Le Congrès

d’Ari Folman

Etats-Unis/France, 2012, 2h00

Festival de Cannes 2013, Quinzaine des Réalisateurs.

Sortie en France le 3 juillet 2013.

avec Robin Wright, Harvey Keitel

Mélange de film d’animation, de science-fiction et de drame contemporain, le nouveau film d’Ari Folman pousse très loin la réflexion sur les mondes virtuels.

Comment vivrons-nous dans 50 ans ? Les écrivains et les cinéastes posent souvent cette question et scrutent les changements de nos sociétés actuelles pour y répondre. Autrefois, on imaginait des moyens de locomotion extraordinaires et des univers métallisés et robotisés à  outrance. Aujourd’hui, on regarde du côté de la jeunesse éternelle et des petites pilules pour nous rendre heureux. Fuite ou progrès ? Le Congrès ne tranche pas vraiment mais sa vision de l’avenir est aussi fascinante que terrifiante.le-congres.jpg

Tout commence de nos jours, avec la mutation du cinéma traditionnel. Robin Wright, qui joue son propre rôle, est une actrice célèbre mais qui ne travaille plus beaucoup. Elle vit dans un ancien hangar plein de charme, au bord d’un aéroport, avec ses deux enfants, dont le plus jeune, Aaron, est gravement malade. Pour se mettre à  l’abri financièrement, mais aussi pour ressentir ce que son fils ressent, elle accepte de se faire « scanner » par un grand studio de production, la Miramount. Renonçant à  travailler, elle cède son image, son visage, ses gestes et la trace physique de ses émotions à  un producteur qui dès lors, en fera ce qu’il voudra. 20 ans plus tard, le monde a encore changé et, toujours en compagnie de Robin Wright, on s’enfonce un peu plus dans l’animation et dans le virtuel.

Ari Folman construit son film en trois parties. Dans la première, de vrais acteurs mettent en scène une situation tout à  fait compréhensible, entre une nouvelle technique qui pointe le jour et dont on a déjà  vu les résultats sur nos écrans, et une situation douloureuse pour une mère, écartelée entre son désir de travailler et son envie de protéger son fils handicapé. La beauté de l’actrice et la joie de ses enfants sont d’une luminosité fragile et délicate, presque palpable. 20 ans plus tard, on entre dans le monde de l’animation, un univers instable, changeant, surchargé de couleurs vives et de formes arrondies. La violence, la douleur, la jalousie sont mises à  distance : on vit d’autres vies que les siennes, pour oublier qui on est vraiment. Lorsque Robin Wright veut retourner dans le monde d’où elle vient pour retrouver son fils, on entre dans la troisième partie du film, la plus sombre, où les choix sont définitifs.le-congres2.jpg

Le Congrès utilise le genre de la science-fiction pour poser de véritables questions sur l’avenir du cinéma – comment le produire et à  quelle fin – et sur les mutations de nos sociétés. Les médicaments sont des substances chimiques de plus en plus perfectionnées pour garantir notre bien-être physique et surtout psychique. Pour ne pas voir notre visage se flétrir dans le miroir, de quoi sommes-nous capables ? Pour un peu de rêve, de fascination pour des images qui nous mettent en scène, jusqu’où irons-nous ? Que ferons-nous pour ne plus souffrir dans notre corps ? Qu’accepterons-nous pour divertir notre âme blessée ?

Ari Folman, mêlant le cinéma classique et le dessin animé, le vrai et l’imaginaire, soulève ces questions tout au long du film. Avec quelques maladresses (le côté esthétique de l’animation est un peu décevant) mais un beau dynamisme, notamment dans le scénario, complexe sans perdre le spectateur en route, il donne quelques pistes de réponses. L’absence du père, le vide des loisirs pour le divertissement sans fin, la pauvreté de l’imagination lorsqu’elle n’est que dans la reproduction ponctuent de bout en bout Le Congrès. Ceux qui n’ont rien d’autre à  faire que d’attendre la mort, sont ceux qui n’ont personne à  aimer.

Magali Van Reeth

Signis

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