Scapin crève l’écran…

… ou: du grand théâtre au cinéma !

La nouvelle direction de la Comédie Française avec Eric Ruf à sa tête, et l’amitié complice de Denis Podalydès, a décidé de mettre la grande maison au goût du jour, et les initiatives servies par une troupe très dynamique sont nombreuses (Voir le site).

www.comedie-francaise.fr

C’est dans la perspective de la défense du patrimoine et de la recherche d’un public élargi (tout le monde n’habite pas à Paris…), que nous est proposée une pièce de Molière, à tout seigneur tout honneur, Les Fourberies de Scapin.

Après le foot, l’opéra, la danse, voilà donc en direct de la Salle Richelieu, la (re)transmission dans les salles Pathé de toute la France. Certes, il n’y a pas de présence réelle, certes on peut craindre que l’écran n’installe une distanciation préjudiciable, certes on peut mettre en doute la convivialité que crée une salle de théâtre où le public tient son rôle (le public a bien joué ce soir, aimait dire Jouvet), certes, certes…..Mais ça marche, comme le match de foot en live… J’ai vu des larmes de bonheur sur les joues de ma voisine, et entendu les applaudissements au final. Rien à voir avec la captation vidéo, rien à voir avec l’adaptation au cinéma d’un classique, rien à voir avec le théâtre à la télévision, même en direct. On est ensemble, et le théâtre est une fête à partager.

Encore faut-il qu’il y ait la qualité, et là alors, on a vu un Scapin étourdissant, éblouissant, étincelant…(je reprends les qualificatifs que j’ai entendus !). Scapin lui-même, j’allais écrire Molière lui-même.

Benjamin Lavernhe est entré à la Comédie Française il y a quatre, ou cinq ans, et dirigé par Denis Podalydès, il a trouvé un rôle à sa mesure, ou plutôt, il a trouvé la mesure du rôle, entraînant toute la troupe avec lui, avec une précision dans le jeu que la caméra saisit avec beaucoup de pertinence.

Benjamin Lavernhe

Le meteur en scène a pris le parti d’en faire une farce, inspirée directement de la Commedia dell’Arte, comme l’a voulu Molière, voisin au Palais-Royal du grand Scaramouche (Tiberio Fiorelli), pièce rapidement écrite pendant la rénovation du Palais Royal.

Denis Podalydès

Molière a 49 ans, deux ans avant sa mort en 1673, et à voir l’énergie que développe Benjamin Lavernhe, pratiquement toujours en scène pendant les trois actes, on reste saisi. Scappare, me dit-on, en italien, signifie s’envoler ! Quelle générosité à se donner ainsi sans retenue. En contre-point de la farce, les mises en scène antérieures ont souvent voulu souligner la visée sociale de la pièce: revanche, par la ruse, des petites gens contre les riches bourgeois, annonçant Figaro. Et cet aspect est effectivement gommé ici, mais il y a mieux: l’expression de la souffrance de Géronte, qui apparait sanguinolent après les bastonnades, de façon telle que l’on a hâte que les coups s’arrêtent… Didier Sandre, à contre-emploi, assure le rôle avec beaucoup de subtilité. La scénographie est due à Eric Ruf, avec en fond de scène, une très haute palissade bordant le quai du port de Naples qui oblige les comédiens à jouer en avant-scène, et permet un jeu avec le public, très réussi. Les costumes sont de Christian Lacroix (excusez du peu…).

Benjamin Lavernhe (Scapin) et Didier Sandre (Géronte)

Je m’aperçois que je n’ai pas parlé de l’intrigue. Elle a peu d’importance, avec comme souvent chez Molière, une fin abracadabrantesque: deux jeunes gens, Léandre et Octave, profitent de l’absence de leurs pères, Géronte et Argante, pour séduire, qui une jeune fille sans dot, Hyacinthe, qu’il a épousée, qui une bohémienne, Zerbinette. L’arrivée prématurée des pères, oblige les deux jeunes amoureux à faire appel à Scapin (alias Arlequin ou Brighella de la comédie italienne), pour retarder la colère des pères en inventant des fourberies, par lesquelles il en profite pour se venger de la façon dont il a été traité et humilié. Tout se termine bien, encore qu’à la fin, on ne sait pas si Scapin est mort ou vif….

Au total, Molière toujours (Quoi de neuf disait Sacha Guitry, et répondait, Molière), et on peut souligner que dans un programme de théâtre parisien très pauvre, c’est encore Molière qu’il faut aller voir: Scapin, ou Tartuffe avec Michel Bouquet et Michel Fau.

Molière et la Maison de Molière, au sein de laquelle un grand acteur vient de se révéler.

Théâtre et cinéma: une alliance complexe, si l’on se rappelle que ces dernières années, les metteurs en scène ont introduit sur scène beaucoup de vidéo, et que des films comme Les Damnés de Visconti, ont été repris au théâtre par justement la Comédie Française. Et il y a beaucoup d’autres exemples…..

Hugues Rousset.

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Prochains spectacles de la Comédie Française retransmis dans les cinémas Pathé en 2018

www.pathelive.com/programme/comedie-francaise-2017-2018

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Marivaux

Le Petit-Maître corrigé

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Racine

Britannicus

 

 

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