Chroniques cinéma – « Histoire de Judas »

de Rabah Ameur-Zaïneche

avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïneche

Drame. Français (1h39).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Ce drame se veut une réhabilitation de Judas et malgré d’indéniables qualités visuelles, le film pâtit de trop d’anachronismes et d’inventions historiques pour répondre à  ses objectifs. Il dessert son sujet.

2000 ans après, l’histoire de Jésus et de ses disciples continue à  nous questionner, croyants ou pas. Rabah Ameur-Zaïneche, algérien vivant en France, musulman, a depuis son enfance était fasciné par la personne de Jésus. Dans ce film, tourné en Algérie, il se donne la liberté de proposer une autre lecture de l’histoire des derniers jours du Christ et en particulier le personnage de Judas qui dans les Evangiles est présenté comme celui qui a livré Jésus. Pendant de longs siècles cet épisode aura entraîné l’Eglise à  accuser les Juifs de déicide.

On ne peut enlever à  l’artiste le droit de « représenter » la réalité sous forme artistique qu’elle soit picturale, musicale, cinématographique.

L’image que donne Ameur-Zaïneche de Jésus est celle d’un homme, agitateur politique contre les pouvoirs en place (qu’il soit religieux ou romain) entouré de ses amis et goûtant les joies de la vie communautaire. (On ressent parfois, avec certaines paroles une similitude avec la réalité d’aujourd’hui) Judas est son ami et son intendant. Jusque là , le film suit dans ses grandes lignes ce que nous savons de la vie de Jésus. Pourtant, des invraisemblances émaillent le récit de la dernière semaine du Christ, le sujet du film.

La séquence des marchands du temple se déroule dans une cour de ferme (!). La Cène n’est pas mentionnée mis à  part un repas pris en silence autour d’une table avec olives, vin et galettes.
Judas n’est d’ailleurs pas présent puisque Jésus lui a demandé d’aller détruire les manuscrits de Qumram, œuvre d’un jeune scribe que Judas a surpris dans son travail de copie des paroles de Jésus. Judas va donc faire 200 kms à  pieds en 3 jours, revenir le dimanche de Pâques, son forfait accompli et blessé grièvement au couteau par le scribe. Episode impossible et qui explique pourtant aux yeux d’Ameur ZaIneche que Judas n’ait pas pu livrer Jésus !

On se demande à  qui est destiné ce film. Il y a tellement de passages elliptiques dans le récit que ceux qui savent peu de choses de l’histoire du Christ auront beaucoup de difficultés à  comprendre.
Quant aux croyants ou connaisseurs de l’Evangile, le film leur présente tant d’anachronismes, de prises de liberté sur la véracité des faits qu’ils auront du mal à  adhérer à  cette vision, malgré tout le talent visuel apporté aux prises de vue.

Le parti pris artistique du réalisateur est le sien et il est respectable. Mais il est si difficilement plausible qu’il dessert complètement le propos qu’il voulait tenir : Interroger les textes d’Evangile, le rôle de Judas, l’attitude de l’Eglise pendant 20 siècles. Il reste de beaux paysages, une belle lumière, un souci de la reconstitution pas forcément aboutie d’un pays et d’un peuple : cela ne suffit pas à  faire un grand film religieux.

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