L’Odyssée de Pi

d’Ang Lee

Etats-Unis, 2012, 2h05

Sortie en France le 19 décembre 2012.

avec Suraj Sharma, Irrfan Khan, Gita Patel.

Un film décevant qui traite sans talent les questions religieuses et l’art du récit, et utilise avec maladresse les nouvelles technologies.

Tiré du roman éponyme de Yann Martel (2001), le film retrace les aventures rocambolesques de Pi. En Inde, dans les années 1950, un jeune homme est élevé dans le zoo où travaillent ses parents. Son père est très rationaliste mais sa mère lui enseigne les rituels religieux du pays. Pi est attiré par la spiritualité et les religions. A la fin de son adolescence, à  la suite d’un naufrage, il se retrouve seul à  dériver en mer sur un canot en compagnie de quelques animaux. Invoquant Dieu, il est sauvé et cela prouve pour lui l’existence de Dieu.20313351.jpg

Cette histoire est portée à  l’écran par Ang Lee, un réalisateur taïwanais à  la surprenante filmographie. Garçon d’honneur (1993), Ice Storm (1997), Tigre et dragon (2000), Le Secret de Brokeback Mountain (2005) : il oscille entre œuvres confidentielles, un brin acerbe, et succès grand public. Avec L’Odyssée de Pi, tourné en 3D, il semble racler le consensuel avec désinvolture

Le scénario alterne d’une part les conversations insipides, filmées sans aucune imagination, entre l’auteur du roman et le protagoniste de cette aventure, sans que cela n’apporte rien à  l’histoire. Et d’autre part, les scènes d’aventure féerique où la technologie 3D bombarde le spectateur d’effets spéciaux, parfois étonnants, comme dans les scènes oniriques, parfois très racoleurs comme avec les animaux. L’image, où on ne peut faire le point que sur un plan précis, semble comme salie, toujours floue à  un endroit ou l’autre de l’écran. Le mélange de décors et d’acteurs réels avec ceux virtuels, n’est pas toujours très harmonieux.

L’Odyssée de Pi dure plus de deux heures et on a largement le temps de s’ennuyer, notamment pendant que le canot dérive. On s’intéresse alors aux invraisemblances, qui sont hélas nombreuses (pourquoi Pi ne porte pas son gilet de sauvetage, comment peut-il rester aussi longtemps debout sur une bâche glissante ?). Et on regrette que certaines options de scénarios n’aient été mieux exploitées (l’humour notamment).

Mais le plus gênant est sans doute la façon dont le film aborde le problème de Dieu. Ici, les grandes religions historiques sont toutes ramenées au même plan et Pi croit en chacune d’elles avec la même conviction. Il se déclare végétarien par respect pour l’hindouisme, musulman pour le contact avec le sol au moment de la prière, baptisé chez les chrétiens par amour du Christ et il enseigne la théologie juive. La religion semble pour lui surtout une question de rituels et de folklore, où on peut picorer le meilleur et le moins contraignant, sans être obligé de choisir un credo. Bien évidemment, pour lui l’existence de Dieu est prouvée par son sauvetage et son retour à  la terre ferme après avoir vécu autant de dangers. Mais pour le voir haranguer Dieu au milieu de la tempête, on se demande quand même s’il ne confond pas la religion avec une compagnie d’assurance spécialisée dans les voyages et le rapatriement

Tout à  fait dans l’air du temps, L’Odyssée de Pi mélange, sans aucun talent artistique, l’épopée d’un homme face à  un méchant destin (enfin un héros !), le questionnement du fait religieux réduit à  sa plus simple expression (Dieu n’est plus qu’un faiseur de miracles) et une utilisation bâclée d’une nouvelle technologie, appliquée à  un roman qui a été un succès commercial. On peut s’abstenir.

Magali Van Reeth

Signis

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