Chronique cinéma – Le fils de Joseph

de Eugène Green
Avec Natacha Régnier, Fabrizio Rongione, Mathieu Almaric, Victor Ezenfis.
Comédie dramatique (2016) 1h55
Sortie 20 Avril. Avant-première 13 Avril au CinéMourguet.

Prolongeant son inspiration puisée dans la Bible, Eugène Green nous propose un récit initiatique autour de la filiation, de la transmission, de la liberté de chacun. Moins cérébral que La Sapienza, ce Fils de Joseph est un film résolument contemporain.

Vincent est un adolescent élevé seul par sa mère. Qui est mon père demande -t-il ? A toutes ses questions, celle-ci lui répond que ce père déjà  marié ne voulait pas d’enfant. Elle, a souhaité le garder et il est né.
Dans la chambre du garçon est accroché au mur la célèbre toile du Caravage Le sacrifice d’Abraham. S’en inspirant, Vincent fomente alors de tuer ce père dont il a retrouvé la trace, inversant ainsi le mythe du sacrifice d’Abraham (le meurtre de son fils Isaac).
Eugène Green a découpé en cinq tableaux « bibliques » la progression de l’histoire.
Avec la métaphore du « Veau d’Or » et du « Meurtre d’Isaac » il dépeint la rencontre de Vincent et de son père biologique qui travaille dans l’édition. Il fait une satire féroce et jubilatoire de ce monde des apparences et du m’as-tu vu.
Les deux derniers chapitres « Le fils du charpentier » et « La fuite en Egypte » lui donnent l’occasion d’aborder le thème de la filiation, de la transmission et la construction d’une nouvelle cellule familiale avec cet homme, Joseph, rencontré par hasard.

Le fils de Joseph n’est pas seulement une « illustration » de passages de la bible. En s’en inspirant, Eugène Green en fait la trame des interrogations de ces héros et montre à  quels points les thèmes de la Bible sont des thèmes d’aujourd’hui, combien ils sont contemporains.

C’est aussi par des œuvres artistiques (le tableau du Caravage, une interprétation du Poème Harmonique) qu’il partage avec Joseph que Vincent va s’ouvrir à  une autre vision des choses, des gens et du monde. Il va modifier le rapport à  son père, redéfinissant sa filiation par rapport à  sa mère d’abord, puis à  Joseph, cet homme qui pourrait devenir son père adoptif.
Voici mon père, voici ma mère dira-t-il à  son père biologique sur une plage de Normandie faisant écho aux paroles du Christ au Golgotha s’adressant à  Marie et Jean.
Le fils de Joseph est aussi un film sur la révélation de soi-même et sur le libre arbitre, la voix intérieure que l’on peut laisser se déployer en nous comme l’Ange a parlé à  Abraham

On connaît le goût de la théâtralité (énoncés des phrases) d’Eugène Green mais ici le procédé est moins marqué. La dialectique entre les personnages est peut-être moins riche que dans La Sapienza son film précédent, mais les émotions plus présentes.

Les acteurs sont au service du texte et de l’histoire. Mathieu Almaric campe un éditeur cynique et manipulateur à  souhait. Natacha Régnier est comme un réceptacle : son visage impassible laisse aux mots toute leur force. Quand à  Victor Ezenfis, il incarne à  merveille Vincent, cet adolescent à  la fois agressif et demandeur d’attention paternelle.
Le voyage initiatique qu’il entreprend et que raconte le film en fait un vrai « Fils de Joseph » : écoutant son « père », aimant enfin sa mère et creusant peu à  peu sa propre vie

Marie-Noëlle Gougeon

http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=243225.html

Pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés