F. Roux, La vie rêvée des hommes

 réédition en livre de poche, mai 2025. 1ère édition Albien Michel, Paris 2021

A la libération de Paris, deux soldats, Stanley et Paul, passent une semaine à s’aimer puis chacun retourne chez lui, à sa vie, celle de fils d’un riche entrepreneur new-yorkais dont il est l’un des adjoints, celle d’un marin-pêcheur breton.

Deux manières différentes voire opposées de vivre avec ce qu’ils sont au plus intime sont décrites durant les Trente glorieuses, puis 68, Stonewall et la « libération sexuelle ». Pour exister socialement, n’être pas rebus, il leur faut cacher l’inacceptable aux yeux tant du Maccarthysme que des structures sociales et familiales, de ses propres interdits. Etre homosexuel dans ces années-là, mais sans doute depuis toujours et pour longtemps encore sous bien des latitudes, signifie secrets et mensonges ou marginalisation, exclusion.

Sortir du mensonge n’est pas seulement une affaire de coming-out ou d’outing. La liberté des mœurs – c’est la vie de l’Américain – ne garantit pas la vérité, celle qui rend libre. Stanley demeure enfermé sous le non du père, même longtemps après le décès de ce dernier. A bien des égards, son mépris urbain renouvelle le rejet paternel. Les noms dupèrent !

Paul, par l’entremise de quelques personnes, finit par se réconcilier avec ce qui lui était interdit et qu’il s’interdisait d’être au prix d’une vie triste, enfermement, impasse. Longtemps, sa fidélité, mortifère, le fait demeurer là où il a dit qu’il serait, époux, père, patron, syndicaliste, etc. ‑ quand bien cela repose sur un mensonge. A défaut de l’estime de soi, cela permet au moins la sollicitude envers autrui et l’hospitalité. Paul tâtonne, marche sans écraser, sans reproduire ce qu’il a subi.

Eros et Thanatos sont passablement difficiles à séparer. Choisir la vie est une aventure que certaines situations transforment en parcours du combattant, en agonie même. Oxymore pascal.

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