Cinéma – Le Jeune Ahmed.

Un film de Jean-Pierre et Luc Dardenne – Belgique – 2019 – 1 h 30.

Le cinéma des Dardenne, tel qu’en lui-même, et pourtant toujours nouveau, pour nous interpeller, nous étonner, nous émouvoir, nous fasciner.

En voyant Le Jeune Ahmed, le nouveau film de Jean-Pierre et Luc Dardenne, scénaristes et réalisateurs, on pense immédiatement au beau film d’André Téchiné, L’Adieu à la nuit.

Chez le jeune adulte de Téchiné, et chez l’adolescent des Dardenne, une même envie folle d’aller vers la lumière de la foi musulmane, en échappant à une nuit insupportable, celle des incroyants, celle des mécréants, celle des « Juifs et des Croisés », comme on l’entend dans le film !!

Dans les deux cas, ce chemin vers la lumière, cet adieu à la nuit, ne semblent pouvoir se réaliser qu’au prix d’une radicalisation complètement mortifère, tout d’une pièce, sans états d’âme, sans limites.

Dès le début du film, en moins de cinq minutes, les réalisateurs dressent un portrait glaçant et sans concessions de ce jeune Ahmed, complètement enfermé dans ses croyances religieuses, et dans la radicalisation qui va avec. Nous allons suivre tout au long du film le parcours de l’adolescent, dont la vie va rapidement basculer à la suite d’un évènement dramatique, à peine imaginable.

Nouvelle vie pour Ahmed, dont nous allons suivre les différentes étapes, sans le quitter un seul instant, avec un scénario qui ménage un vrai suspense, ne permettant pas d’imaginer ou de deviner quel pourra être l’avenir de ce garçon.

Dans le style, toujours admirable et sans concessions, qui est leur constante marque de fabrique, les Dardenne collent leur caméra à leur personnage, le suivent, le poursuivent, souvent en très gros plan, avec une précision d’une grande finesse. Pratiquement aucune séquence sans la présence d’Ahmed, ce qui fait que le film se concentre toujours sur l’essentiel, ne s’autorisant aucune digression, renonçant à toute intrigue parallèle qui diluerait le propos. Chacun des protagonistes qui entourent Ahmed, tous parfaitement dessinés, n’étant là que pour accompagner le jeune adolescent vers son destin.

Contrairement au choix qu’ils avaient fait dans leurs deux films précédents, les Dardenne n’ont engagé aucune célébrité pour celui-là. Uniquement des têtes nouvelles, ce qui confère au film un naturel et un réalisme très impressionnants, et vu le sujet du film, d’autant plus angoissants.

Impressionnant, le jeune Idir Ben Addi qui incarne Ahmed, l’est tout particulièrement ! D’une grande justesse, comme tous les comédiens qui l’entourent, si bien que l’on peut parfois se demander si l’on est toujours au cinéma, ou si l’on n’est pas revenu, discrètement et mystérieusement, dans la vraie vie…. Une vie, des vies, faites de douleurs, de souffrances, de désespoirs…

Idir Ben Addi

La fin, un peu convenue, marquée d’un peu de sentimentalisme jusque là absent du film, laisse une impression amère, en ne disant rien sur ce que pourra être l’avenir de ce jeune Ahmed, si entier, si enfermé dans ses convictions religieuses, si ancré dans sa radicalisation, à priori si imperméable à tout pas en avant que son entourage ne demande qu’à accompagner. En somme, une fin ouverte, comme on en retrouve souvent dans les très bons films.

Le Jeune Ahmed a reçu le Prix de la Mise en Scène lors du Festival de Cannes 2019. Prix très mérité, peut-être au delà de ce seul film, mais en direction de toute la cinématographie des Dardenne, fruit d’un vrai travail de cinéastes, porteuse d’une esthétique à laquelle les réalisateurs restent constamment fidèles, et cela pour notre plus grand bonheur de cinéphiles.

Pierre Quelin.

=o=o=o=

Jean-Pierre et Luc Dardenne

=o=o=o=

Cliquer sur les images, pour les agrandir.

Pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés