Littérature – Prosper à l’oeuvre.

Un roman d’Eric Chevillard – 2019 – 150 pages – Editions Noir Sur Blanc – Collection Notabilia.

Le roman dans le roman, c’est l’idée d’Eric Chevillard pour son livre Prosper à l’oeuvre.  On pourrait évoquer en comparaison, le très beau film La Nuit américaine, film dans le film. Mais si Truffaut a utilisé ce procédé pour célébrer le cinéma, avec Eric Chevillard, c’est une démolition du roman à succès d’aujourd’hui. Il ne s’en prend pas au roman populaire, mais à ces romans commerciaux qui ont des prétentions littéraires, vendus en tant que littéraires.

Le ton est donné par cette citation en quatrième de couverture: « Prosper Bouillon n’écrit pas pour lui. Il ne pense qu’à son lecteur, il pense obsessionnellement avec  passion à chaque nouveau livre, à lui  inventer la torture nouvelle qui obligera ce rat cupide à cracher ses vingt euros ».

Eric Chevillard campe donc ce personnage, Prosper Bouillon, écrivain à succès qui rapporte beaucoup d’argent à son éditeur. On le suit dans l’écriture d’un nouveau livre, mais on est loin d’un Balzac enchaîné à sa table de travail, sa cafetière à proximité, et multipliant les corrections des épreuves qu’il envoyait à son imprimeur. Prosper Bouillon a une multitude d’autres occupations en parallèle avec son travail d’écriture, à tel point que toutes ses occupations ayant pour objectif unique la vente du livre,  prennent le pas  sur l’écriture elle-même.  Eric Chevillard se moque: son personnage écrivain multiplie les métaphores vides, les phrases pédantes et les lieux communs.

Dès  le début de son roman,  Prosper Bouillon  pense déjà « que le livre sera recyclé à l’écran ».  Très imbu de son art, cet écrivain cite volontiers un essai qu’il aurait écrit, « Ecrire et tricoter c’est pareil ». En revanche, lui-même ne lit pas: « Ainsi a-il dévoré Eugénie Grandet en classe de seconde dans la fameuse collection « Profil d’une oeuvre » où l’histoire se trouve si bien résumée ».

Tellement sûr de son talent, mais surtout porté par sa notoriété, Prosper Bouillon a ouvert une master classe, très coûteuse comme il se doit, où il donne des recettes pour écrire des livres. En fait, surtout des recettes tournées vers la promotion du livre.

Dans cette satire de l’écrivain à succès, Eric Chevillard s’en prend aux salons  littéraires qui deviennent: « le festival Pleines Pages de Tarloire sur Vilaine »… »Les Encrières de Clonche »… « Journée de l’Ivre Livre d’Anchois »…sans oublier l’émission littéraire connue rebaptisée « Bibliothèque pour tous » à laquelle Prosper Bouillon participe régulièrement après avoir choisi soigneusement sa chemise et même ses chaussures.

Voila donc tout le monde littéraire et médiatique épinglé avec un humour revigorant, bienvenu en ce mois de janvier marqué par une rentrée littéraire moins connue que celle de septembre, mais qui offre parfois une sélection plus intéressante.

Marie Paule Dimet

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Eric Chevillard

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