Avant l’hiver

de Philippe Claudel

France, 2012, 1h42

Sortie en France le 27 novembre 2013.

avec Kristin Scott Thomas, Daniel Auteuil, Leïla Bekhti Richard Berry.

Comme les jardins d’automne, un peu en sommeil, la vie parfois nous échappe dans sa routine et ses exigences matérielles. Mais pour quelques fleurs venues d’ailleurs, la vie confortable de Paul vacille.

Mariés depuis 30 ans, Lucie et Paul mènent une existence aisée dans leur luxueuse maison. La tendresse qui les unit est réelle, même si par moment, elle parait presque mécanique. Et une certaine mélancolie baigne leur quotidien, à  l’image du jardin que nous découvrons dans ses parures d’automne, juste « avant l’hiver ». Quelques bouquets de roses trop rouge vont chahuter la tranquille harmonie de ce couple, peu habitué aux grands éclats.

On retrouve dans ce troisième long métrage de Philippe Claudel – après Il y a longtemps que je t’aime (prix œcuménique à  Berlin en 2008) et Tous les soleils (2010) – le ton propre au réalisateur. Une atmosphère douce même dans le drame, la retenue des villes de l’Est de la France, des ellipses qui obligent le spectateur à  prendre parti. Une intrigue principale qui fait l’école buissonnière dans des scènes apparemment sans rapport avec elle et l’affirmation constante du souci de l’autre, surtout lorsqu’il est en état de faiblesse (handicap physique ou psychologique). Dans Avant l’hiver, l’intrigue principale cache presque l’intrigue souterraine qui peu à  peu, au rythme des bouquets de roses rouge, va envahir tout le film. Une jeune femme radieuse et mystérieuse va se laisser réellement transformer, bouleverser par la bonté et la naïveté d’un monde qu’elle ignore.

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On peut être dérouté par la simplicité du scénario qui, au fur et à  mesure que le film avance, devient complexe, et où les personnages secondaires (toujours justes) semblent vivre une autre histoire. Beaucoup de questions restent sans réponse ou sont à  peine effleurées. Il faut donc questionner les images du film, comme si effectivement, cette magnifique maison aux larges baies vitrées, où habitent Lucie et Paul, était plus un « cercueil de verre » qu’un lieu de transparence et d’ouverture vers les autres. Les petites phrases de Lucie sont-elles un aveu ou une pure provocation ? Si le film pouvait s’arrêter lors de la seconde scène au commissariat, pourquoi Philippe Claudel rajoute un joyeux repas de famille au beau temps revenu ? Pour nous dire que les riches gagnent toujours ?

On peut s’interroger aussi sur la mémoire, plusieurs fois déclinée dans Avant l’hiver. Mémoires communes de deux sœurs, mémoire secrète d’une vieille dame qui porte en elle le souvenir de l’Histoire, mémoire musicale comme le dernier rempart de pureté pour une vie brisée, mémoire nichée dans les replis du cerveau, soigné par Paul et mis en scène par l’artiste contemporain Wim Delvoye.3_Avant-L-Hiver_copyright-Fabrizio-Malteze.jpg

Avant l’hiver est le film le plus sombre et le plus âpre du réalisateur. Sans doute parce que la détresse de Paul, face à  sa vie si mince en dehors du travail, face à  son incapacité à  sauver un être en dehors de son travail, est profonde et nous touche tous. Est-il possible de changer de vie avant la prochaine saison ?

Magali Van Reeth

Signis

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