L’Artiste et son modèle

de Fernando Trueba

Espagne, 2012, 1h45.

Festival de San Sebastian 2012, prix du meilleur réalisateur.

Sortie en France le 13 mars 2013.

avec Jean Rochefort, Aida Folch, Claudia Cardinale.

Insensible à  la guerre qui bouleverse son environnement, un artiste vieillissant cherche l’inspiration. Le désir de créer, et de vivre, lui est rendu par un nouveau modèle.

Dans un petit village des Pyrénées, à  l’été 1943, un artiste reconnu et déjà  âgé, traverse avec peine l’ennui quotidien. Sculpteur, il a perdu l’inspiration, l’envie de créer et sans doute l’envie de vivre. Ses promenades dans la campagne, devant la fulgurante beauté de la nature, le renvoie à  son impuissance artistique. Sa femme lui propose un nouveau modèle, une jeune femme « dans son style ».

Le réalisateur espagnol Fernando Trueba porte en lui cette histoire depuis longtemps. S’il a choisi de filmer en noir et blanc, c’est pour rester dans l’ambiance des ateliers d’artistes du début du 20ème siècle. C’est aussi pour mieux rendre le volume des sculptures monumentales, pour travailler la lumière naturelle dans les branches des arbres en lui donnant une densité unique. L’Artiste et son modèle est dédié à  son frère, sculpteur décédé en 1996, un homme secret qui ne travaillait « pas avec les mots ». C’est l’acteur français Jean Rochefort qui interprète Marc Cros, et Claudia Cardinale, sa femme. lartiste05.jpg

Le choix de tourner en France et avec des acteurs français était aussi une évidence pour Fernando Trueba. Hommage de son attachement à  ce pays voisin mais aussi évidence historique : la France, dans le sillage de Picasso, fut un grand centre artistique mondial. Le modèle est une belle et jeune actrice espagnole, Aida Folch, dont les formes voluptueuses, filmées avec grâce et sans aucune vulgarité sont, on le comprend, une véritable source d’inspiration.

Si le film est par moment maladroit, encombré de béquilles romanesques qui n’apportent rien au cœur de l’histoire – comme l’incident du jeune résistant – Jean Rochefort et Fernando Trueba arrivent à  rendre le mystère et les difficultés de la création artistique. Avec comme seule musique les bruits de la vie et une lumière splendide, que ce soit dans l’atelier ou en extérieur, ils emportent le spectateur dans le cheminement sensuel et intellectuel du travail artistique. Réflexions sur la difficulté de créer, de trouver l’inspiration, hommage au talent d’autres artistes, le regard de l’acteur et ses gestes nous emportent au cœur de l’art de créer et de transcender le réel. lartiste06.jpg

Au milieu de la guerre, Marc Cros, homme et artiste, a perdu confiance dans le genre humain. L’arrivée de Mercè lui redonne du désir, aiguise son regard, donne de l’élan à  son crayon, du sens à  ses gestes. Avec ce nouveau modèle, le sculpteur peut enfin façonner l’œuvre d’une vie. La statue qui nait alors grâce à  ses outils et à  son inspiration prend les contours de La Méditerranée de Maillol. Un style différent du reste de l’atelier de Marc Cros mais une œuvre qui ressemble tant à  l’actrice qu’on peut comprendre cet anachronisme. Il n’est pas étonnant que Jean Rochefort ait envie de terminer par ce rôle sa longue carrière de comédien. Au-delà  des mots, il lui permet d’utiliser toutes les facettes de son talent pour exprimer, avec son corps et son cœur, la complexité intense de l’expression artistique. Pour Fernando Trueba, la fin du film, et la mort choisie par l’artiste, n’est pas tragique mais « un hymne d’amour à  la vie ». L’Artiste et son modèle est l’épilogue d’une vie, un moment de grâce qui redonne du souffle à  un artiste et à  un homme.

Magali Van Reeth

Signis

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