Cinéma – Maguy Marin – L’Urgence d’agir.

Un film de David Mambouch

France – 2019 – 1 h 48

Regard d’un fils sur sa mère

« Quel est ce temps présent que je partage avec ceux qui sont mes contemporains ?

Quelle couleur aura-t-on donné à notre temps dans l’histoire des hommes ?

Sentir la brièveté du temps de la vie, l’urgence d’agir.

Et soudainement je comprends que cette quête du sens de mon faire, est celui de tous les autres faire, avant et après le mien ».

L’urgence d’agir, premiers mots relevés.

Laisser une trace, enlever le flou sur les visages croisés cette vie-là, dire qu’avant, nulle peur s’il n’y avait pas d’emploi. Il y avait le vivre, le vivre ensemble, il y avait May, la mère de Beckett qui ne pouvait plus dormir une fois l’aimé disparu, il y avait le peut-être, il y avait, mais… « C’est fini, ça va finir », il y avait, mais avec un espace temps diégétique, il y a du « encore », de l’instant qui dure depuis presque 40 ans, de l’infini gravé sur des corps que le cinéma met en beauté, en mouvement, en éternité. Ici, on voit ce qui a été, et ce qui est désormais. On voit les masques, ceux capables de danser l’anormalité, l’insoumission, ceux capables de répéter, encore. Que rejoue-t-on, indéfiniment ? Anne Dufourmantelle pourrait nous le dire. Mais peut-être que l’indicible ne peut pas être prononcé, que la survie ne peut qu’être dansée, que les fantômes ne s’accueillent que sur les scènes, ou dans les livres, ou près de Pasolini ou de Schubert, que seule la création peut rendre compte de l’intensité, du cri « toujours le même cri ». « Encore. Dire encore (…) Dire un corps » -Cap au pire-, nous disait Beckett. Le corps qui prend le relais quand le dire ne suffit plus.

On croit réentendre Gavin Bryars en voyant MayB.

Puis on voudrait oeuvrer ensemble. Avant de passer le relais. Et alors on songe au poème de Charlotte Delbo… et on se murmure encore l’urgence de vivre.

« Prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants »

« VOUS QUI PASSEZ

bien habillés de tous vos muscles

un vêtement qui vous va bien

qui vous va mal

qui vous va à peu près

vous qui passez

animés d’une vie tumultueuse aux artères

et bien collée au squelette

d’un pas alerte sportif lourdaud

rieurs renfrognés, vous êtes beaux

si quelconques

si quelconquement tout le monde

tellement beaux d’être quelconques

diversement

avec cette vie qui vous empêche

de sentir votre buste qui suit la jambe

votre main au chapeau

votre main sur le coeur

la rotule qui roule doucement au genou

comment vous pardonner d’être vivants… (…)

JE VOUS EN SUPPLIE

FAITES QUELQUE CHOSE

Apprenez un pas

Une danse

Quelque chose qui vous justifie

Qui vous donne le droit

D’être habillés de votre peau de votre poil

Apprenez à marcher et à rire

Parce que ce serait trop bête

A la fin

Que tant soit morts

Et que vous viviez

Sans rien faire de votre vie ».

« Toutes les choses qu’on ferait volontiers, qu’il n’y a aucune raison apparemment pour ne pas faire et qu’on ne fait pas ! Ne serait-on pas libre ? » Beckett.

Cindy Mollaret

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Maguy Marin

David Mambouch

Charlotte Delbo

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