Littérature – Prodigieuses créatures.

Un roman de Tracy Chevalier – Collection Folio – 432 pages – 9,10 €

Tracy Chevalier est une romancière d’origine américaine, qui vit à Londres depuis 1984.

On lui doit plusieurs romans historiques comme La Jeune Fille à la Perle, roman inspiré par le tableau de Vermeer.

Son écriture la situe dans la lignée des grandes romancières, telles les soeurs Brontë et Jane Austen. Elle analyse avec une grande finesse ses personnages, et la société dans laquelle ils vivent.

Ce roman, Prodigieuses créatures, raconte l’histoire de deux femmes que l’Histoire a oubliées: Mary Anning et Elizabeth Philpot. Dans les années 1800, à Lyme Regis, sur la côte du Dorset, elles n’auraient jamais dû se rencontrer. C’est une passion commune, la découverte des premiers fossiles, qui les a réunies.

Mary Anning, née dans une famille très pauvre, a commencé à chasser les fossiles très nombreux dans les falaises du Dorset, en suivant son père pour lequel c’était une activité rémunératrice, qui complétait ses maigres revenus d’ébéniste, grâce à leur vente aux touristes. A sa mort, Mary et son frère ont poursuivi la chasse aux fossiles. Mary s’est révélée très douée, avec un oeil particulièrement exercé qui lui a permis de découvrir le premier ichtyosaure et le premier plésiosaure. Les savants, paléontologues et géologues, ont fait appel à elle tout en lui refusant tout droit à la connaissance scientifique, et en ne la citant jamais dans leurs conférences ou publications.

Elizabeth Philpot appartenait au contraire à la bourgeoisie de Londres. Plutôt laide et sans dot, et ainsi condamnée au célibat, elle s’est retrouvée avec ses soeurs dans cette petite ville provinciale de Lyme Regis, pour vivre correctement de la modeste rente laissée par l’héritage familial. C’est en découvrant par hasard un petit fossile, qu’elle s’est passionnée pour les fossiles, curiosité très à la mode en ce début du XIXème siècle. Contrairement à Mary, elle était collectionneuse, n’ayant pas besoin de vendre ses fossiles pour vivre. Mais grâce à son milieu social et à ses connaissances londoniennes, elle a pu aider Mary dans son commerce, les savants ayant tendance à la gruger.

Ce qui relie ces deux femmes, amies autant que rivales, c’est la transgression.

Transgression en tant que femmes d’abord. Il était impensable à cette époque qu’une femme, quelle que soit sa condition, se promène sur une plage, dans le sable, la boue et le vent, pour faire ces recherches qui devaient être réservées aux hommes.

Transgression, car les barrières entre les classes sociales, solidement fermées, leur interdisaient toute rencontre et amitié.

Mais la part la plus intéressante de cette transgression est liée à la religion.

Découvrir des fossiles, c’était découvrir qu’il existait des espèces animales disparues. C’était inconcevable pour l’époque, car cela allait contre la Genèse, selon laquelle les animaux avaient été créés par Dieu une fois pour toutes, tels qu’on les voyait aujourd’hui. Les pasteurs étaient vent debout contre ces découvertes. Ainsi, ces deux amies, profondément croyantes, en ont été très perturbées.

La découverte des fossiles est en effet le point de départ des découvertes de Charles Darwin, et de sa théorie sur l’évolution des espèces. Découverte qui fut un bouleversement pour le christianisme.

Mary Anning et Elizabeth Philpot ont finalement été reconnues. Un musée leur est dédié à Lyme Regis.

Marie Paule Dimet

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Tracy Chevalier

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