Week-ends

d’Anne Villacèque

France, 2014, 1h30

Sortie en France le 26 février 2014.

avec Karin Viard, Noémie Lvovsky, Jacques Gamblin, Ulrich Tukur.

La maison, désir du couple et abri de la famille, est un refuge contre les agressions extérieures mais elle peut être aussi un lieu de tension en soi et le signe visible d’une usure du temps.

L’histoire se déroule en Normandie que où deux couples d’amis de longue date ont acheté deux maisons de campagne mitoyennes. Christine et Jean et Sylvette et Ulrich y viennent régulièrement, avec ou sans enfant. Lorsqu’un couple est en crise, l’autre en subit forcément les conséquences. En quelques week-ends étalés sur 2 ou 3 ans, Anne Villacèque nous emmène au cœur de leur quotidien et de leur détresse. Avec l’aide du chef opérateur Pierre Milon, le film s’ancre dans les couleurs naturelles d’un bord de mer un peu humide, où la transparence laiteuse du ciel d’hiver répond à  la douceur des visages de ces couples qui ont vieilli sans y penser. 305190_b065ee1a2d4e2d14f4f1a585192a90bd.jpg

Déjà  dans Petite Chérie (2000), la réalisatrice instillait, dans le concept même de « la maison », une angoisse terrible. Pour décorer leur foyer, pour aménager leur nid, les personnages étaient prêts à  des concessions quasi monstrueuses, où ils donnaient une part de leur liberté. Dans Week-ends, la maison est le personnage principal, le lieu du conflit, le territoire convoité. Elle est l’enjeu d’une guerre domestique, avec ses dommages collatéraux sur les enfants et les voisins. Sortant de l’idée classique de la maison (refuge, havre de paix, source de bonheur et de satisfaction), elle montre que l’investissement d’un lieu peut se faire au détriment des relations entre ceux qui l’habitent, que l’ancrage définitif peut être vécu comme un emprisonnement et que les tensions familiales ne se résolvent pas avec un changement de papier peint ou de mobilier, voire même de conjoint. Le bouillonnement de l’individu en circuit fermé est toujours source de danger…

Dans Week-ends, il y a 4 personnages qui se connaissent depuis longtemps et se voient souvent. Incarnés par de grands comédiens, Christine (Karin Viard) et Jean (Jacques Gamblin) et Sylvette (Noémie Lvovski) et Ulrich (Ulrick Tukur) habitent aussitôt leurs maisons et le film, tant ils sont présents à  l’écran. On les « reconnaît » dans leur complexité, par la façon dont ils incarnent une scène, en apparence très simple mais qu’ils campent sans bavardage. Quant aux personnages secondaires, ils débarquent dans le film sans explication inutile et on sait d’emblée qui ils sont. La mise en scène fait avancer le récit, sans recours aux dialogues explicatifs. 305190_6611581acf8960179a4021162f3259f9.jpg

Même lorsque chacun reprend sa place, cette « place » que Christine défendait bec et ongles dans la scène d’ouverture, Anne Villacèque refuse le final conte de fées ou le parti prix pour l’un ou l’autre des personnages. Elle laisse deviner les failles de chacun et se garde de toute conclusion définitive. Dans une belle explosion domestique – pour rester dans le cadre de la vie ordinaire – elle met à  nu Jean le taiseux qui, tel un oiseau affolé par la pleine lune pose cette question terrifiante : et après ?

Week-ends fait partie de ces films dont l’apparente simplicité peut décontenancer. Pas de thèse psychologique, pas de grandes effusions, de drame ou d’horreur. Juste le déroulement naturel et implacable des semaines. Mais plus on revient au film, plus on se rend compte de sa richesse et des questions qu’il soulève. Quels sont les ingrédients qui font tenir un couple ? Comment résister à  l’usure de l’ordinaire et au temps qui passe ? Et si on fait comme si rien n’avait changé, n’est-ce pas encore plus terrifiant ? Et après ? y a t-il encore du désir, de l’envie ?

Magali Van Reeth

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