La Bella gente, les gens bien

d’Ivano de Matteo

Italie, 1h38, 2009.

Sortie en France le 16 février 2011.

avec Monica Guerritore, Antonio Catania, Victoria Larchenko.

Critique acerbe de la bourgeoisie italienne où des gens aisés, dans l’indolence estivale, veulent aider une jeune fille à  changer de vie. Ou comment être quelqu’un de bien dans un monde complexe ?

Pour faire face à  la monotonie des jours qui passent dans une douceur relative, on peut se pencher régulièrement sur les malheurs du monde. Entourés d’amis qui partagent un même questionnement intellectuel, une même curiosité géopolitique et une même aisance financière, on peut savourer un bon repas arrosé de crus classés et se sentir concernés. On peut aussi décider de passer à  l’action et, en voulant sauver le monde, sauver au moins une personne. C’est ainsi qu’un jour d’été, Susanna ramène une bombe à  la maison.

La bombe en question est une très jeune femme, pauvre, belle et déjà  mal partie, venant des pays de l’Est, bernée par le miroir aux alouettes de l’occident capitaliste et de l’argent facile. Une Cendrillon maltraitée qu’on a envie de recueillir, de protéger, de remettre sur de bons rails. Contre l’avis de son mari et de ses amis, Susanna va ouvrir la maison familiale à  Najda. Patiemment, avec douceur et bonté, elle va la mettre en confiance, lui redonner de l’espérance. Jusqu’au jour où Susanna devra choisir entre sa protégée et sa propre famille, au bord de l’implosion.bella2.jpg

Filmé de façon plutôt classique, avec de bons interprètes, La Bella gente vaut surtout par les questions qu’il pose et le constat terrible qu’il met en scène. Comment être quelqu’un de bien ? Par compassion, autant que par réflexe professionnel, Susanna veut aider Nadja. Pour Nadja ? Pas si sûr. Pas une fois, elle ne demande à  la jeune fille ce qu’elle veut, ce dont elle a envie ou comment elle envisage son avenir. Et tout va de travers lorsque Nadja désire ce qui n’était pas prévu pour elle. La fin est forcément terrible. Najda retourne à  son point de départ. Avec dans son sac, une belle somme d’argent. Comme une prostituée à  la fin d’une transaction. A-t-elle perdu ou gagné quelque chose ? On ne le saura pas, pas plus qu’on ne saura ce qu’il fallait faire pour que ce soit bien

Une chose est sûre, en tant que spectateur, on est bouleversé par la violence des réactions de chacun, la lâcheté collective dès que la douce harmonie se fissure. Pire encore, dans ce sauve-qui-peut général, on n’a finalement rien à  reprocher au couple d’amis de Susanna et d’Alfredo, eux qui n’ont pas voulu agir. Présentés en début de film comme une caricature de la « beaufitude », lui le parfait macho entrain de lustrer sa voiture, elle reine du shopping bronzant en bord de la piscine. Riches sans complexe et très égoïstes dans leur idéal, au final, eux n’auront blessé personne Un des aspects les plus amers du film !bella3.jpg

Lorsque devant Ivano de Matteo, on évoque Théorême de Pasolini, où un jeune homme dynamite de l’intérieur une famille bourgeoise, il acquiesce et parle même de King Kong où une bête sauvage chez les gens civilisés provoque aussi d’énormes bouleversements Pourtant, le jeune réalisateur italien ne se veut pas cynique en dénonçant ainsi la compassion et les élans de solidarité de ses compatriotes (et de beaucoup d’autres). En nous renvoyant si durement à  nos élans de générosité les plus spontanés, le film prend une dimension très politique. Lorsque l’ordre du monde est uniquement régit par le profit, que les lois du capitalisme sont plus fortes que celles des individus en société, il ne peut y avoir de solution individuelle pour construire un futur différent.

Ainsi, La Bella gente, dans la douce lumière de l’Italie, dans la rondeur indolente de ses personnages, nous alerte sur cette conscience collective qui doit primer sur l’acte individuel si on veut agir pour changer durablement le monde.

Magali Van Reeth

Signis

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