Chroniques cinéma – « Le dernier coup de marteau »

d’Alix Delaporte

avec Clothilde Hesme Romain Paul,Grégory Gadebois.

(Drame français 1h24 2015).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Un drame intimiste et l’éveil d’un adolescent au monde des émotions grâce à  la musique et à  la rencontre avec un père inconnu. Une révélation : le jeune comédien Romain Paul.

Lorsque Victor, 13 ans, apprend que son père, qu’il n’a jamais connu, est revenu vivre à  Montpellier où il habite avec sa mère, il veut le rencontrer. D’abord réticent, le géniteur bourru et solitaire va peu à  peu se prendre d’intérêt pour cet ado qui ne désarme pas et passe outre ses refus. Car il faut dire que Samuel Rovinski, ce « papa nouveau » est imposant puisqu’il dirige d’une main de fer l’orchestre de l’Opéra de Montpellier
Victor est bien loin de ce faste et de ce monde culturel. Il habite loin de la ville au bord de la mer sur un terrain vague dans une caravane avec sa mère Nadia, lourdement malade. Lui, ce qu’il aime, c’est le football. D’ailleurs doué pour ce sport, il vient d’être pressenti pour entrer au centre de formation des jeunes du club de Montpellier. Mais il rechigne à  l’annoncer à  sa mère, aux modestes moyens ; secret, et doutant de l’issue fatale que la maladie de sa mère pourrait connaître, il tait ses sentiments, ses craintes, ses émotions.

Et c’est justement avec ce père qu’il va s’éveiller au monde sensible. Samuel Rovinsky lui fait écouter la 6ème symphonie de Mahler dite « Des trois coups de marteau ». Les coups du destin. Et lui le fils mutique va s’ouvrir à  cet univers musical où les sentiments sont exprimés par une mélodie, des instruments : il aura enfin quelque chose à  dire et à  partager avec sa mère.

C’est un très joli film, sensible, fait de petites touches qui nous est offert là La lumière du midi irradie chaque plan, alors que la vie semble abandonner le corps de la mère de VictorEn découvrant le monde de l’opéra, celui de son père, le jeune garçon laisse s’exprimer cette partie de lui qu’il ne connaissait pas. Et en en même temps ce père, dur, à  la limite du mépris pour ses musiciens, s’humanise à  son contact.
Les plans sont courts et nous font passer sans cesse d’un univers à  l’autre, en suivant précisément ce va- et-vient existentiel de Victor, ce jeu de balancier entre sa mère et son père.

C’est le deuxième film d’Agnès Delaporte, une jeune cinéaste qui avait tourné « Angèle et Tony ». Le jeune Romain Paul qui interprète le rôle de Victor est d’une présence étonnante, c’est une vraie révélation. Il a d’ailleurs reçu le prix Marcello Mastroianni du jeune espoir à  la Mostra de Venise 2014.
Clothilde Hesme est d’une sensibilité à  fleur de peau, très touchante.
La « petite musique » de ce « Dernier coup de marteau » résonne longtemps après le mot fin du générique.

Cinéma et Spiritualité

mercredi 18 mars 2015

Lyon – Paroisse du Sacré-Cœur

89 rue Antoine Charial
69003 Lyon

Tél. : +334 78 54 86 31

L’ association Cinéma et Spiritualité, présidée par Michèle Debidour, organise des rencontres mensuelles à  Lyon (paroisse du Sacré-Coeur) et Dieulefit (en partenariat avec le cinéma Labor).

En projet : formation à  l’analyse filmique et Journées Cinéma.

prochain rendez-vous à  Lyon : mercredi 18 mars 2015

échange sur «Hungry hearts » de Saverio Costanzo et «Le dernier loup » de J-J Annaud

+ d’info :[->mdebidour@gmail.com]

[->http://sacrecoeur-lyon.fr/_Paroisse-du-Sacre-Coeur-Lyon_]

Chroniques cinéma – « Birdman »

de Alejandro Inarritu

avec Michael Keaton, Edward Norton, Emma Stone
( Américain 1h59 2015).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Birdman du mexicain Alejandro Inarritu n’a pas volé les oscars qu’il a reçus il y a un mois. Une mise en abîme réussie sur le monde du théâtre, du cinéma, leurs artifices, le jeu de la vérité des personnages ou des comédiens.

Il y a vingt ans, Riggan Thomson a incarné un super-héros dans un film à  Hollywood : Birdman, une sorte de BatmanMais aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose de cette célébrité : aussi est-il venu à  New-York, rechercher sur une scène de Broadway un retour sinon vers la gloire du moins vers un certain succès. Mais dépité par un comédien de la pièce qu’il juge médiocre, il se débrouille pour l’éliminer. L’infortuné est remplacé au pied levé par un « jeune premier » qui bientôt engage une bataille d’égo avec Thomson. Une course contre la montre s’engage à  quelques jours de la première. La pièce pourra-t-elle se jouer quand même ?

Birdman n’est pas seulement un film sur une pièce de théâtre en train de se faire. Inarritu amplifie le propos en interrogeant le rapport entre le personnage et l’acteur, la réalité de l’un et de l’autre. Comment survivre alors que le personnage qui vous a rendu célèbre n’est plus ?

Tout au long du film, une voix d’outre-tombe, celle de Birdman viendra résonner aux oreilles de Thomson pour qu’il reprenne ce rôle fameux qu’il a tenu par le passé. Mais le comédien tient à  cette pièce qu’il a l’intention de mener jusqu’au bout, affrontant avec bravache ses fantômes : des rêves de beaux rôles envolés, une fille dont il s’est si peu occupée, une compagne mal aimée

C’est bien plus qu’une pièce de théâtre qu’il va jouer : c’est sa propre vie, dans un jeu de la vérité entre lui et le personnage qu’il interprétait jadis. Où est-il le plus vrai ? Sur scène ou dans la vie ?

Il n’y aura pas de gagnant le soir de la première.. Ni Hollywood avec ses blockbusters, ni Broadway avec des comédiens et des pièces poussives ne savent plus rendre ce qu’est en vérité la vie, l’amour, la mort poussant les acteurs à  « surjouer », à  déserter leur rôle

Inarritu fait de son Birdman une vertigineuse mise en abîme du monde du théâtre et de la vie avec des plans séquences sublimes à  l’intérieur du théâtre : on « est » Thomson en proie à  ses colères, ses doutes. On partage le plaisir des seconds rôles indispensables au succès de la vedette. Grâce à  des travellings fluides et inspirés, on court d’une loge au plateau de scène, du hall aux ateliers de couture, déambulant tout au long des couloirs, des coursives, en haut des cintres

Mickael Keaton est magnifique en comédien hilarant, fragile, déjanté. Lui-même a vécu une traversée du désert et avait joué dans le Batman de Tim Burton. Etonnante coïncidence entre fiction et réalité

Birdman a remporté cinq oscars au mois de février dernier dont celui du meilleur réalisateur pour Alejandro Inarritu et celui du meilleur film. Récompenses amplement méritées.

Chroniques cinéma – « American Sniper »

de Clint Eastwood

avec Bradley Cooper et Sienna Miller
(film américain 2h12 2014).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Clint Eastwood dans son dernier film, Amerian sniper, mêle avec tout le talent qu’on lui connaît la glorification du patriotisme américain et l’interrogation morale sur la guerre. Efficace et troublant.

American Sniper est tiré d’une histoire vraie, celle de Chris Kyle, un tireur d’élite des Navy Seal, parti pour 4 longues missions en Irak. Au bout de ces 1000 jours de guerre, il avait tué plus de 200 soldats ennemis, protégeant ainsi ses frères d’armes, certes, ce qui lui vaudra le surnom de «The Legend ». Mais dans le lot, ce sont parfois des femmes, des enfants portant des grenades qu’il a dans sa ligne de mire

Marié, père de famille, son engagement militaire prend vite le pas sur sa vie de couple, sa place de père. Comment pourrait-il en être autrement ? De retour définitif d’Irak, Chris Kyle pense, réfléchit, agit toujours avec des réflexes de soldat. Un chien un peu violent lui fait perdre les pédales et réagir d’une manière tellement agressive qu’il se résout à  consulter un psychiatre. Ce dernier lui propose de venir aider ceux qui reviennent de la guerre, mutilés. Ce qu’il fera tout en mettant en place une école pour tireur d’élite. Il mourra assassiné, en 2013, sous les balles d’un soldat revenu d’Irak, traumatiséSes funérailles donneront lieu au spectacle de toute une région réunie sur le passage du cortège funèbre, bannières étoilées déployées pour un dernier hommage patriotique à  ce soldat symbole d’un pays nourri à  la gloire des armes.

On connaît les convictions républicaines de Clint Eastwood mais aussi son talent pour les films à  thèses et populaires. Avec son dernier film, il réussit encore à  provoquer l’engouement du public (c’est son plus gros succès commercial aux USA) et en même temps à  offrir de multiples analyses à  cet opus de guerre. D’ailleurs, il mêle habilement les deux thèses en présence. L’une, la légitimation de la guerre : Kyle ne tirait que pour protéger ses copains. Et l’autre : comment justifier une guerre faite au nom de convictions (ici la croisade contre le mal) au point de laisser l’IRAK et des G.I’s dévastés..
Clint Eastwood excelle dans le montage faisant alterner des séquences de batailles filmées magistralement et des scènes d’intimité avec sa femme ou de pauses avec ses copains. La dernière séquence tournée lors d’une tempête de sable est époustouflante..Son acteur Bradley Cooper, apporte au personnage de Kyle un poids et une crédibilité manifestes. Il est plus vrai qu’un vrai Navy seal !
Mais à  intervalles réguliers, les doutes de Kyle viennent perturber ce « beau spectacle » et notre conscience de spectateurJamais pourtant C. Eastwood ne remet en cause le choix de Georges Busch. Et la dernière séquence d’hommage le long du cortège funèbre (des images d’actualités) semble valoriser la thèse du patriotisme et de la défense armée en occultant toute une remise en cause de cette culture des armes. Troublant

Spartacus et Cassandra

de Ioanis Nuguet

avec Cassandra Dumitru, Spartacus Ursu et Camille Brisson.

Film français 2015 1H20.

Deux enfants roms face à  leur destin : rester avec la famille ou choisir leur propre vie..

Spartacus et Cassandra sont deux adolescents s roms qui vivent ou plutôt survivent dans un bidonville en Seine St Denis. Le juge aux affaires familiales a retiré au père violent et alcoolique le droit de les garder. La mère maladive est à  la dérive même si elle aime profondément ses enfants. Quel dilemme pour Spartacus et Cassandra qui ont envie comme tous les ados de leur âge d’un peu de stabilité, d’attention, de loisirs

Ils vont bien à  l’école mais par intermittence et n’arrivent pas à  s’intégrer durablement. Seul havre de paix, ce chapiteau en bois, construit par Camille, une trapéziste. Un chapiteau-cour des miracles : On vient y faire du trapèze, rire et chanter, chahuter, être un gosse tout simplement.

Le père ne se résout pas à  ne plus voir ses enfants, bien ô combien précieux dans la culture rom. La sédentarité non plus ne lui convient pas. Ce qu’il veut, c’est un terrain pour y planter sa caravane et récupérer ses enfants.

Mais ses enfants hésitent : comment choisir entre leur famille, lien ancestral de la culture rom, et l’émancipation que leur offre Camille, avec éducation et règles de vie.

C’est pourtant cette dernière option qu’ils choisiront non sans déchirement. Partis avec la jeune femme en Dordogne, loin de leurs parents, ils vont faire l’expérience de leurs propres désirs, le bonheur d’habiter une maison simple mais propre, des occupations « d’enfants » au lieu de la mendicité qu’ils avaient connue à  Paris.

«Spartacus et Cassandra » est filmé à  hauteur des yeux des enfants : la caméra suit leur regard qui filtre la réalité : là  c’est une descente de police, ici, un moment à  l’école, ailleurs la violence des rapports entre Spartacus et son père. On sent le gamin déchiré : l’adulte c’est lui, qui doit prendre en mains sa vie, son père en est incapable. «Mais c’est toi mon père, c’est toi qui sait » lui crie-t-il les larmes aux yeux, anéanti

Le film regorge de moments baroques, faits d’élans de tendresse et de brusquerie. A tout moment, tout peut basculer. Et l’on comprend à  quel point ces personnes ayant fui leur pays car on ne veut plus d’eux, vivent l’errance au plus profond d’eux même. Ils sont les enfants du provisoire et du voyage.

Voilà  un film plein de vie mais grave, qui montre deux enfants face à  leur destin. Aujourd’hui Spartacus et Cassandra vont régulièrement à  l’école et viennent témoigner à  la fin du film lorsque celui-ci projeté avant une discussion. Visiblement ils sont réussi leur émancipation. Le film est soutenu par Amnesty International.

Les merveilles

de Alice Rohrwacher

avec Maria Lungu, Alba Rohwacher. Sam Louwyck.
(Italien 1h51).

Grand Prix au Festival de Cannes 2014.

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Une chronique douce amère sur la vie utopique d’une famille d’apiculteurs dans une ferme en Ombrie..Entre rêve et réalité.

Ce filma a obtenu le Grand Prix au dernier Festival de Cannes et pourtant l’on ressort perplexe de la projection.
La jeune réalisatrice, Alice Rochwacher, auteur de « Y aura-t-il de la neige à  Noël ? » brosse le portrait d’une famille d’apiculteurs installée dans une maison délabrée de la région de l’Ombrie en Italie.

Le père, fort en gueule et sûr de ses idées utopistes règne sur sa tribu (une épouse et 4 filles). Chez lui, Il y a bien quelques règles mais elles sont surtout en opposition à  celles de la société. Les fillettes se débrouillent comme elles peuvent entre virées sur la plage, jeux dans la campagne et aide au père pour s’occuper des ruches. Gelsomina l’aînée, (prénom prédestiné !), jeune adolescente, semble veiller sur cette famille et montrer un sens des réalités plus aiguisé que celui de son père.

On ne sait d’où vient le plus grand danger : des abeilles qui entourent par centaines Gelsomina près des ruches, de l’autoritarisme de son père ou des tentations de la société !
Anxieuse, la jeune fille écoute souvent derrière la porte de la chambre de ses parents de peur de sentir sa mère en danger.. Le père est si imprévisible.

L’adolescente voudrait bien aider la famille qui tire le diable par la queue. Une émission de télé-réalité vient de poser ses caméras, à  proximité. Elle s’inscrit au concours du « Village des Merveilles » ces traditions locales que la télévision veut récompenser comme les chants traditionnels des grands-mères ou ce miel que récolte sa famille.

Gésolmina ne gagnera pas le jeu TV et cette séquence en carton pâte viendra sonner le glas des illusions de la fillette et de son père. «Tout ne s’achète pas » aura-t-il beau dire maladroitement aux caméras de TV… Il faut bien nourrir sa famille pourtant. Ses idéaux de vivre en marge ont fait long feu.

Même cette séquence TV avec rires et poésie factices semble aussi sonner la fin d’une certaine forme de comédie à  l’italienne.

Alice Rohrwacher laisse la bride sur le cou à  la caméra qui rend bien à  l’écran la vie de cette famille sans contraintes : la mère se balade assez dévêtue, les filles pataugent pieds nus dans les flaques, le père dort à  la belle étoile sur un matelas. Maria Lungu campe une Gelsomina avec une force de caractère peu commune. Alba Rohrwacher, la sœur de la réalisatrice au visage accrocheur, joue le rôle de la mère, fataliste et effacée. Sam Louwyck promène sa longue silhouette de baba cool désemparé….

La dernière image montre la ferme délabrée vide de ses occupants. Vide du climat poétique, loufoque et libertaire qui la remplissait. Comme si le film n’avait été qu’une longue rêverie de ses habitants.
Une rêverie qu’on n’aura pas tout à  fait partagée durant près de deux heures de film

Chroniques cinéma – « Félix et Meira »

de Maxime Giroux

avec Hadas Yaron, Martin Dubreuil (Film canadien 1h45 2015).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Sur fond d’histoire d’amour, une subtile réflexion sur les contraintes que l’on peut ressentir au sein d’une communauté qu’elle soit religieuse (ici juive) ou familiale. Et les choix qui en découlent.

C’est une histoire improbable que celle qui réunit Meira, jeune femme mariée, maman d’une petite Licheva, appartenant à  une communauté juive orthodoxe et Félix, trentenaire bourgeois et dilettante, en plein désarroi depuis la mort de son père qu’il n’avait pas revu depuis 10 ans.

On sent l’un et l’autre « flotter » dans leur vie. Meira obéit sans convictions aux injonctions de son mari, très religieux. Celui-ci ne peut imaginer qu’elle déroge aux devoirs qui sont les siens : porter le foulard, ne pas écouter de musique « dégénérée », avoir beaucoup d’enfants, célébrer « shabbat » bien sûr en famille.

Félix lui, sent que la très grande liberté qu’il s’est octroyée jusqu’à  présent ne le mène nulle part.

Ces deux « orphelins » vont se rencontrer d’une façon inattendue dans les rues enneigées de la ville de Montréal où ils habitent. Et par petites touches, l’un et l’autre vont s’apprivoiser. Meira se libère petit à  petit des règles de sa vie, écoute du reggae, ose le pantalon, se dénude la tête car sous le voile, elle porte une perruque. C’est comme si elle se mettait à  nuFélix est captivé par cette femme-enfant qui ne demande qu’à  éclore.

Le mari Shulem qui a découvert l’idylle, agresse d’abord violement Félix, puis se remet en question et si le départ du film pouvait laisser penser à  une critique des règles rigides de cette communauté juive orthodoxe, la façon dont Maxime Giroux fait évoluer l’histoire est étonnante et empreinte de subtilité et d’intelligence.
Car Shulem apparaît alors comme empli de sagesse. En forçant Félix à  lire une lettre que son père lui a écrit avant de mourir, il lui permet de découvrir sous sa conduite autoritaire tout l’amour d’un père, comme nous découvrons en Shulem, sous les préceptes de sa religion qu’il observe fidèlement, un cœur qui peut se fendre.
Petit à  petit il s’ouvre aux désirs de son épouse, à  ses interrogations, même s’il reste fidèle aux lois de sa communauté.

Le film se déroule par petits tableaux intimistes ou chacun se dévoile, murmure, laisse entrevoir une émotion à  fleur de peau, un mot qu’on laisse échapper, un geste d’amour. De nombreuses séquences se déroulent dans des appartements près d’une vitre (fenêtre de chambre, baie de building …) comme si les protagonistes voulaient prendre leur envol mais « empêchés » intérieurement, conserveraient encore un peu la protection de la vitre.
La communauté hassidique est décrite avec bienveillance, en « observateur », comme souhaitait le montrer le réalisateur qui vivait à  côté de l’une d’entre elles lorsqu’il habitait Montréal.

C’est un film sur l’écoute et le dialogue finalement qui nous est proposé en même temps que l’histoire d’une métamorphose, une mutation de chacun des trois personnages. Ils vont tous évoluer au cours de ce film.
Les rôles de Félix et Meira sont tenus par des comédiens tout en osmose et en fragilités. Grâce à  eux on est intimement plongé dans ce drame amoureux. Que vont-ils devenir ?
La fin laisse le spectateur entièrement libre. Félix et Meira sont à  Venise avec Licheva. Meira sert sa fille dans ses bras en lui disant : Je suis désolée, mon amour, je suis désolée.
Est-ce à  sa fille qu’elle s’adresse, à  Félix assis à  ses côtés, à  son mari resté à  Montréal ? On ne sait.
Chacun écrira la réponse qu’il imagine..

Festival du Film Solidaire de Lyon Croix-Rousse – “Princes des Fatras”

le 28 février.

Le roman de Jean-Yves Loude “Princes des Fatras” (Belin) et le film “Les Princes des Fatras”, seront présentés en avant-première lors de la première édition du Festival du Film Solidaire de Lyon Croix-Rousse,

Les résultats d’un an de travail et de combat avec le partenariat de l’INSA pour accompagner l’expérience essentielle d’un centre de tri des fatras, déchets à  Cité Soleil, périphérie accablée de la capitale haïtienne.

Un défi urgent pour la planète !

Le film “Les Princes des Fatras” clôturera le Festival : projection à  21h30.

Présentation du film et du roman le mercredi 11 mars à  la médiathèque de Villefranche-sur-Saône à  18h30.

« La vie des gens »

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Documentaire français 2015 de Olivier Ducray – 1h25

Pour compléter le dimanche de la santé du 8 février, organisé sur le thème « Fragiles et vivants » on peut recommander un film documentaire « La vie des gens » qui a été projeté en avant première en présence de l’équipe du film au cinema « Comoedia », lundi 23 Février à  20H 45.

La vie des gens suit Françoise, une infirmière libérale qui traverse Lyon sur sa petite trottinette au chevet de ses malades, en grande partie des personnes âgées. Confidente, soignante, attentive mais jamais larmoyante, elle insuffle à  ce documentaire son regard positif, amoureux de la vie et des autres.

Si la ville de Lyon resplendit sous l’œil de la caméra d’Olivier Ducray, le quotidien des visites de Françoise nous est donné tel qu’elle le vit : il y a à  la fois la réalité des difficultés de ces vieillards confrontés à  la maladie, à  la diminution de leurs forces, la prise de médicaments mais aussi l’intensité de leur regard qui en dit tellement long sur leur demande d’un brin de conversation, d’une attention particulière, une façon d’être encore considérés comme des êtes en vie …

Si on regrette parfois un peu l’omniprésence de Françoise : « Je suis bavarde, je suis bavarde ! » avoue-telle entre deux visites, « C’est une étoile filante » ajoute une de ces patientes, il faut reconnaître la vitalité, l’attention jamais fabriquée de cette infirmière aux longues années de pratique. Elle aime ces vieillards, ne leur fait jamais espérer une amélioration si ce n’est pas vrai. Son désir : les emmener jusqu’au bout, jusqu’au bout de leur vie en restant chez eux, comme ils le souhaitent.

Les scènes sont courtes, mais si justes, si fortes, si vraies qu’elles provoquent en nous plein de sentiments. L’admiration pour la disponibilité de ces soignants, leur investissement mais aussi et surtout une profonde empathie pour toutes ces personnes âgées qui ont accepté d’être filmées chez eux. Pas de voyeurisme, de vol de leur intimité mais des moments d’une grande lucidité sur le temps qui s’en va, la maladie qui gagne, le sentiment d’être exclu du monde social quand une grande partie des journées se passe seuls, même si certains sont encore en couple.

Celui qui est en meilleure forme regarde avec tendresse, tristesse et déchirement l’autre peu à  peu « quitter » la réalité de leur vie de couple. Françoise est là  pour accompagner, soutenir, « être là  ».
On se rappellera la complicité rieuse d’un couple alors que la cécité gagne l’épouse, un monsieur digne dans un appartement bourgeois avouant d’une voix douce « On ne devrait pas vieillir », une truculente « bobonne », aux jambes bien abîmées blaguant et apostrophant son infirmière malgré une mâchoire édentée.

Ce film n’apprendra rien à  tous ceux qui vivent ces difficiles années de fin de vie d’un proche mais il témoignera que ces moments là  sont si précieux à  préserver, à  partager, à  la fois pour ceux qui souffrent mais aussi pour ceux qui les accompagnent. « Fragiles et vivants » était le thème du dernier dimanche de la Pastorale de la santé. Et c’est bien vrai. L’humanité de l’homme est là  jusqu’au bout.

Un petit regret. Françoise défend l’idée de rester chez soi pour mourir. Mais si certains ont encore la chance d’avoir un conjoint ou la visite de proches, le film montre l’immense solitude de ceux qui sont vraiment seuls. Dans ces cas-là , un encadrement collectif adapté ne serait-il pas meilleur ?

Il a été tourné à  Lyon durant une année en accompagnant une infirmière dans son travail auprès des personnes âgées.
Il sortira le 4 Mars.

[->http://www.cinema-comoedia.com/film/68571]

Chroniques Cinéma – « Hope »

de Boris Lojkine

avec Endurance Newton et Justin Wang. (Film français 1h30).

Ciné Mourguet à  Ste Foy-lès-Lyon le lundi 23 Février à  20h45
Une séance sera programmée en présence du réalisateur .

Chroniques Cinéma de Marie Noëlle Gougeon

Le périple plein de dangers, de peur et de mort de deux jeunes migrants : l’une nigériane, l’autre camerounais, sur la longue route de l’exil. La réalité de ces voyages comme vous ne l’avez jamais vue.

Elle s’appelle Hope (espoir en anglais), elle est Nigériane. Lui, Léonard, est camerounais.

C’est dans un camion de passeurs, à  la limite de l’Algérie, qu’ils vont faire connaissance. Elle est la seule femme. Laissée sur le bord de la route après un viol collectif, elle n’a aucune chance de s’en sortir. Pris d’affection pour elle, Léonard l’attend, abandonnant sa place dans le convoi..

Ainsi, ces deux compagnons d’infortune vont s’épauler tant bien que mal, lui d’abord réticent, elle mutique. Affronter ensemble les obstacles innombrables du périple va les rapprocher jusqu’à  faire naître entre eux des sentiments plus tendres.

Mais la dure réalité les rattrape bien vite, l’horrible réalité des passeurs qui les rackettent, les rançonnent. C’est comme çà  : pour franchir toutes les frontières, il faut payer en monnaie ou en « nature » pour Hope qui en tant que jeune femme est une proie facile et son corps, une marchandise. Hope et Léonard font face aussi à  l’organisation mafieuse des règles implicites des passeurs. Chaque communauté (camerounaise, nigériane, ivoirienne, etc..) est regroupée en ghettos avec à  sa tête un « chairman » qui fait régner la terreur : violences, vol, prostitution, trafic d’armes et d’argent, séances vaudou. On se demande si ce qu’ils doivent endurer pendant ce voyage n’est pas pire que ce qu’ils vivaient dans leur pays. Et pourtant, ils sont l’espoir de leur famille restée au village : il faut coûte que coûte qu’ils atteignent l’Europe, pour envoyer de l’argent.

Léonard n’aura de cesse de soutenir Hope, refusant de l’abandonner à  ces brutes sans foi ni loi, au péril de sa vie. La dernière séquence, poignante, montre que l’espoir est mince d’apercevoir sur les côtes d’Espagne une vie meilleure.

Hope est un film coup de poing qu’il faut aller voir pour se rendre compte de la réalité sordide et déshumanisante de la vie de ces candidats à  l’exil et au voyage. L’histoire d’amour entre Léonard et Hope apporte la preuve que la dimension humaniste ne disparaît pas complètement malgré la violence et peut adoucir une réalité très sombre. Les scènes entre les jeunes gens sont d’une grande douceur : le bain dans la rivière, deux ou trois oranges partagées, l’apprentissage de quelques mots de français.

Boris Lojkine vient du documentaire et réalise un film fort, à  l’image et aux cadrages soignés, et qui enrichit la façon dont nous connaissions déjà  cette réalité-là . Même si le scénario s’embrouille parfois dans les configurations de toutes les communautés traversées, tous les ghettos.

Les deux jeunes « héros » du film sont des migrants eux-mêmes et non des comédiens professionnels. Et aujourd’hui, ils n’ont toujours pas réussi à  gagner l’Europe : Hope -Endurance est toujours au Maroc. Léonard- Justin a pu retourner voir sa mère au Cameroun.

Hope est un film à  voir pour la réalité qu’il montre, pour la description « de l’intérieur » de cette violence, de l’immense pauvreté de ces groupes : pauvreté matérielle, culturelle et religieuse
Une leçon d’histoires et de vies.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19550307&cfilm=228466.html]