Projection au cinéma Mourguet, Ste-Foy-lès-Lyon, le 9 octobre
Dans la seconde moitié du 20° siècle, de nombreux pays d’Amérique latine ont été le siège de multiples révolutions et soulèvements populaires pour réclamer une société plus juste. En étudiant leur histoire, le réalisateur a découvert comment les chrétiens avaient joué un rôle essentiel dans ces mouvements.
François-Xavier Drouet commence son documentaire en disant sa passion pour l’Amérique latine et ses révolutions, où les peuples indigènes et les classes les plus pauvres réclamaient une société plus juste et plus digne. Longtemps, le réalisateur n’a pas voulu voir l’action essentielle des chrétiens dans ces mouvements. Loin d’être une confession, ce film est l’un des premiers retraçant l’histoire de la théologie de la libération qui a profondément divisé l’Eglise catholique universelle lors du pontificat de Jean-Paul II.
Le documentaire est chapitré en 5 parties, chacune introduite par un verset biblique. Les quatre premiers chapitres correspondent à un pays (Salvador, Brésil, Nicaragua, Mexique) et si la dernière revient au Brésil, c’est pour examiner les répercussions actuelles que ce mouvement a eu sur la pratique religieuse.
Le réalisateur alterne les images d’archives avec des paroles de témoins directs : prêtres, religieuses, catéchistes, théologienne. La violence des images du passé contrastent fortement avec la douceur des témoignages, la voix posée de ceux qui ont vécu cette époque-là et n’ont pas été assassinés à cause de leur engagement. Plus de 12 évêques ont été assassinés et près de 300 prêtres et des religieuses et religieux et de nombreux laïcs, catéchistes pour la plupart. L’action des chrétiens d’Amérique latine auprès des plus pauvres, des indigènes et contre les dictateurs en place, mettait mal à l’aise l’Eglise catholique officielle, surtout lors des premières années du pontificat de Jean-Paul II.
Plusieurs témoins reviennent sur le voyage de Jean-Paul II au Nicaragua, de la messe du 4 mars 1983 à Managua et de l’humiliation ressentie alors par toute une partie de l’Eglise catholique locale, lorsque le pape a refusé de serrer la main d’un des représentants de cette théologie de la libération. Etre auprès des plus pauvres, œuvrer pour plus de justice sociale fait partie de la culture chrétienne mais s’opposer aussi fermement aux gouvernement et aux élites en place met mal à l’aise une partie de la hiérarchie de l’Eglise et des fidèles. La force du message de l’Evangile peut être interprétée de bien des manières, et sans doute la réalité de l’Amérique latine différait beaucoup des habitudes européennes.
L’apaisement viendra avec l’élection de François puis en 2018, la béatification d’Oscar Romero, comme martyr de la foi (et saint patron de SIGNIS). Cet évêque et archevêque salvadorien a été assassiné dans son église le 24 mars 1980, à cause de son engagement auprès des plus pauvres et son opposition à la junte alors au pouvoir.
Le documentaire de François-Xavier Drouet n’est bien sûr pas exhaustif, même s’il donne la parole à de rares détracteurs de ce mouvement. Il permet surtout à un large public, chrétien ou non, de découvrir ou de se souvenir de ceux qui, au nom de leur foi, ont donné leur vie pour les autres, dans l’espérance d’une société plus juste, évoquant ainsi ce passage de l’épître aux Romains : Bien plus, nous mettons notre fierté dans la détresse elle-même, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. (Rm 5, 1-5).
Dans la dernière partie, où le réalisateur revient au Brésil, il cherche les traces de cet élan d’espérance chez les croyants. C’est dans ce pays qu’aujourd’hui on trouve la plus grande proportion de chrétiens évangéliques, dispersés en une multitude de chapelles, souvent très conservateurs et très impliqués dans la vie politique. La société future qu’ils veulent faire advenir est bien loin de celle rêvée par les adeptes de la théologie de la libération. Avec ce documentaire et le témoignage des derniers protagonistes, François-Xavier Drouet permet de sortir de l’oubli les nombreux martyrs de cet Evangile de la révolution.
Magali Van Reeth
