Retour à  Cannes

A part le mauvais temps, que retenir de ce 65éme édition ? Beaucoup de bons films, mais peu qui soient réellement enthousiasmant, peu de surprise, peu de femmes mais une qualité indéniable chez les très nombreux réalisateurs présents.

La vieille garde du cinéma international, Kiarostami, Haneke, Resnais, Loach, a toujours le désir de tourner, à  défaut de révolutionner les images. Si Michael Haneke est reparti avec la palme d’or pour Amour, l’innovation était plutôt du côté d’une génération plus jeune et moins connue, comme Leos Carax (France) qui, dans Holy Motors, réussit le tour de force de rendre hommage au cinéma classique tout donnant à  voir le cinéma du futur.beasts1-2.png

Venus des quatre coins du monde, les réalisateurs de la sélection officielle ont protesté en force contre l’omniprésence des règles économiques dans la vie quotidienne. Que ce soit avec un humour rageur et Brad Pitt dans Killing Them Softly d’Andrew Dominik (Etats-Unis) ; avec l’élégance raffinée et sensuelle d’Im Sang Soo (Corée) où L’Ivresse de l’argent ne fait pas le bonheur ; avec les images d’une beauté fulgurante de Carlos Reygadas (Mexique) qui a un peu perdu les spectateurs entre lutte des classes et hymne à  la nature ; avec le sexe qui bouleverse les relations marchandes entre le Nord et le Sud dans le provocant Paradies : liebe d’Ulrich Seidl (Autriche) ; avec le huis clos sophistiqué d’un trader en limousine, isolé de la réalité du monde de David Cronenberg (Canada) et son Cosmopolis ; avec La Part des anges, comédie légère et alcoolisée où Ken Loach (Royaume-Uni) permet à  une bande de pré-délinquants de se racheter une conduite en pillant un milliardaire La morale explose dès lors qu’il faut aider les pauvres et les exclus à  trouver leur place dans le tourbillon d’un monde où priment les lois de la finance !dejca1.png

La jeune génération a réussi à  se faire une place. Peut être pas dans la compétition officielle mais dans celle d’Un Certain Regard où les pépites foisonnaient. Du Canada, Xavier Dolan a montré Laurence Anyways, une œuvre lyrique, romanesque, foisonnante (et un brin prétentieuse), histoire d’amour complexe, comme elles sont aujourd’hui, chacun voulant être soi même avant de faire le bonheur de l’autre. A l’inverse des personnages de Pablo Trapero (Mexique) avec Elefanto Blanco, célèbrent l’engagement total au service des populations déshéritées des bidonvilles sud américains, avec deux belles figures de prêtres. Les enfants saccagés, on les a retrouvés dans La Playa DC de Juan Andres Arango (Colombie), film pudique, qui insiste sur les raisons d’espérer plutôt que sur la violence. Ou dans Djeca d’Aida Begic (Serbie Herzégovine), enfants que la guerre en Europe a laissés orphelins. Avec ce deuxième film, la jeune cinéaste confirme son talent. La vraie révélation bien sûr a été Les Bêtes du sud sauvage de Ben Seitlin (Etats-Unis) qui a raflé tous les prix, d’une mention du jury œcuménique à  la caméra d’or, en passant par un prix Fipresci. L’enfance encore une fois est au cœur de ce film poétique, lumineux, célébrant la liberté et la part animal que l’homme moderne a oublié dans une urbanité toujours croissante.elefanto1.png

Bref, un Festival de Cannes moins décevant qu’il n’y parait puisqu’il a donné toute sa place à  une jeune génération, prête à  bousculer le ronron cannois et les grands maîtres, pour le plus grand plaisir des festivaliers et des spectateurs.

Magali Van Reeth

Signis

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