Théâtre – La caméra au service du théâtre.

La reprise s’annonce, elle sera difficile pour le théâtre.

On peut lire (www.colline.fr) le coup de colère et la déception de Wajdi Mouawad, directeur du théâtre de la Colline : la période de fermeture des théâtres, avec occupation de certains d’entre eux, n’a servi ni l’émergence d’une réflexion sur la place du théâtre dans notre société, ni les demandes d’amélioration du statut des professionnels. La confusion était totale. Dommage.

Heureusement, ici et là et en particulier à la Comédie Française (avec lors du premier confinement la création d’une chaine en ligne, « La Comédie continue »), il y a eu d’heureuses initiatives.

Parmi celles-là, il faut absolument, si cela n’est pas déjà fait, voir en replay (www.tv.fr), la remarquable création, « L’Atelier Vania », et ceci pour trois raisons au moins:

1 – C’est un exemple tout à fait nouveau et original de théâtre filmé. Ce n’est pas une simple captation, comme on a pu en voir depuis « Au Théâtre ce soir », jusqu’aux remarquables retransmissions de la Comédie Française dans les salles de cinéma. Ce n’est pas non plus une adaptation plus ou moins fidèle du théâtre au cinéma (Ainsi « Vanya 42ème rue » de Louis Malle), ou encore plus récemment du cinéma au théâtre (Ainsi « Les Damnés »). Non, il s’agit d’un procédé de prise d’images, possible grâce aux progrès techniques, au plus près des personnages, permettant de tourner autour d’eux, facilitant les gros plans, avec le spectateur qui devient participant à l’intérieur même du spectacle. L’absence de décor impose l’absence de théâtralité, donnant toute sa valeur au texte et aux rapports psychologiques entre les personnages.

Merci à Jacques Weber, empêché à l’Atelier de donner un spectacle sur Tchekhov sous la direction de Peter Stein, d’avoir pris cette initiative qu’il doit poursuivre selon le même procédé avec « Cyrano » et ‘Le Misanthrope ».

Le théâtre de Tchekhov se prête parfaitement à ce procédé de captation. Il y a eu une retransmission des « Trois Soeurs » lors du premier confinement par la Comédie Française, avec une mise en images particulièrement subtile, et dans une intention comparable.

2 – Une très bonne distribution avec François Morel dan le rôle de Vania, François Marthouret dans celui de Serebriakov, Jacques Weber dans celui d’Astrov, et une Helena d’une grande présence. Des coupes judicieuses ont été faites, en particulier dans les longues réflexions écologiques d’Astrov…

3 – La dernière raison est bien sûr de réentendre la fin du dernier et quatrième acte, au moment ou après le départ de Serebriakov et d’Helena, Vania et Sonia se remettent au travail, comme une incitation à la reprise qui nous attend.

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Oncle Vania – Fin du 4ème acte.

VANIA (à Sonia en lui passant la main dans les cheveux).

Mon enfant, comme c’est pesant ! Ah, si tu savais comme cela m’est pesant ! Sonia. Mais que faire, il nous faut vivre !

Pause.

SONIA :

Oncle Vania, nous allons vivre. Nous traverserons une myriade de longs jours et de longues soirées ; nous endurerons patiemment toutes les épreuves que nous enverra le destin ; nous travaillerons pour d’autres et aujourd’hui, et dans notre vieillesse, ne connaissant pas le repos, et quand viendra notre heure, nous mourrons humblement et sur notre tombe nous dirons que nous avons souffert, que nous avons pleuré, que tout cela nous était amer, et Dieu aura pitié de nous, et toi et moi, mon oncle, mon doux oncle, nous découvrirons une vie lumineuse, sublime, élégante, nous nous en réjouirons, et nous porterons un regard attendri sur nos malheurs présents, nous sourirons – et nous nous reposerons.

Je le crois mon oncle, je le crois passionnément, chaleureusement…(Elle s’agenouille devant lui et met sa tête dans ses mains, avec une voix épuisée). Nous nous reposerons. Nous entendrons les anges, nous découvrirons un ciel de diamants, nous verrons comme tout le mal terrestre, toutes nos souffrances, sombreront dans la miséricorde qui emplira le monde entier, et notre vie sera calme, tendre, douce come une caresse. Je le crois, je le crois…(Elle essuie les larmes de l’oncle Vania avec son foulard). Mon pauvre,, mon pauvre oncle Vania, tu pleures….(Entre ses larmes). De toute ta vie tu n’as pas connu la joie, mais patiente, oncle Vania, patiente…Nous nous reposerons…(Elle l’étreint).. Nous nous reposerons ! (On entend le garde).

Téléguine joue doucement ; Maria Vassilievna écrit dans la marge des brochures ; Marina tricote un bas.

Nous nous reposerons !

Rideau.

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SE SOUVENIR DE L’AVENIR est le thème choisi par Olivier Py pour le 75ème festival d’Avignon. A suivre.

Hugues Rousset.

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De gauche à droite: Stéphane Caillard (Helena), Audrey Bonnet (Sonia), Christine Murillo (Maria), Jacques Weber (Astrov), François Morel (oncle Vania) et Marc Lesage (Téléguine) – Photo par Christel Jeanne.

Pour marque-pages : Permaliens.

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