Pas son genre

de Lucas Belvaux

Belgique/France, 2014, 1h51

Sortie en France le 30 avril 2014.

avec Emilie Dequenne, Loïc Corbery.

Une comédie romantique particulièrement réussie et attachante, avec ce qu’il faut de subtilité et de gravité, et deux comédiens épatants.

Adapté du roman éponyme de Philippe Vilain, ce nouveau film de Lucas Belvaux se détache des précédents par un ton plus léger. Pourtant, cette comédie n’a rien de frivole et aborde des thématiques plus graves, comme celle de notre incapacité à  aimer. Et c’est du très beau cinéma !286139_cbe4325869ffba54b0534dfe9d6d0829.jpg

à‡a commence comme une comédie romantique, à  Arras, charmante petite ville du Nord de la France, véritable repoussoir pour tous ceux qui n’y ont jamais vécus, et notamment les Parisiens… Dans le rôle de la bergère, il y a Jennifer, coiffeuse, toujours gaie et portant des vêtements colorés ; dans le rôle du prince charmant, Clément, prof de philo parisien, furieux d’avoir été muté là  et bien décidé à  ne pas y rester. Elle cherche une relation stable, elle assume ses choix, n’a pas peur de commettre d’impair, s’éclate au karaoké et dans les films américains à  l’eau de rose. Clément est un séducteur, il ne veut pas se fixer mais faire battre son cœur un peu plus souvent. Il se préoccupe du regard des autres tout en ayant conscience de sa supériorité, a une idée bien précise de ce qui est beau et bien, comme l’opéra et Dostoïevski. Subtiles différences de classes sociales, non pas en termes économiques mais bien culturels.

Emilie Dequenne est épatante dans ce rôle de fille entière, qu’elle joue avec une énergie rare. Elle est aussi naturelle avec ses copines coiffeuses – les petits gestes de connivence au shampoing – que juste dans ses colères face au mur dont s’entoure Clément. Elle donne une belle intelligence à  son personnage, cette intelligence du cœur qui n’a rien à  voir avec la culture. Enfin, elle est complètement craquante avec son sourire lumineux, ses yeux espiègles et sa joie de vivre qui n’est en rien de la naïveté. 286139_0a7ada4cad575291048065478a500847.jpg

Pas son genre fait bien évidemment référence à  la célèbre histoire d’amour racontée par Marcel Proust, entre Swann, riche intellectuel cultivé, fréquentant les salons mondains et ayant une idée très arrêtée de ce qu’est l’élégance, et Odette, une cocotte « qui n’était pas son genre » mais dont il a été très épris. Certaines scènes de cette passion difficile se retrouvent dans le film, notamment quand où Clément cherche Jennifer dans tous les lieux qu’elle a l’habitude de fréquenter, sans oser avouer l’angoisse qui l’envahit au fur et à  mesure, et que l’acteur Loïc Corbery montre très bien.

Comme Proust, comme Philippe Vilain, comme tant d’autres avant eux et après eux, le film décrit les subtilités et les complexités de l’amour, où la peur de l’attachement et le désir de l’engagement se heurtent sans cesse. De même que l’infinie palette des différences sociales et la force de la passion ne font jamais des équations sûres, l’analyse du sentiment amoureux n’a pas fini de faire de belles fictions. Lucas Belvaux en offre un bel exemple et Pas son genre est un film très réussi, où la légèreté et la gravité se déclinent avec bonheur, avec deux très bons comédiens et quelques belles scènes de cinéma, que ce soit dans la fougue du karaoké ou dans le détail d’une trace de rouge à  lèvres sur un verre.286139_c033a72ed4e86d166ee78713bb5d771a.jpg

Pas son genre est un film grand public, dans le sens noble du terme, c’est à  dire qu’il est accessible à  tous, non pas en racolant par des ficelles commerciales mais par un travail soigné, où le scénario, les acteurs et les images forment un tout harmonieux et techniquement maîtrisé, pour offrir un beau moment de cinéma à  tous les spectateurs.

Magali Van Reeth

SIGNIS

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