Cinéma – Drive my car

Un film de Ryusuke Hamaguchi – Japon – 2021 – 180 mn

Yusuke Kafuku est un acteur et metteur en scène de théâtre qui vient de présenter et d’interpréter la pièce de Samuel Beckett, « En attendant Godot« .

Peu de temps après qu’il eût découvert que son épouse Oto le trompe, celle-ci meurt subitement d’une hémorragie méningée. On apprendra par la suite que le couple a perdu une enfant âgée de 5 ans, une fille unique. Et l’on diagnostique chez Yusuke, un glaucome qui pourrait conduire à une cécité.

C’est dans ce contexte bien sombre que Yusuke se rend à Hiroshima pour monter la pièce d’Anton Tchekhov, « Oncle Vania« .

Il découvre qu’il va être amené à sélectionner les comédiens de différents pays et de différentes langues qui ont postulé pour un rôle dans la pièce. Son choix va se porter, entre autres, sur un jeune homme, Koji, qui a été l’amant d’Oto, et sur une jeune femme muette qui s’exprime par le langage des signes.

La productrice de la pièce de Tchekhov indique à Yusuke qu’il résidera à une heure de route du théâtre, et que la voiture qui assurera son transport pendant six semaines sera conduite par une femme, Misaki. Hostile, dans un premier temps à cette proposition, Yusuke doit se résoudre à l’accepter pour des raisons d’assurances non négociables!

Le film fait alterner sur une durée de trois heures où l’on ne voit pas le temps passer, des séquences se déroulant à l’intérieur de la voiture, d’autres pendant la répétition de la pièce, d’autres enfin mettant face à face Yusuku et Koji.

On apprendra vers la fin du film que Misaki, elle aussi, a vécu un terrible drame au cours de sa vie.

Ryusuke Hamaguchi mène son film avec un art consommé de la narration,, passant avec beaucoup de naturel et de souplesse d’une séquence à l’autre, fouillant le caractère et l’état d’esprit de chacun des personnages sans lourdeur ni complaisance, parfois en écho avec ce que vivent les personnages « d’Oncle Vania« .

Sur le plan esthétique, le film est de toute beauté. On admire en particulier, comment Hamaguchi filme, à l’aide de superbes vues aériennes, la voiture rouge écarlate qui, conduite par Misaki, assure le transport de Yusuke.

Les comédiens sont tous exceptionnels. On soulignera tout spécialement le jeu particulièrement touchant des deux principaux interprètes, ceux des personnages de Yusuke et Misaki, qui savent faire comprendre avec beaucoupe de simplicité et de retenue, les douleurs que charrient leurs mémoires brisées.

Lors du Festival de Cannes 2021, le film s’est vu très justement attribuer deux récompenses: le Prix du scénario, et le Prix du Jury Oecuménique.

Pierre Quelin.

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Hidetoshi Nishijama (Yusuke Kafuku) et Toko Miura (Misaki Watari).

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