La Cour de Babel

de Julie Bertuccelli

France, 2013, 1h29

Sortie en France le 12 mars 2014.

documentaire.

Réunis pour quelques mois dans une classe, des adolescents venus du monde entier découvrent une diversité culturelle qui va profondément les faire évoluer dans leurs apprentissages.

Depuis de nombreuses années, le système scolaire français propose des « classes d’accueil » dans certains collèges, pour les élèves qui ne maîtrisent pas bien le Français ou qui viennent d’arriver en France. La réalisatrice Julie Bertuccelli, qui alterne les documentaires (Bienvenue au grand magasin, 1999) avec les films de fiction (Depuis qu’Otar est parti, 2003), a passé une année scolaire dans la classe d’accueil du collège de La Grange aux Belles à  Paris. BABEL__1.jpg

Venant de plus de 20 pays différents, ces adolescents découvrent peu à  peu le système scolaire français, une autre langue et, au contact de leurs camarades de classe, d’autres cultures. A un âge où le bouleversement physique est important, s’ajoute un bouleversement affectif et culturel. Ils ont entre 12 et 15 ans et sont donc arrivés là  sans l’avoir décidé par eux-mêmes, pour rejoindre leur famille, pour suivre un parent dont le travail imposait un déménagement, pour éviter la misère ou l’intolérance religieuse. Rien ne les relie, rien ne les rassemble, hormis cette classe.

Pour les guider, Brigitte Cervoni, professeur de français de cette classe d’accueil. Patiente et discrète, ferme et douce, elle est le chef d’orchestre de cette drôle de cacophonie linguistique, où les différentes personnalités et traditions de chacun des élèves se percutent de plein fouet. Elle sait être attentive sans familiarité, bousculer sans humilier. Elle incarne le respect de l’autre qu’elle veut enseigner aux élèves.286989_7c6d5e7efd141697e5197347db6d1dd7.jpg

Avec finesse, Julie Bertuccelli se glisse au cœur de la classe et nous donne à  voir et à  entendre le palpitement d’un être en construction. Même s’ils ne maîtrisent pas encore bien la langue, ces adolescents arrivent à  partager leurs indignations et leurs enthousiasmes. Une des scènes les plus émouvantes est celle de la discussion sur les religions et les croyances. Si Maryam (Lybie) est effrayée de constater que dans l’Afrique noire et chrétienne, on se dit bonjour avec « des mots du Coran », Marko, juif et serbe, nous touche par l’évocation pudique des agressions des néo-nazis dont il a été victime.

La réalisatrice sait ne pas enfermer son documentaire dans un catalogue de voyages ou un hymne à  la diversité. Ces jeunes sont aussi des adolescents ordinaires. Ils souffrent de la séparation de leurs parents, de leur échec scolaire, ils sont heureux de jouer d’un instrument de musique devant leurs camarades, et si la dispute entre « cheveux crépus » est aussi drôle que poignante, ils portent tous la même espérance : entrer définitivement dans leur classe de rattachement, se fondre dans la normalité.babel_3.jpg

La Cour de Babel est un documentaire touchant et intelligent, jusque dans le choix du titre, évoquant la cour de récréation et le mythe biblique. Un beau film, qu’on peut proposer aux spectateurs qui ont l’âge des protagonistes !

Magali Van Reeth

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