Miel

de Semih Kaplanoglu

Turquie, 1h43, 2010.
Berlinale 2010, Ours d’or et prix du Jury oecuménique.

Sortie en France le 22 septembre 2010.

avec Bora Atlas, Erdal Besikçioglu, Tà¼lin Ozen.

Beaucoup de douceur dans ce miel-là  mais aussi l’amertume d’une enfance où il faut vaincre ses terreurs et la disparition soudaine de celui qui savait les apaiser. Un très beau film.

Yusuf est un petit garçon qui a du mal à  apprendre à  lire à  l’école. Il rêve de bien faire pour obtenir enfin le bon point rouge que le maître remet à  ceux qui ont réussi un exercice. Heureusement, la vie en dehors de l’école est plus facile. Il habite avec ses parents dans un petit village au cœur de la forêt, au nord-est de la Turquie. Son père est apiculteur et il fascine Yusuf tant il sait faire de choses dangereuses, compliquées.

Miel est le dernier volet de la trilogie du réalisateur Semih Kaplanoglu qui cherche, en images, à  comprendre comment on devient poète Cet itinéraire intime se déroule à  l’envers, partant de l’adulte pour revenir à  l’enfance. Avec Yumurta/Œuf (2007) et Bal/Lait (2008), les trois films peuvent se voir tout à  fait indépendamment et dans le désordre. Les trois sont des œuvres poétiques à  part entière, une œuvre de cinéma différente et délicate, la quête d’une lumière qui éclaire aussi de l’intérieur.miel4.jpg

Semih Kaplanoglu s’attache à  faire de chaque plan une composition soignée où la beauté, loin de la banalité, est chargée de sens. Miel se déroule en partie dans la forêt et, avec Yusuf, le spectateur est physiquement emporté par le côté magnifique, puissant mais aussi terrifiant des formes et des sons de cette nature toujours sauvage. Le craquement des brindilles sur le chemin, le silence tour à  tour oppressant et apaisant d’un univers à  la fois luxuriant et sombre, la couleur des fleurs, l’apparition brusque d’un animal, la pluie qui ruisselle sur les feuilles, tout participe à  l’émotion complexe du ressenti.

Semih Kaplanoglu : « J’essaye de peindre, de refléter la réalité sous un angle plus spirituel. Plutôt que de disséquer notre existence comme dans un laboratoire et de confiner la vie dans les relations de cause à  effet, j’essaye de lire la lumière des puissances supérieures. J’espère une analyse en termes de prophétie, de foi en les rêves, d’espoirs et de crainte. Le tableau sera alors complet. Faire un film est comme une découverte, y compris de soi-même, pas seulement pour le réalisateur mais pour toute l’équipe du film. Cela m’a aussi servi à  préciser mon style cinématographique, que j’ai nommé faute de mieux « réalisme spirituel ».

Au village, dans la maison, la douceur et la quiétude du foyer alterne avec la crainte de l’absence du père, la peur de ne pas réussir à  l’école, les mystères des adultes. Là  encore, pour Yussuf, l’univers est sauvage, à  décrypter. Ici aussi, la beauté est lumineuse, évidente, discrète. Semih Kaplanoglu construit son film comme un poème, les différentes scènes s’entremêlant en rimes d’ombre et de lumière, de joie et de peine, de solitude et de foule. Mais cette construction va bien au-delà  de la forme. Ces images ne sont belles que parce qu’elles ont du sens. Les plans sont construits pour montrer la raison des gestes les plus anodins, le sens de toute une vie où l’être humain est parfaitement en harmonie avec la nature et la société qui l’entourent, même dans les moments de détresse.miel6.jpg

Au Festival de Berlin 2010, ce film a obtenu l’Ours d’or et le prix du Jury œcuménique, accompagné de cette note d’intention : « Immergé dans une forêt magnifique, Yusuf est en lien direct avec la nature pourvoyeuse de nourritures matérielles et spirituelles. Miel, tout en soulignant l’importance de la famille et de la communauté, nous invite à  aller plus loin dans cette forêt, voyage de l’âme humaine en quête d’idéal et de compagnons avec qui partager cette vie. »

Magali Van Reeth

Signis

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