Le blog Cinema – Chemin de Croix

Semaine du 1er au 7 Novembre

CHRONIQUES-CINEMA par Marie-Noëlle Gougeon

« Chemin de Croix » de Dietrich Brà¼ggemann, avec Lea Van Acken, Franziska Weisz.
(Film allemand, 2014). Ours d’argent et Prix Œcuménique au Festival de Berlin 2014.

Chemin de Croix ne se laisse pas facilement analyser. Il raconte l’histoire d’une jeune adolescente, Maria, élevée au sein d’une famille catholique allemande intégriste qui rejette la modernité, le contenu du Concile et veut faire des jeunes catéchisés, des « soldats de Dieu ». Maria, est très sensible et idéaliste. Elle souhaite suivre à  la lettre les préceptes que lui enseigne le prêtre mais aussi sa mère à  laquelle pourtant un conflit profond l’oppose.

Elle veut mourir pour que son petit frère, muet, parle et ainsi devenir une sainte.Seule une jeune fille au pair française, lui apporte un peu d’affection et lui assure que Dieu ne lui demande pas de tels sacrifices. Pourtant, Maria ira au bout de sa démarche, au bout de ses actes sans que sa mère ne veuille voir dans quelle folie ses principes éducatifs et religieux ont entraîné sa fille. Ce n’est qu’après la mort de l’adolescente, que ses yeux « s’ouvriront ». Le petit frère se mettra à  parler, mais Maria, se sera tue à  jamais.

Chemin de Croix est un film éprouvant. Le réalisateur a pourtant une grande maîtrise cinématographique. Il a découpé son film en 14 plans fixes à  l’image des 14 stations du chemin de Croix. Chaque tableau est d’une grande beauté formelle : les couleurs, la place des acteurs, tout est magnifiquement cadré, et oblige le spectateur à  mobiliser son attention sur l’histoire, les dialogues, la tension du film. C’est à  lui de guider son propre regard.

Et pourtant on reste partagé face cette austérité formelle et au contenu de l’histoire. On pense évidemment au film de Mikael Haneke « Rubanc Blanc » qui dénonçait l’éducation rigoriste d’un pasteur allemand dans les années trente. On pense également au livre d’Alice Miller « La pédagogie noire » qui évoquait la toxicité et la violence de certains préceptes éducatifs.

Dietrich Brà¼ggemann a lui-même vécu dans une famille qui partageait les idées de ces Fraternités intégristes. Son film sonne juste et il n’a jamais de regard ironique ou violent à  l’égard de ces personnages. Maria, admirablement jouée par Léa Van Acken, apparaît comme un petit oiseau perdu, à  la trop grande sensibilité, au manque criant d’amour de la part de sa mère. Cependant c’est dans sa foi que cette femme puise les préceptes de l’éducation qu’elle donne à  ses enfants. Et l’interprétation qu’elle en fait conduit Maria à  choisir la mort. Comment ne pas regretter alors ce dévoiement du message évangélique, pourtant porteur d’Amour pour tous et bien absent du film. Sauf par l’ami de Maria, Christian, dont l’image clôt le film. Il est le seul à  être près d’elle, près de son tombeau, quand on la met en terre. Comme Marie au pied du Golgotha.

Chemins de Croix nous oblige à  un questionnement sur notre foi, ses fondements, sa vitalité, les dérives de certains courantsIl ne laisse pas indifférent, ni insensible.

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