Partage en images

Le 4ème mercredi du mois, à  20h30, venez voir un film et participer au débat après la projection.

Les films au programme cette année :

23/11/2011 : La Vie est belle, It’s a Wonderful Life

de Frank Capra (1946 / 2h09)

25/01/2012 : Fahrenheit 451

de François Truffaut (1966 / 1h52)

28/03/2012 : Une histoire vraie, The Straight Story

de David Lynch (1998 / 1h51)

25/04/2012 : Good Bye, Lenin

de Wolfgang Becker (2002 / 1h58)

23/05/2012 : Le Procès de Jeanne d’Arc

de Robert Bresson (1962 / 1h05)

27/06/2012 : Soyez sympas, rembobinez, Be Kind Rewind

de Michel Gondry (2007 / 1h34)

Les projections ont lieu dans la salle paroissiale du 10 rue François Dauphin, à  20h30. Libre participation aux frais.

Contact :

Didier Lamy

courriel : 69lamy@gmail.com

L’Exercice de l’état

de Pierre Schoeller

France, 1h52, 2011.

Festival de Cannes 2011, sélection Un Certain Regard, prix Fipresci.

Sortie en France le 26 octobre 2011.

avec Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou Breitman, Laurent Stocker, Sylvain Deblé.

Un film d’action, prenant et fin, sur la vie quotidienne dans un ministère de la République française, avec d’excellents acteurs, Olivier Gourmet et Michel Blanc.

Après une scène d’ouverture, inspirée d’un ballet de Pina Bausch et qui désarçonne le spectateur, le film est mené pendant près de deux heures sur un rythme haletant. La vie d’un ministre de l’état français et de ses proches collaborateurs est une course contre le temps, l’actualité, les électeurs et les adversaires de tous bords. En déplacement, (voiture ou hélicoptère), le téléphone portable toujours allumé et en activité, le ministre, pour être sûr de ne rien rater, d’occuper au maximum l’espace médiatique et d’assurer son avenir politique, vit à  un rythme chaotique.L_exercice_de_l_etat-photo5.jpg

L’Exercice de l’état est un film d’action sur le quotidien étourdissant d’un homme puissant. Les boiseries dorées et les meubles élégants de son bureau, le garde du corps toujours à  ses côtés et sur le qui-vive, la chargée de communication qui juge ses moindres mots, son conseiller en costume trois-pièces et l’avidité des médias, participent à  la mise en scène républicaine qui conforte le ministre dans l’importance de son rôle. Un ministre est un homme de pouvoir mais a-t-il la puissance d’agir ?

Au cœur du film, un couple formé par le ministre des transports et son directeur de cabinet. Le ministre vit à  100 à  l’heure, inquiet de déplaire, cherchant la petite phrase qui lui donnera l’attention des médias, et la grande réforme qui lui assurera une place parmi ceux qui comptent. C’est un homme qui sait plaire, émouvoir, qui réagit avec son corps, ses impulsions et ses désirs. L’acteur Olivier Gourmet lui donne un corps massif, rassurant et frémissant. Parfaitement à  l’aise dans les ors de la République et les chaussures à  2000 euros. Les luttes politiques sont impitoyables, il essaye de rester honnête avec ses convictions, pleure face à  la mort.L_exercice_de_l_etat-photo7.jpg

Avec lui, son principal conseiller, le directeur de cabinet, est un énarque moulé au service de l’état. Un homme rigoureux, intellectuellement brillant, capable de lire et de digérer les dossiers techniques les plus ingrats en une nuit. Il est en retrait, indispensable. Dans leur relation, le passage constant du vouvoiement au tutoiement, si caractéristique de la langue française, est chargé de sens et de subtilité : une des réussites de la mise en scène où les dialogues sont ciselés. Michel Blanc donne à  ce personnage du directeur de cabinet une présence remarquable, entre finesse, élégance et discrétion.

Pierre Schoeller nous donne un grand film, tout en intelligence. S’il dissèque l’exercice du pouvoir avec un œil impitoyable, il n’enferme jamais ses personnages dans un rôle caricatural. La complexité de l’exercice de la charge politique est exposée avec une attention rigoureuse, qui s’attache aussi bien aux détails qu’aux réactions physiques. Pour le réalisateur, le défi était de « se coltiner la réalité de la pratique du pouvoir et de la confrontation émotionnelle. C’est tout un spectacle de construire sa propre morale« . Traité comme un film d’action, le scénario s’arrête et repart, avec des rebondissements saisissants, comme la vie politique !L_exercice_de_l_Etat-photo1.jpg

Dans son précédent film, Versailles (2008), Pierre Schoeller abordait avec brio et grâce la question des exclus dans notre société. Après les bas-fonds du Congrès, il passe au perron de l’Elysée. Pour lui, ces films sont complémentaires et pourraient mener vers un troisième volet traitant de la Révolution française : « Mes films s’éclairent les uns les autres, c’est un état des lieux de la France. Après mon premier téléfilm, Zéro défaut (pour Arte), j’ai compris qu’il était passionnant de s’attaquer à  une institution, de radicaliser un point de vue. » Quel bonheur de voir un cinéaste aussi brillant dans la réalisation qu’exigeant dans le choix de ses sujets !

Magali Van Reeth

Signis

Poulet aux prunes

de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud

France/Belgique, 1h33, 2011.

Mostra de Venise 2011.

Sortie en France le 26 octobre 2011.

avec Mathieu Amalric, Maria de Medeiros, Edouard Baer.

Un peu de mélancolie, une goutte d’orient, une pincée de nostalgie, beaucoup d’humour, un soupçon de tristesse et du talent à  profusion, telle est la recette du nouveau film de Marjane Strapi.

Une recette de cuisine ce Poulet aux prunes ? Non, un conte qui emporte le spectateur dans la Perse mythique du début du 20ème siècle, mêlant astucieusement la fable classique et les contes orientaux. Usant avec impertinence de la grammaire du cinéma, Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud laissent de vrais acteurs évoluer dans un magnifique décor peint. Dans le Téhéran des années 1950, Mathieu Amalric et Maria de Medeiros forment un couple mal assorti qui boîte entre cruauté et tendresse sous les yeux grands ouverts de leurs deux enfants.poulet2.jpg

Les deux réalisateurs trouvent le ton juste, entre humour grinçant et mélancolie, et les techniques adéquates, pour faire évoluer leurs personnages dans un monde à  la fois féerique mais terriblement ordinaire. Loin du graphisme de leur premier film Persepolis, ils créent un univers totalement inédit entre la bande dessinée et le cinéma. Le résultat est saisissant, on a vraiment l’impression d’être à  l’intérieur de cette fable, partageant avec les acteurs le poulet aux prunes mitonné avec amour par une ménagère délaissée, pour son artiste de mari qui s’étiole de mélancolie.poulet4.jpg

Marjane Satrapi : « Pour moi ce livre correspond plutôt au portrait de l’artiste, sans parler du fait que ce personnage est un membre de ma famille et que j’aime beaucoup écrire sur les gens dont je connais l’histoire. On fait tout un flan autour de l’Artiste. Mais l’artiste est avant tout un être égocentrique et narcissique qui se voit comme le centre du monde, convaincu non seulement qu’il écrit des choses extraordinaires mais aussi que les gens doivent payer pour les apprécier, et il faut qu’ils l’adorent et l’applaudissent. Nous sommes tous comme ça. De façon générale c’est l’expression même de nos névroses. Si vous êtes content vous n’arriverez pas à  écrire des poèmes magnifiques. Il faut que vous soyez un peu dans un état mélancolique. C’était ce que je voulais montrer de l’artiste. Parce que je connais bien tout ça, je suis moi-même égocentrique et narcissique, ben voilà , c’est comme ça. »poulet5.jpg

Auteure de bandes dessinées reconnue et confirmée, Marjane Satrapi avait décidé de porter à  l’écran sa série Persepolis, avec l’aide de Vincent Paronnaud. Présenté au Festival de Cannes en 2007, ce film d’animation avait été un beau succès mais la réalisatrice reconnaissait que cela avait demandé beaucoup plus de travail qu’elle n’avait imaginé au départ. Cette fois, les réalisateurs ont décidé de changer de technique et de mettre des vrais acteurs dans un décor dessiné. Et ils ont adapté un autre titre de Satrapi, Poulet aux prunes, prix du meilleur album de l’année au festival de la bande dessinée d’Angoulême 2005. Une vraie réussite qui confirme leur talent de réalisateurs.

Magali Van Reeth

Signis

Hors Satan

de Bruno Dumont

Festival de Cannes 2011, sélection Un Certain Regard.

France, 1h50, 2011.

Sortie en France le 19 octobre 2011.

avec David Dewaele, Alexandra Lematre.

Dans les rudes paysages du Nord de la France, passe un homme mystérieux, solitaire, priant et guérisseur. Un film âpre où se mêlent la grâce et le Mal dans de sublimes moments de cinéma

A travers tous ses films, Bruno Dumont a montré qu’il était un réalisateur inspiré et exigeant, profondément marqué par la figure du Christ. On peut voir toute son œuvre comme la douloureuse quête d’une présence divine, bien que le réalisateur se dise athée. Il traite la question du sacré, de la transcendance et du mal dans la société actuelle, avec une obstination troublante. Comme le paysan de la fable qui racle son champ pour y trouver un trésor. Dans ses films, la rencontre entre la grâce des paysages et la violence obscène des hommes se traduit par une empoignade physique qui laisse de nombreux spectateurs en état de profond malaise. Qu’ils soient ou non croyants.satan2.jpg

Le titre même de son dernier film, Hors Satan fait référence à  l’écrivain Georges Bernanos et à  son roman Sous le soleil de Satan. Le personnage principal est un solitaire, un taiseux, un guérisseur. Il arpente avec calme les landes austères des plages de la mer du Nord. Une jeune femme le suit, presque à  la trace, de façon quasi animale. Peu de personnages, peu de dialogues, du mystère épais comme la brume d’automne, du silence et le vent qui doit bien finir par rendre fou.

Par moment, la caméra se pose sur un champ, au lever du soleil, découvrant deux silhouettes à  genoux, comme en prières. Et le juste équilibre entre la lumière, la composition du plan et ce qu’il éveille en nous spectateur, donne à  voir du sublime, un tableau de maître. Le réalisateur arrive à  faire passer une présence physique, à  donner une âme à  cette image, à  y mettre ce que certains peuvent nommer la présence physique de Dieu Dans d’autres plans, la violence éclate en l’absence de bruits, que ce soit un accouplement sans aucun geste de tendresse, les traces d’un meurtre ou un regard plein de haine. On verra aussi des symboles et des références bibliques tout au long du film, que ce soit un personnage qui marche sur l’eau, une croix, un brasier purificateur ou un miracle.satan3.jpg

Ce mélange de beauté fulgurante, qui saisit vraiment le spectateur, et de malaise ressenti en quasi permanence dans les plans les plus ordinaires, est la marque des films de Bruno Dumont. Partagé entre la douceur de la contemplation et l’incarnation du mal, on est plongé au cœur même de l’énigme du cinéma.

Dans le cinéma contemporain, le travail de Bruno Dumont est remarquable. D’une part, par sa maîtrise de plus en plus poussée de la mise en scène et de l’écriture cinématographique ; d’autre part, par sa volonté, en tant que non croyant, de traiter de la question du mysticisme, de la foi, de la religion dans notre société actuelle. Hors Satan est un film énigmatique, trempé dans des symboles religieux qu’il est souvent difficile d’interpréter. C’est un film dérangeant, où l’obscène et la grâce se font écho, le miracle et le parjure peuvent heurter. C’est un univers dépourvu de joie. En l’absence de Dieu, la douleur des hommes se cogne aux sillons de la terre.

Magali Van Reeth

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En prolongement du film Hors Satan, voici quelques extraits d’un entretien entre Bruno Dumont et le journaliste de cinéma Jean-Michel Frodon, tirés du document édité par le Groupement national des cinémas de recherche et Pyramide (distributeur film en France).

La mise en scène : « La mise en scène vise à  rendre visible la force qui émane de personnages et de situations qui, en eux-mêmes, sont souvent ordinaires, ou pourraient passer pour tels en étant filmés autrement Ces rapports de force constituent l’art probable de la mise en scène elle-même. »

Le miracle : « J’ai longtemps cherché comment filmé une telle situation d’une manière qui n’implique pas une relation à  la religion. Je ne suis pas croyant, mon film ne contient l’exigence d’aucune autre foi que dans le cinéma. Puisque pour moi, le cinéma c’est ce qui permet de faire place à  ‘extraordinaire dans l’ordinaire, et de laisser percevoir ce qu’il y a de divin chez les humains, de l’éprouver. C’est ce qui rapproche le cinéma de la mystique : la mystique dit « regardez la terre, vous verrez le ciel ». Et bien e cinéma, avec ses appareils peut faire ça. Et il n’a plus besoin de religion pour autant. »

Le décor : « J’ai besoin de cette puissance de la nature pour donner de l’intensité à  des scènes où souvent il va se passer des choses très simples. »

Le bien et le mal : « Il s’agit de se confronter à  ce monde, et à  la possibilité d’agir, pas d’aller prêcher ce qui est bien ou ce qui est mal. Le film ne fait pas la morale, il prend acte de gestes. Il est par-delà  le bien et le mal, à  sa manière. Et après, ça se passe dans le for intérieur de chacun : le film a vocation à  susciter les réactions de chacun pour lui-même, pendant et surtout après le film, à  partir des expériences éprouvées pendant qu’on le regarde. Je ne fais absolument pas un « cinéma d’idées », je fais un cinéma de sensations, à  partir des paysages, des présences physiques, des sons. »

Filmographie

1997 : La Vie de Jésus

1999 : L’Humanité

2003 : Twentynine Plams

2006 : Flandres

2009 : Hadewijch

2011 : Hors Satan

site Bruno Dumont : http://www.brunodumont.com/

Oxygène

de Hans Van Nuffel

Belgique, 1h38, 2010.

Prix œcuménique au Festival de Montréal 2010, prix du public au festival d’Amiens 2010.

Sortie en France le 12 octobre 2011.

avec Stef Aerts, Wouter Hendrickx, Marie Vinck Anemone Valcke.

Contraint par la maladie de vivre en sursis et en retrait, un jeune homme fonce dans la vie, cherchant le souffle et l’espérance qui lui font tant défaut.

Atteint d’une maladie qui limite fortement son espérance de vie, Tom tente d’échapper au quotidien de l’hôpital et de la maladie. En rêvant de belles voitures, en s’engueulant avec son frère, en courant sur la plage, en fréquentant de mauvais garçons, signes à  ses yeux d’une précieuse normalité Ses parents font ce qu’ils peuvent, l’entourage aussi. oxygene2.jpg

Le jeune réalisateur belge Hans Van Nuffel colle à  la trajectoire de Tom, interprété avec beaucoup d’aisance et de conviction par Stef Aerts. Pas de misérabilisme ni d’apitoiements, Tom fonce tête baissé dans le cadre, quitte à  trébucher dans une historie d’amour, comme tout le monde en somme. A travers ce personnage condamné par son physique mais dont la personnalité brûle de désirs et d’envies, Oxygène pose des questions existentielles : comment avoir du souffle quand on en manque tant ? Comment vivre quand il n’y a pas d’espérance ?

Présenté en 2010 en compétition officielle au 34ème Festival des films du monde de Montréal, sous son titre flamand, Adem y a reçu le prix oecuménique :

« Adem, le « souffle » en français, est donné à  tous pour vivre. Adem est une bonne dramatisation d’une question très importante : le besoin de donner un sens à  sa vie, l’espoir de vivre que nous partageons tous, que nous soyons en bonne santé ou pas. Le film est porteur de la condition humaine, il présente une histoire nouvelle, se distingue par ses qualités artistiques, par son apport au progrès humain et à  la reconnaissance de valeurs éthiques, sociales et spirituelles. Il fait la promotion du bonheur dont il reconnaît la fragilité. Le désir de vivre et d’aimer est un rappel que nous sommes tous mortels. Le concept chrétien de la fidélité domine, fidélité des parents, des amis, dont le soutien indéfectible amène le personnage principal à  être fidèle à  sa propre vie. »oxygene3.jpg

Quelques mois plus tard, en novembre 2010, au Festival d’Amiens, Hans Van Nuffel recevait le prix du public.

Magali Van Reeth

Signis