Chroniques cinéma – « Félix et Meira »

de Maxime Giroux

avec Hadas Yaron, Martin Dubreuil (Film canadien 1h45 2015).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Sur fond d’histoire d’amour, une subtile réflexion sur les contraintes que l’on peut ressentir au sein d’une communauté qu’elle soit religieuse (ici juive) ou familiale. Et les choix qui en découlent.

C’est une histoire improbable que celle qui réunit Meira, jeune femme mariée, maman d’une petite Licheva, appartenant à  une communauté juive orthodoxe et Félix, trentenaire bourgeois et dilettante, en plein désarroi depuis la mort de son père qu’il n’avait pas revu depuis 10 ans.

On sent l’un et l’autre « flotter » dans leur vie. Meira obéit sans convictions aux injonctions de son mari, très religieux. Celui-ci ne peut imaginer qu’elle déroge aux devoirs qui sont les siens : porter le foulard, ne pas écouter de musique « dégénérée », avoir beaucoup d’enfants, célébrer « shabbat » bien sûr en famille.

Félix lui, sent que la très grande liberté qu’il s’est octroyée jusqu’à  présent ne le mène nulle part.

Ces deux « orphelins » vont se rencontrer d’une façon inattendue dans les rues enneigées de la ville de Montréal où ils habitent. Et par petites touches, l’un et l’autre vont s’apprivoiser. Meira se libère petit à  petit des règles de sa vie, écoute du reggae, ose le pantalon, se dénude la tête car sous le voile, elle porte une perruque. C’est comme si elle se mettait à  nuFélix est captivé par cette femme-enfant qui ne demande qu’à  éclore.

Le mari Shulem qui a découvert l’idylle, agresse d’abord violement Félix, puis se remet en question et si le départ du film pouvait laisser penser à  une critique des règles rigides de cette communauté juive orthodoxe, la façon dont Maxime Giroux fait évoluer l’histoire est étonnante et empreinte de subtilité et d’intelligence.
Car Shulem apparaît alors comme empli de sagesse. En forçant Félix à  lire une lettre que son père lui a écrit avant de mourir, il lui permet de découvrir sous sa conduite autoritaire tout l’amour d’un père, comme nous découvrons en Shulem, sous les préceptes de sa religion qu’il observe fidèlement, un cœur qui peut se fendre.
Petit à  petit il s’ouvre aux désirs de son épouse, à  ses interrogations, même s’il reste fidèle aux lois de sa communauté.

Le film se déroule par petits tableaux intimistes ou chacun se dévoile, murmure, laisse entrevoir une émotion à  fleur de peau, un mot qu’on laisse échapper, un geste d’amour. De nombreuses séquences se déroulent dans des appartements près d’une vitre (fenêtre de chambre, baie de building …) comme si les protagonistes voulaient prendre leur envol mais « empêchés » intérieurement, conserveraient encore un peu la protection de la vitre.
La communauté hassidique est décrite avec bienveillance, en « observateur », comme souhaitait le montrer le réalisateur qui vivait à  côté de l’une d’entre elles lorsqu’il habitait Montréal.

C’est un film sur l’écoute et le dialogue finalement qui nous est proposé en même temps que l’histoire d’une métamorphose, une mutation de chacun des trois personnages. Ils vont tous évoluer au cours de ce film.
Les rôles de Félix et Meira sont tenus par des comédiens tout en osmose et en fragilités. Grâce à  eux on est intimement plongé dans ce drame amoureux. Que vont-ils devenir ?
La fin laisse le spectateur entièrement libre. Félix et Meira sont à  Venise avec Licheva. Meira sert sa fille dans ses bras en lui disant : Je suis désolée, mon amour, je suis désolée.
Est-ce à  sa fille qu’elle s’adresse, à  Félix assis à  ses côtés, à  son mari resté à  Montréal ? On ne sait.
Chacun écrira la réponse qu’il imagine..

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