andrei Zviaguintsev

Russie, 2011, 1h49

Festival de Cannes 2011, Un Certain Regard, prix spécial du Jury.

Sortie en France le 7 mars 2012.

avec Nadejda Makrina, Andrei Smirnov, Elena Liadova, Alexei Rozine.

Dans un appartement calme et lumineux, au luxe un peu glacé, les tourments d’une femme pour le bien de ceux qu’elle aime. Mais entre le Bien et le Mal, difficile parfois de reconnaître ce qui est juste.

En 2003, Andrei Zviaguintsev, jeune réalisateur russe inconnu remportait le Lion d’or de Venise avec Le Retour, un film aussi fort par son sujet que par sa maitrise technique. Après avoir confirmé son talent avec Le Bannissement, voici aujourd’hui Elena, présenté dans la section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2011, où il a été récompensé par un « prix spécial du jury ». Encore une fois, on est stupéfait et par l’ampleur du sujet et par la réalisation qui fait honneur à  la grande école du cinéma russe.elena3.jpg

Dans un bel appartement moscovite, Elena semble être la domestique de Vladimir, dont elle s’occupe avec un dévouement silencieux. Parfois, elle quitte la tranquillité luxueuse de son quotidien pour aller rendre visite à  son fils et à  sa famille. Long voyage en transports en commun, terminé à  pied pour arriver dans une triste banlieue. Dans un minuscule logement, on discute à  la cuisine autour de nourritures simples et de préoccupations qui le sont tout autant : le manque d’argent De ce manque découlent des problèmes de plus en plus complexes. Elena est coincée entre deux mondes, sollicitée par les uns, étouffée par les autres. elena1.jpg

Avec ce film, Andrei Zviaguintsev a voulu montrer « un drame contemporain qui tente de mettre l’homme à  l’épreuve des éternelles questions de la vie et de la mort. Au tréfonds de son être, chaque individu est profondément seul. Cette solitude est le début, la fin et le fil conducteur de toute vie humaine. Dans le monde actuel, les idées humanistes se dévalorisent à  vue d’oeil, poussant l’homme à  se replier sur lui-même et se tourner vers ses instincts les plus anciens. »

Ce sentiment de solitude est amplifiée, en Russie comme ailleurs, par le décalage entre les riches, de plus en plus riches, et les pauvres de plus en plus déboussolés dans une société de consommation qui les attire mais à  laquelle ils ne peuvent pleinement accéder. L’envie de posséder, de jouir, de consommer, de réussir est si forte, si agressive, que la morale vole en éclat Le véritable drame devient alors celui porté par Elena qui, au fond, ne veut que le bien de ceux qu’elle aime. Par amour pour eux ? Pour se sentir enfin aimée, respectée ? Est-ce un crime ? Andrei Zviaguintsev laisse le spectateur juger par lui-même : « il n’y a pas de héros dans mes films. Il y a seulement une situation dans laquelle se retrouvent des personnages. C’est une situation de choix, et c’est ce choix auquel le personnage est confronté qui est le premier héros du film. L’autre héros du film, c’est le langage cinématographique qui va montrer le comportement des personnages à  l’écran ; et c’est l’idée du film qui en est l’héroïne. »elena2.jpg

Effectivement, le langage cinématographique renforce cette notion de solitude et de déchirement. Le bouillonnement de vie dans le petit logement de banlieue répond au silence propre du désert affectif du quartier bourgeois. Tout les oppose, jusqu’au bière/cornichon des uns et au jus d’orange/muesli des autres. Elena fait des va et vient d’une moitié d’elle-même à  une autre, de plus en plus seule et perdue. Le premier et le dernier plans du film, qui se répondent avec brio, parviennent à  transmettre la complexité des situations qui nous attendent, et l’émotion de les avoir vécues. De grands moments de cinéma. Nadejda Makrina, célèbre actrice russe, incarne avec talent le personnage principal, Elena, cette femme douce, maternelle et effacée qui, un jour, peut se métamorphoser en monstre. Parfaite madone à  l’enfant, comme le montre l’affiche, elle est l’âme tourmentée du film : dans un geste si anodin, comment ne pas céder à  la tentation ? Elena est un très beau film qui pose des questions essentielles : elles nous concernent tous.

Magali Van Reeth

Signis

Le printemps des poètes

Mars est, on le sait, le mois de la poésie.
Belle occasion de lire et de découvrir les poètes d’aujourd’hui
Jean-Pierre Lemaire est un poète actuel à  lire absolument.

9782070120499.jpg

Son dernier recueil, « Figure humaine » porte bien son nom : on découvre une poésie incarnée dans le temps présent, dans la vie réelle. Ici pas de métaphores abstraites et stériles Il y a des hommes, des femmes, des fleurs, le rythme des saisons La relation à  l’Autre est instaurée par le « tu » : on est dans le dialogueLe rythme est paisible, serein les mots cheminent et prennent leur temps. Dieu est présent, comme le silence, nécessaire à  l’avènement de la Poésie et à  l’avènement de Dieu. Ce sont les mots du poète qui introduisent le Verbe.

« La poésie dépose ses bateaux en papier sur le courant obscur.
Elle joue à  l’écart
Sans troubler l’attente
Du Verbe en nos vies.
»

peut-on lire à  l’entrée du recueil.

Ainsi est la poésie de Jean-Pierre Lemaire : profondément imprégnée de spiritualité sans être dans le religieux. En écho à  cette entrée en matière, un très beau texte sur le silence de Zacharie. Le poète s’interroge et le silence le rapproche de Bernadette, la petite bergère de Lourdes, venue du peuple des sans-parole.
Pour célébrer mars et la poésie, savourons le printemps de Jean-Pierre Lemaire.

Assis au pied des choses,
Tu reprends doucement ton ancien métier de musicien des rues : tu notes les gouttes capricieuses de mars tombant du toit sur les jacinthes,
les oiseaux revenus, la conversation des filles qui passent avec leurs secrets.
Toutes les voix se posent sur les balcons, les branches les fils parallèles qui traversent ton cœur.
Toutes sont accordées.
Tu cherches des yeux au sommet des arbres,
Entre les nuages,
L’ange silencieux qui t’a rapporté
La mesure et la clé.
»

Nous partagerons en ce mois de mars, ici même, d’autres textes de poésie.
Marie-Paule Dimet

Jean-Pierre Lemaire Poète et Prefesseur de lettres, Grand prix de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre
220px-Jean-Pierre_Lemaire_at_2007_Czech-French_Poetry_Festival.jpg

Rencontre avec Chantal Fontvieille

besson.jpg

Dimanche 25 mars à  15 heures, le service Arts Cultures et Foi Lyon vous propose une rencontre avec Chantal Fontvieille, artiste plasticienne, historien l’Art et Pierre Lathuillière, Théologien à  la Galerie Françoise Besson 10 rue de Crimée Lyon 1er.

Cette rencontre se déroule dans le cadre de l’exposition « mise en cible » jusqu’au 31 mars… A partir d’Ecce Homo du Caravage, l’artiste revisite l’œuvre en quatorze fragments pour une mise en cible dans la mise en croix.
« En effet, sur le corps même du Christ outragé, bientôt sacrifié et cloué sur la croix, liant ensemble violence et sacré, Chantal Fonvieille prélève et isole la figure spécifique de l’homme en tant que cible.. » Joël Couve

La mise en cible comporte quatorze stations comme la Passion du Christ. .. Si la présentation des stations fait alterner rythmiquement le vertical et l’horizontal, c’est pour conjuguer des régimes de force venus de plans différents, religieux, artistiques, philosophique, existentiel… Joël Couve

La rencontre, une occasion de plus pour découvrir l’exposition de Chantal Fontvieille

en savoir plus : [->http://www.francoisebesson.com/]

Oslo, 31 août

de Joachim Trier

Norvège, 2011, 1h36

Festival de Cannes 2011, Un Certain Regard

Sortie en France le 29 février 2012.

avec Anders Danielsen Lie, Hans Olav Brenner.

Une fin d’été en Norvège, la lumière est belle mais le drame affleure, entre solitude et mal être, où se pose la question du désir de vivre.

Inspiré du roman de Pierre Drieu La Rochelle, Le Feu follet et du film éponyme de Louis Malle, ce film retrace la journée d’Anders, un jeune homme de 34 ans, infiniment triste et désemparé face à  la vie. Un mal de vivre d’une autre époque, auquel les événements récents et tragiques de l’été 2011 en Norvège ont redonnées une singulière actualité. L’impression mélancolique est donnée dès le début du film : le passé récent de la ville d’Oslo est évoqué à  travers des images « façon super 8 » et les souvenirs de ses habitants s’égrènent au fil des rues parcourues. Dans ces images floues et si anodines, l’imminence du drame est une certitude.

Pendant ces 24 heures, la caméra file Anders, toxicomane en voie de guérison, dans un quotidien apparemment ordinaire. Le propos n’est pas nouveau mais la mise en scène du jeune réalisateur norvégien, Joachim Trier nous offre un très beau film. Le cadre, les plans et surtout la lumière donnent une tonalité particulière où la tension est aussi forte que l’impression de mélancolie générale. Nous sommes le 31 août et l’atmosphère d’une douce fin d’été est saisissante, poignante même. oslo2.jpg

Sans bavardage inutile, Joachim Trier construit son personnage dans des scènes éloquentes, tantôt très brèves mais n’hésitant pas à  étirer certaines d’entre elles pour donner plus d’importance au dialogue ou au découpage. Deux scènes laissent une forte impression.

Lorsqu’Anders arrive à  l’improviste chez Thomas, les deux amis commencent à  échanger des banalités, cachant leur gêne sous des gestes anodins. Mais lorsqu’enfin ils commencent à  vraiment parler, le réalisateur nous amène au cœur de cette conversation, n’hésitant pas à  laisser aux personnages le temps d’exprimer des nuances, de faire des retours en arrière. On peut alors arriver au fond des choses, comme on prend rarement le temps de le faire au cinéma. Qu’est-ce que c’est être heureux à  l’âge où on confronte la lourdeur du quotidien aux rêves d’autrefois ? Est-il possible, comme on le voulait à  l’adolescence, de ne pas être « comme les autres » ? Assis dans un jardin d’enfants, face à  la ville en contrebas, les deux hommes parlent avec sincérité.

Un peu plus tard, Anders est à  la terrasse d’un café. C’est encore une belle journée d’été, le soleil brille à  travers les vitres. Autour de lui, beaucoup de gens sont attablés. Les filles portent des robes légères et les hommes des vêtements de couleurs claires. C’est un moment fragile, suspendu, apaisé, chaleureux. Le brouhaha des conversations est pareil à  une musique d’ambiance, au chant des oiseaux dans la campagne. Des phrases en émergent ça et là , disant à  la fois le bonheur de l’instant et les manques qui dévorent la tête. Une adolescente fait la liste de ses projets, poème à  la Prévert et douce litanie montrant la futilité de cet âge, qui ne se sait pas insouciant Pour Anders, tout est encore possible et l’irrémédiable n’est pas une nécessité.
oslo-31-aout_p3.jpg
Mais, on l’aura compris dès les premières images, la solitude est toujours plus étouffante au milieu du bonheur des autres. Anders aura encore à  la vivre une autre fois, d’autant plus douloureuse, qu’elle est accompagnée par la tentation. On sait dès lors qu’il n’y aura pas d’issue heureuse, qu’une vie sera gâchée faute d’avoir trouvé du sens.

Le sens de la vie est bien la question posée par Oslo, 31 août, comme elle l’était déjà  dans le roman de Drieu La Rochelle. Lorsque le désir n’existe plus, que les repères familiaux ou sociaux sont brouillés, qu’aucune notion vitale n’est en danger et qu’il n’y a pas de croyance, où trouver l’envie de vivre ? Avec une image élégante et lumineuse qui tranche avec la noirceur du propos, le réalisateur plonge le spectateur au cœur de ce manque. Le désarroi contemporain, la solitude de la modernité et l’addiction ne sont que l’expression d’une vie qui n’a plus de sens pour celui qui en a hérité. Joachim Trier ne donne pas de réponse pertinente mais pose la question avec une belle sincérité et un talent certain.

Magali Van Reeth

Signis

Choeurs en printemps

L‘institut de Musique Sacrée de Lyon propose son festival « Choeurs en printemps » jusqu’ au jeudi 26 avril 2012

Au programme :

Lundi 12 mars – 20H30 – Chapelle P. Couturier – Lyon 2ème

Béatitudes – Chant grégorien et polyphonies des 12ème et 21ème siècles avec Anne Delafosse et Anne-Marie Lablaude – Concert en dyade

Mardi 24 avril – 20H30 – Basilique d’Ainay – Lyon 2ème
Jean Sébastien Bach – Cantate BWV 21
Domenico Scarlatti – Stabat Mate
Maîtres de la musique baroque ; 2 chefs d’œuvres du XVIIIème siècle dirigés par les classes de direction de chœur (Nicole Corti) et interprété par le chœur atelier du CNSMD de Lyon. Plongez au cœur du baroque sacré flamboyant.

Jeudi 26 Avril – 20H30 – Église St Bruno – Lyon 4ème
Polyphonies mariales
Palestrina, Lassus, Obrecht, Morales, Victoria, Monteverdi
A la charnière entre Renaissance et Baroque, la Vierge a inspiré de purs joyaux de polyphonie. Accompagnés de leurs instruments d’époque, les élèves du département de musique ancienne du CNSMD de Lyon nous révèlent toute la magie de ces contrepoints

En savoir plus : [->www.musicanova-lyon.fr]

La Mer à  boire

de Jacques Maillot

France, 2012, 1h38

Sortie en France le 22 février 2012.

avec Daniel Auteuil, Yann Tregouet, Maud Wyler, Carole Frank.

A travers le parcours tragique d’un chef d’entreprise pour sauver son outil de travail, une réflexion sans concession sur la responsabilité de tous face à  l’enchainement implacable de la faillite d’un rêve.

Réalisateur discret, tant dans les médias que dans son travail, Jacques Maillot n’essaye jamais de séduire le spectateur en le rassurant ou en le réconfortant dans ses certitudes béates. Dans Nos Vies heureuses (1999) et Les Liens du sang (2008), le propos dénonçait le titre : nos vies ne sont pas si heureuses et les liens du sang parfois distendus. Et La Mer à  boire laisse un goût très amermer4.jpg

Alors que de nombreux films récents, qui parlent de la crise financière, donnent néanmoins une lueur d’espérance, notamment à  travers la solidarité ou la chance, Jacques Maillot donne vraiment la mer à  boire à  son personnage principal. Georges Pierret est à  la tête d’un chantier naval qui construit depuis des années de petits bateaux de plaisance de qualité. Attaché à  son entreprise, il aime son métier, ses collaborateurs, le travail bien fait jusque dans les moindres détails.

mer5.jpgCette fois, l’ennemi n’est pas un monstre lointain et sans visage, un triple A anonyme, un consortium de banques, la crise mondiale dont tout le monde parle mais que personne ne peut appréhender. Dans La Mer à  boire, ce qui fait chuter Georges Pierret, c’est certes un concours de circonstances lié à  un contexte économique international, mais c’est aussi une succession de mauvais gestes posés par des gens en chair et en os. Comme si par là  Jacques Maillot voulait nous dire que nous sommes tous responsables, à  notre niveau, de certains désastres

Leçon à  la fois terrible et revigorante, puisque sous les dehors un peu outranciers de la fin du film, la culpabilité nous éclabousse. L’amer est dur à  boire ! Mais il est bon qu’un cinéaste nous bouscule par un film assez radical. Autre qualité, le film est porté par Daniel Auteuil. Il incarne à  merveille cet homme à  la fois chaleureux et taiseux, énergique dans son quotidien et triste au fond de lui. Capable de tout pour sauver sa dignité et celles de ceux qui travaillent avec lui. Quitte à  commettre l’irréparable lorsqu’il n’y a plus de solution.

Magali Van Reeth

Signis

Le désespoir n’existe pas

Le désespoir n’existe pas de Zéno BIANU, aux éditions Gallimard (216p)

6a00d8345238fe69e201348981f8df970c-150wi.gif

Comment un poète parle-t-il du désespoir ? Le conjure-t-il par la force du verbe ?
Zéno Bianu (né en 1950 à  Paris, de père roumain et de mère française), auteur d’ une œuvre multiforme (théâtre, poésie, essais) .
Portée par l’inspiration, le souffle et le rythme, l’écriture nous emporte dans de somptueuses images ; généreuse, elle nous associe à  son alchimie (transformer la boue du désespoir en or de la force de vie).
Nous parcourons le livre en 10 parties : Rituel d’amplification, Premières étoiles, Entrée des adeptes bouleversés, Le monde est un arbre, Poème des degrés (Kaddish pour Paul Celan), Trois exorcismes, Exercice d’aimantation, Le geste juste, Gardiens du fleuve, Un sourire sous la cendre.
Voisinage des poètes (Antonin Artaud, Emily Dickinson, Aimé Césaire), des peintres (Yves Klein, Matta) , du jazz (Chet Baker, John Coltrane).
Au carrefour de sources multiples ( surréalisme, lyrisme) Zéno Bianu pratique l’écriture comme un rituel de dépassement :
un miracle inouï / sous le soleil de la conscience (p.11)
dont l’image de l’Arbre dit la croissance vers la lumière :
frères arbres / attentifs à  la descente du bleu (p.87)
Embrasser le vaste monde, ne pas se dérober à  sa nuit, consentir à  la dépossession :
La parole ne t’appartient pas/blessure/blessure/d’un dieu en exil (p.99)
Célébrer l’amour, chanter les mille formes de la femme-déesse indienne :
tu avances dans les rues / comme si tu tournais
/autour des limites du monde (p.149)

A lire comme une danse, un vertige, une ivresse, une vision Peut s’ouvrir au hasard, se savourer par poème, fragment, partie.
Et peut-être se laisser guider par la maxime :
Permute à  l’infini / Vibre dans l’impalpable (p. 269)

Geneviève Vidal

Jean Martin, les années expressives au Musée des Beaux-Arts

Une Exposition-dossier, du 3 mars au 4 juin 2012

au Musée des Beaux Arts à  Lyon…

  • image001.gif

Le choix d’œuvres du peintre lyonnais Jean Martin, tableaux et dessins, réalisées entre les deux guerres, sous l’occupation permet de découvrir le parcours d’un autodidacte fortement marqué par les primitifs allemands et expressionnisme belge contemporain.

Ses figures réalistes et solides peintes dans une pâte émaillée illustrent les débats qui animèrent le monde de l’art autour de la question du réalisme dans les années trente. Parallèlement, une suite de nus féminins dessinés en 1940 pour la revue L’Arbalète témoigne des qualités graphiques de celui qui fut à  Lyon l’ami de Marc Barbezat et de Marcel Michaud.

en savoir plus : [->http://www.mba-lyon.fr/mba/sections/fr/expositions-musee/actualite/actualites-expositio/mba/sections/fr/expositions-musee/exposition-dossier/jean-martin]

Petite biographie.
image002.jpg

Fils d’ouvrier, Jean Martin est né à  Lyon, dans le quartier industriel de Vaise, en 1911. Artiste autodidacte, il s’initie à  la peinture auprès du peintre Lucien Féchant, sociétaire du salon du Sud-Est, et se lie à  ses débuts avec le peintre Jean Couty et le sculpteur Georges Salendre, avec lesquels il expose à  partir de 1935 à  la galerie du décorateur André Sornay, rue Paul Chenavard, non loin du musée des Beaux-Arts.
Dès 1933, il participe au salon d’Automne où son envoi est salué par le poète, critique et galeriste Marcel Michaud, puis expose annuellement au salon du Sud-Est à  partir de l’année suivante. Durant les années 1930, il développe une peinture réaliste et sociale marquée par les peintres du 16e siècle allemand, particulièrement Grà¼newald, ainsi qu’en témoigne Le Crucifié (1937).
Une autre ascendance revendiquée par l’artiste est celle de l’expressionnisme allemand contemporain sous ses formes les plus diverses. Ainsi, Les Aveugles sont-ils associés par la critique au ballet politique La Table verte (1932), création du chorégraphe allemand Kurt Jooss, joué à  Lyon au théâtre des Célestins en mai 1937 ; ou encore, à  l’atmosphère inquiétante du film Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau (1922). Jean Martin se révèle tout aussi attentif à  l’expressionnisme flamand contemporain du groupe de Laethem-Saint-Martin, découvert au musée de Grenoble à  la faveur de l’exposition L’Art belge, organisée par Andry-Farcy en 1927.
En 1933, sa rencontre avec Marcel Michaud est déterminante et marque le début d’une profonde amitié.
Au salon des Indépendants de 1938, le critique Henri Héraut, fondateur du groupe Forces Nouvelles, retient le tableau Les Aveugles pour la seconde exposition du groupe Nouvelle Génération qu’il organise à  Paris à  la galerie Billiet-Vorms, en marge des débats autour de la querelle du réalisme, et à  laquelle contribuent les peintres Georges Rohner, Robert Humblot, Francis Gruber ou encore le sculpteur Germaine Richier.
Sous l’Occupation, Martin expose régulièrement à  Lyon à  la galerie Folklore, puis à  Marseille à  la galerie Jouvène, alors animée par le marchand parisien Jacques Tedesco. Dans ces années-là , Jean Martin parvient à  une maîtrise picturale d’une rare expressivité plastique, qui suscite l’admiration de nombreux critiques.
En 1940, il collabore aux côtés de l’éditeur Marc Barbezat à  la naissance de la revue L’Arbalète, dont il dessine la première de couverture et dans laquelle seront publiés les premiers textes de Jean Genet, de Jean Wahl ou de René Tavernier.
En 1943, Barbezat crée, à  la suite de la revue, les Éditions de L’Arbalète dont la première publication est le recueil Dessins par Jean Martin, suivi en 1945 de la première édition de Chants secrets de Genet.
Entre 1945 et 1947, Martin expose annuellement à  Paris chez Katia Granoff, rencontrée lors de son exil lyonnais.
Installé à  Paris à  partir de 1946, il produit de nombreux décors et costumes pour le théâtre, notamment pour les compagnies de Raymond Hermentier, de Jean-Marie Serreau et de Louis Jouvet. En 1952, il fonde avec son épouse, Rosette, la galerie Art & Tradition Chrétienne, rue Saint-Sulpice, participant activement au renouveau de l’art sacré, auquel la Reconstruction donnera une forte impulsion. Dès lors, l’artiste voue sa prédilection à  l’intemporalité médiévale, créant des images fortement empreintes d’idéalisme roman et byzantin, à  la faveur de la redécouverte de la peinture à  la tempera auprès de maîtres orientaux.
Jean-Christophe Stuccilli