« Mon amie Victoria » de Jean-Paul Civeyrac

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

avec :Guslagie Malenda, Nadia Moussa, Catherine Mouchet. –

France (1H35).

Victoria n’a jamais pu trouver sa place. Belle jeune femme noire, d’une trentaine d’années, maman de deux enfants, elle pose sur la vie et sur les autres un regard absent, lourd de secrets, de pensées enfouies.

C’est son amie, sa sœur d’adoption qui travaille dans une maison d’éditions qui va raconter son histoire. Petites, toutes deux appartenaient à  cette classe d’employées de maison des beaux quartiers. Par la force des choses, elles fréquentaient les mêmes écoles que les fils des familles pour lesquelles leurs mères travaillaient. Un jour, parce qu’on a oublié de venir la chercher à  l’école, Victoria, alors âgée d’une dizaine d’années, est accueillie dans l’appartement d’un de ces couples bourgeois et ouverts. Elle en gardera un souvenir indélébile et fascinant. Quelques années plus tard, par hasard, elle retrouve le cadet de la famille : une histoire d’amour les réunit un été et à  la rentrée, le garçon parti aux Etats-Unis, Victoria découvre qu’elle est enceinte. Elle ne dit rien, garde l’enfant.

Elle rencontre alors un musicien, a un enfant avec lui mais le jeune homme meurt dans un accident de voiture. Voilà  Victoria seule avec deux enfants. Sa mère morte, son amie la recueille et veille sur elle. Mais Victoria rêve toujours à  ce monde qu’elle a croisé. Le hasard encore une fois va lui faire retrouver Thomas à  qui elle annonce sa paternité. Très vite la famille va se prendre d’amitié et de passion pour la petite fille qu’ont eue les deux jeunes gens mais écarte peu à  peu Victoria des décisions importantes pour l’éducation de la fillette. Quelle place lui revient alors dans un monde de blancs, aisés, cultivés, elle, la petite employée noire, aux revenus modestes et aux sentiments étouffés ?

Le film « Mon amie Victoria » est tiré d’un roman de Doris Lessing et Jean-Paul Civeyrac dépeint subtilement les relations entre ces deux mondes qui ne peuvent tout à  fait se comprendre et se mêler. Catherine Mouchet et Pascal Grégory qui interprètent le rôle des grands-parents sont terriblement justes dans leurs élans généreux mais étouffants et qui frôlent parfois la condescendance. Victoria apparaît absente de sa propre vie et n’ose pas dire vraiment les sentiments d’amour ou de refus qu’elle ressent face à  cette famille « bien née ». La jeune comédienne Guslagie Malenda lui prête sa nonchalance et sa beauté silencieuse.

La voix-off de son amie qui raconte l’histoire de Victoria pourrait alourdir le film : il n’en est rien. Elle symbolise la complicité entre les deux jeunes filles et la tendresse de l’une pour l’autre.
En brossant le portrait de Victoire, Jean-Paul Civeyrac a réussi à  décrire la complexité née de la rencontre entre des milieux, des cultures et des parcours de vie différents.

Né quelque part chantait Maxime le Forestier.A-t-on une place assignée pour la vie ou peut-on emprunter véritablement un autre chemin, changer de monde ? La réponse est ouverte

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