Cinéma – Balzac doublement honoré au cinéma.

A quelques semaines d’intervalle

sont arrivées sur les écrans, deux adaptations de l’oeuvre de Balzac. Tout d’abord, le film de l’écrivain-réalisateur Marc Dugain, Eugénie Grandet. Ensuite, le film de Xavier Giannoli, Illusions perdues.

Ces deux films sont librement adaptés de Balzac. Les romans qu’ils mettent en images font partie du cycle des Scènes de la Vie provinciale, elles-mêmes intégrées à l’immense saga que constitue La Comédie humaine.

Ces deux films présentent par leur style de narration, leur ambiance, leur esthétique autant de différences que de similitudes.

Chacun d’eux bénéficie d’une reconstitution très soignée et très réaliste de ce qu’étaient le monde de la province et de la campagne (Eugénie Grandet), et le monde la ville, Paris en l’occurence (Illusions perdues) au début du 19ème siècle, au travers des costumes, de l’habitat, des activités professionnelles, des mentalités.

Autre ressemblance en ce qui concerne le message que portent les deux films, car on y entend parfaitement ce que Balzac souhaitait dire à ses contemporains avec la vigueur et tout le talent qu’on lui connait.

Avec Eugénie Grandet, c’est l’avarice sordide et le manque de coeur d’un homme, le Père Grandet, que dénonce Balzac. Comportement qui scelle le malheur d’une épouse totalement sous la coupe de son mari, et le malheur d’Eugénie, avide d’émancipation, par exemple par le moyen d’un mariage, mais à qui son père refuse obstinément cette possibilité.

Illusions perdues, c’est l’histoire d’un jeune ambitieux de province, Lucien de Rubempré, qui partant d’Angoulême gagne Paris. Il va s’y brûler les ailes, emporté par les compromissions qui règnent dans les mondes qu’il va fréquenter: ceux de la presse, ceux du spectacle, ceux de la littérature, ceux de la politique. On retrouve ici aussi, parfaitement traduit par les scénaristes, la vigueur des attaques de Balzac en direction de milieux qu’il connaissait bien.

A côté de cela, les deux films se différencient très nettement sur le plan esthétique.

L’histoire d’Eugénie Grandet est racontée avec une certaine lenteur, à l’image de la vie paysanne de l’époque, mais aussi des bourgeois, notaires et juristes, toujours prompts à conseiller dans l’intérêt du Père Grandet, et dans leur intérêt bien compris. Les couleurs sont plutôt automnales, et la musique assez peu présente, intervenant comme des ponctuations, plus que comme véritable fond sonore.

Il en est tout autrement d’Illusions perdues, qui est mené tambour battant, avec un montage très syncopé, traduisant parfaitement l’effervescence qui règne dans le milieu de la presse, du spectacle et de la politique. Les couleurs sont beaucoup plus vives, et la musique omniprésente pour accompagner cette ronde infernale de personnages sans foi ni loi.

Là où les deux films se rejoignent, c’est dan l’interprétation sans défaut de tous les comédiens, qui campent leurs personnages avec un parfait réalisme, révélant ainsi parfaitement leurs caractères, avec leurs défauts plus souvent que leurs qualités.

Sans les citer tous, on peut souligner le jeu impeccable de Joséphine Japy (Eugénie), Olivier Gourmet (Le Père Grandet), Valérie Bonneton (Madame Grandet) et César Domboy (Charles Grandet).

Les personnages d’Illusions perdues sont beaucoup plus nombreux. Citons Benjamin Voisin (Lucien), Cécile de France (Louise de Bargeton), Vincent Lacoste (Lousteau), Xavier Dolan (Nathan). Sans oublier Gérard Depardieu qui dans quelques courtes scènes nous révèle, une fois de plus, son formidable talent de comédien.

Pour terminer, il faut souligner le point concernant la fin de chacun des films, puisque les réalisateurs et leurs scénaristes ont pris des libertés par rapport aux conclusions des deux romans de Balzac. Libertés dans deux directions diamétralement opposées.

Marc Dugain choisit de compléter le récit de Balzac en nous montrant une Eugénie Grandet prête à se lancer dans la vie, afin d’en goûter les plaisirs qui lui étaient refusés par son père à Saumur.

A l’opposé, Xavier Giannoli nous montre le retour de Lucien à Angoulême, en nous laissant dans l’incertitude de ce qui va lui arriver, contrairement à ce que l’on apprend à la lecture de Balzac.

Chacun jugera de l’opportunité de ces partis-pris. Les puristes y verront une intolérable petite trahison de l’oeuvre de Balzac. D’autres souligneront que le cinéastes peuvent disposer d’un minimum de liberté, par quelques rajouts ou suppressions de leur cru. Dans tous les cas, ces changements ne dénaturent pas fondamentalement les idées et les discours balzaciens.

Et tout compte fait, ces deux films très réussis peuvent constituer une excellente invitation à (re)lire Balzac, en se plongeant non seulement dans Eugénie Grandet et dans Illusions perdues, mais aussi si l’on en a le temps et le goût, dans cet immense monument qu’est La Comédie Humaine.

Pierre Quelin.

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Joséphine Japy (Eugénie Grandet)

Benjamin Voisin (Lucien) et Vincent Lacoste (Lousteau)

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