Manuel de libération d’Alexander Kuznetsov

Manuel de libération
Un film d’Alexander Kuznetsov
Russie – France – 2016

Le titre du documentaire du réalisateur russe Alexander Kuznetsov, documentaire largement financé par la France, sonne, à  une première lecture, comme le titre d’un manifeste révolutionnaire, écrit par quelque guérillero luttant pour libérer son pays d’une sombre dictature. Il n’en est rien ! La libération dont il est question ici, est celle à  laquelle aspirent deux jeunes femmes russes, Yulia et Katia, retenues en Sibérie dans un Institut psychopédagogique depuis de nombreuses années, après avoir connu d’autres nombreuses années en orphelinat. Kuznetsov nous décrit le lourd parcours judiciaire que doivent suivre Yulia et Katia pour faire reconnaître leur « capacité civile », qui leur permettra de quitter l’institution qui les héberge, et de profiter, enfin, d’une véritable vie de liberté, la vie dont elles rêvent depuis si longtemps. Ce rêve, plusieurs « pensionnaires » de l’Institut, l’expriment dès le début du film. Mais Kuznetsov les filme dans un cadre extrêmement resserré, comme si ces rêves portaient déjà  en eux une totale illusion. Les scènes de prétoire, d’une froideur bureaucratique absolument effrayante, succèdent à  celles qui se déroulent dans l’Institut, où l’on rencontre alors chaleur humaine et empathie, au travers des échanges qui s’installent entre le personnel, les soignants et les « interné(e)s ». La fin du film nous apprend que les demandes de chacune des jeunes femmes connaissent une issue très différente. Katia se voir refuser l’obtention de sa « capacité civile ». Penchée à  la fenêtre, elle découvre un paysage totalement baigné dans le vert : le vert des arbres, le verre des plantes du jardin, le vert des pelouses, mais surtout le vert de tous les toits des pavillons de l’Institut. Du vert, finalement, comme un grand cri d’espérance. Yulia, quant à  elle, quitte enfin l’Institut, muni du précieux certificat de « capacité civile ». La scène se déroule de nuit. On aperçoit furtivement le visage de la jeune femme au travers de la fenêtre du train qui l’emmène, dans une obscurité complète, vers on ne sait quelle destination, vers on ne sait quelle liberté. Vous avez dit, libération ? Tout cela se déroule en Russie, de nos jours. En Russie seulement ??

Pierre QUELIN.

« Les Anarchistes » et « Une histoire de fou »

Les Anarchistes de Elie Wajeman

avec Tahar Rahim et Adèle Exarchopoulos

Drame français (1h41).

Une histoire de fou de R. Guediguian

avec Ariane Ascaride, Simon Abkarian

Drame français. (2h14).

La révolte et la violence sont le dénominateur commun de ces deux films où la jeunesse tient le 1er rôle. Si le 1er « Les anarchistes », brillant au niveau de la réalisation, dépeint surtout une passion amoureuse, le second, « Une histoire de fou » défend avec passion et convictions la cause arménienne. En écho, tous les deux deviennent une étonnante réflexion sur le terrorisme d’aujourd’hui.

Ces deux films sortent le même jour (le 11 novembre) et cette temporalité est une invitation à  les regarder dans un même mouvement
« Les anarchistes » se passe en 1899 à  Paris. Jean Albertini, orphelin, policier, se voit proposer d’infiltrer un groupe d’anarchistes. Il accepte, pensant monter en grade. Bien vite, il se trouve emporté par la vie fraternelle et communautaire de la bande qu’il est sensé espionner. La présence de Judith dont il tombe vite amoureux viendra encore brouiller ses engagementsMais le groupe d’anarchistes passe à  la lutte armée. Tout change

« Une histoire de fou » raconte l’histoire dans les années 70, d’une famille à  Marseille, ayant fui l’Arménie dans les années 20. La jeune génération se rebelle contre les parents qui ont baissé les bras. Aram, le fils, radical, veut se battre. Il effectue des attentats en France contre des dignitaires turcs et blesse involontairement un français. Obligé de fuir, il part à  Beyrouth, là  où les mouvements de libération se côtoient (palestiniens, arméniens etc..). Sa mère, (Ariane Ascaride bouleversante en mère courage) fera tout pour aller le chercher. Dans une démarche un peu « folle » elle retrouve le jeune français que son fils avait rendu handicapé. Tous les deux partent pour le Liban.

Ne cherchez pas dans le film d’Elie Wajeman une analyse sociopolitique du mouvement anarchiste. Son propos est ailleurs. « Les anarchistes » est surtout le prétexte d’un film sur une jeunesse perdue, sans famille, ou en rupture avec son milieu. Elle se bat contre un système, une police musclée à  coups de textes enflammés qu’ils déclament dans des arrière salles de café enfumées. Les anarchistes est brillamment réalisé, (montage serré, gros plans, qualité de la reconstitution) mais c’est dans la direction d’acteurs que le jeune réalisateur excelle le mieux. On reparlera sans doute de Swann Arlaud ou de Guillaume Gouix. Ils apportent à  leurs rôles toute la fougue et la passion de la jeunesse comme Adèle Exarchopoulos frêle et forte à  la fois. Elle forme avec Tahar Rahim un vrai couple de cinéma.

On retrouve dans une Histoire de Fou cette volonté de se battre pour une cause. Pour Aram, c’est la cause arménienne, née il y a un siècle dans l’embrasement du Moyen-Orient. Il y perdra la vie tout comme aujourd’hui d’autres jeunes qui embrassent une autre forme de terrorisme dans cette même région. Aram lui, vit dans une famille aimante et sa mère fera tout pour aller le chercher dans ce Beyrouth en guerre. Et on ne peut s’empêcher de penser à  ces familles ne comprenant plus leurs enfants partis aujourd’hui en Syrie ou ailleurs épousant une cause perdue

Robert Guédiguian, réalise une belle fresque chaleureuse, humaniste, à  la gloire du pays de ses ancêtres : l’Arménie. Il n’oublie pas ses idées révolutionnaires et signe une surprenante dédicace à  la fin de son film :

« Pour mes camarades turcs, en honneur des combats partagés ».

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19557449&cfilm=228249.html]

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19557760&cfilm=228184.html]

AVANT-PREMIERE du film « Mia Madre »

le 19 Novembre à  20h30.

AVANT-PREMIERE du film «Mia Madre »

de Nanni Moretti

Prix du Jury Œcuménique de Cannes 2015.

au Cine Mourguet (Ste Foy-lès-Lyon)

Dans le cadre de la BASA (Biennale d’art sacré actuel) le service Arts Cultures et Foi du diocèse de Lyon vous invite à  l’AVANT-PREMIERE du film Mia Madre de Nanni Moretti, Prix du Jury Œcuménique de Cannes 2015.
A l’issue de la séance, débat animé par MN Gougeon du service Arts Culture et Foi et F. Poncet du Ciné Mourguet.
Un récit touchant où un frère (incarné par le cinéaste) et sa sœur, réalisatrice en plein tournage doivent faire face à  la mort prochaine de leur mère.
Une œuvre sobre et juste, grave et burlesque, sur la vérité de l’existence. (La Croix).

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19552325&cfilm=225672.html]

Renseignements et réservations des places :

Cine Mourguet

15 Rue Deshay Ste-Foy-lès- Lyon.

Tel 04 78 59 01 46.

[->http://www.cinemourguet.com/]

Chroniques cinéma – Une jeunesse allemande 1965-1977

Documentaire de Jean Gabriel Périot

Français (2015) 1H33.

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Un voyage documentaire vertigineux dans l’Allemagne des années 70 et la lutte armée des activistes de l’Armée Rouge : A. Baader, U.Meinhof. Une mise en abîme sur la violence terroriste et le rôle d’un cinéma engagé. Un film choc et d’une étrange actualité.

Le film commence à  la fin des années 60 par des manifestations étudiantes comme dans d’autres pays du monde, contre le pouvoir politique, l’autorité, la société de consommation et les médias en la personne en Allemagne du magnat de la presse Alex Springer.

Des étudiants allemands, pour la plupart issus de familles aisées et cultivées tentent de provoquer un soulèvement de la population allemande avec des écrits dans des revues contestataires, des manifestations, des films engagés : « Avant de prendre un fusil, on doit prendre sa caméra pour agir et critiquer ».

Leur discours est théorique, radical ; ils savent manier la dialectique marxiste. Mais devant l’échec de leurs stratégies, ils engagent la lutte armée et fondent la Fraction Armée Rouge (RAF).

Prises d’otages, braquages de banques, assassinats: les années 70-72 seront sanglantes et installent dans le pays un climat de peur. Arrêtés et emprisonnés la « Bande à  Baader » finira sa vie en prison quelques années plus tard par suicide ou mort par armeQuelle violence ! Quel gâchis !

Il y a comme un vertige qui vous saisit à  la vision de ce film.
D’abord, il reflète le travail énorme de JG Périot pour retrouver des films d’époque : émissions de TV, productions des activistes politiques, reportages. Le montage, serré, sans temps mort est éloquent et illustre sans commentaire (no comment) l’engrenage des propos, l’aveuglement, la démocratie en danger, la lutte entre deux blocs (la répression du pouvoir, la violence des terroristes).

Ensuite il montre bien, pour ceux qui l’ont connu le climat de ces années là  : celui d’une conscientisation politique des jeunes plus importante que celle d’aujourd’hui me semble-t-il et les interrogations d’un cinéma sur sa dimension sociale et politique. Quel est son rôle dans la société ? Doit-il prendre parti, témoigner, s’engager ? Et on se rappelle les films politiques italiens des années soixante-dix..

Enfin, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec aujourd’hui : il existe une autre forme de fanatisme qui embrase une autre jeunesse avec d’autres motivations mais avec la même folie : semer la terreur et la peur pour provoquer un déséquilibre politique. Oui, l’embrigadement mental, intellectuel voire religieux et sa conséquence le terrorisme armé sont toujours d’actualité.

Ce film coup de poing qui oblige à  voir la révolte d’une jeunesse allemande (qui sans doute expiait l’attitude supposée de leurs parents pendant la guerre et qui pourrait aujourd’hui être celle d’une autre partie du monde) ne peut laisser personne indifférent.

Il se termine par l’extrait d’un film du cinéaste allemand Fassbinder daté de 1977, où l’on entend une mère répondre à  son fils : « Ce qu’il faudrait maintenant c’est un homme avec beaucoup d’autorité, de la poigne mais en même temps un aspect sympathique »

Quand les extrêmes se répondent.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19555091&cfilm=225925.html]

Chroniques cinéma- « Belles familles »

de Jean-Paul Rappeneau

avec Mathieu Almaric, Marine Vacth, Nicole Garcia, Gilles Lellouche, André

Dussollier Français 2015. (1h53).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Une histoire d’héritage et d’imbroglio familial portée par la virtuosité cinématographique de Jean-Paul Rappeneau. C’est léger, agréable à  regarder mais on reste un peu sur sa faim quant à  l’originalité de l’intrigue et l’analyse des caractères.

On connait la qualité de metteur en scène de Jean-Paul Rappeneau avec des comédies comme « La Vie de château » ou « Le sauvage ». A plus de 80 ans, il réalisé son 8ème long métrage avec un enthousiasme conservé pour les films chorals et la façon légère d’aborder des thèmes graves.

« Belles familles », raconte l’histoire d’une famille confrontée aux tribulations de la vente d’une maison familiale. Jérôme, le fils parti en Chine pour fuir ce père indifférent découvre à  son retour passager en France que la maison n’est toujours pas vendue. Un litige avec la mairie et un promoteur immobilier (son ancien ami Grégori) ralentit la transaction.

De fil en aiguille, il va découvrir la seconde épouse de son père à  qui aurait dû revenir cette maison, sa fille (Louise) qui est, étrange hasard, devenue la compagne de Grégori.

Après de nombreux rebondissements, la vérité éclatera. C’est le frère de Jérôme, qui a subtilisé la lettre qui aurait fait de cette seconde épouse la propriétaire de cette maison familiale. Impossible pour ce fils bien trop attaché à  sa mère de consentir à  l’abandon de la maison

Jean-Paul Rappeneau a construit son film comme un film gigogne où les intrigues et les rebondissements s’emboîtent les uns dans les autres : chaque séquence ouvre une facette nouvelle du personnage ou de l’intrigue.

C’est aussi un film « en miroir » car les personnages vont tous deux par deux : Jérôme et son frère. Jérôme et Louise qu’il finira par séduire, Grégori et Jérôme, la mère et son fils, etc..

Tout finira bien puisque la maison reviendra comme le père l’avait voulu à  sa seconde épouse.
Et Jérôme pourra enfin faire la paix avec ce père lointain de même que sa mère ( Nicole Garcia) puisqu’elle rencontrera enfin cette « seconde épouse ».

Il faut toute la virtuosité de JP Rappeneau pour traduire en images ce maelstrom de situations et d’intrigues familiales. Les séquences s’enchaînent à  un rythme rapide, virevoltant. Les plans sont soignés, les images superbement cadrées. Mais à  la longue, la forme prend le pas sur le fond.

Au final, on retient de ce film très agréable à  regarder une morale : rien ne sert de vouloir tordre le coup au désir profond des personnes. La vérité des sentiments apporte seule l’épanouissement de chacun et la paix d’une famille, au-delà  des conflits, des volontés de garder pour soi ou de figer des situations affectives et familiales qui n’existent plus

Mathieu Almaric et la jeune Marine Vacth dominent un lot de comédiens tous justes et qui apportent à  JP Rappenau leurs talents confirmés pour cette comédie dramatique à  moitié réussie.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19555869&cfilm=227272.html]

Chroniques Cinéma – Fatima

de Philippe Faucon

avec Soria Zeroual, Zita Haurot, Kenza Noah Aïche

Drame. Film Français. 1h19. (2015).

Tourné en banlieue lyonnaise avec des acteurs non-professionnels, Fatima est un film à  la gloire de toutes les « Fatima » que l’on croise dans nos banlieues aux prises avec la langue, l’éducation de leurs enfants et parfois notre propre indifférence..

Lire la suite…

Chroniques Cinéma – Vers l’autre rive

de Kiyoshi Kurosawa

avec Eri Fukatsu, Tanahobu Asano.

Drame. Film Franco-japonais (2015). 2h07.

Chroniques Cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Une balade entre les deux rives de la vie à  la lisière entre rêve et réalité. Un poème lumineux du cinéaste japonais Kiyoshi Kurosawa sur le travail de deuil et les liens qui nous retiennent à  ceux qu’on aime ou qu’on a aimés.

Lire la suite…

Festival – Lumière !

116 films des frères Lumière restaurés et présentés par Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier 2 DVD et un livret. Sortie le 16 septembre 2015.

A l’occasion de l’exposition Lumière ! et du Festival du même nom qui se tiendra du 11 au 18 octobre à  Lyon, sortie en DVD de 116 films tournés entre 1895 et 1905 par les Frères Lumière et leurs opérateurs. Un petit bijou de créativités cinématographiques.

Lire la suite…