Le crocodile trompeur / Didon et Enée

Molière du meilleur spectacle musical 2014, Le crocodile trompeur poursuit sa route et fait halte quelques jours au TNP (Villeurbanne). C’est jubilatoire et poétique, du théâtre, du mime, de la musique baroque, mais pas seulement, et peut-être pas d’abord qui devient ou provient du Jazz voire de la musique répétitive. La performance des acteurs est bluffante.

Comment un amour, une passion amoureuse peut-elle ne pas être une vie de bonheur et de jouissance ? Cela ne tient pas debout. C’est pourtant ce que raconte le Didon et Enée de Purcell (1659-1995). Incohérence pour incohérence, loufoque et surréaliste, allons-y pour creuser ce que le sérieux tragique ou le tragique pris au sérieux empêche de voir et d’entendre.

Le spectacle s’ouvre par un discours sur l’harmonie des sphères. Le ton est donné. Depuis l’Antiquité jusqu’au 17ème siècle, il dit la cohérence, le monde où tout prend sens, au point de faire oublier que cela ne marche. Tout est quiproquo. Comment se comprendre quand on s’appelle What ?
– « What is your name ? »
– « Wath » que l’interlocuteur bien sûr comprend comme une question « Wath ? »
Impossible d’en sortir. Vole en éclat la rationalité du monde.

De même, est-ce drame ou comédie, Enée dit rester mais part alors que Didon lui intime l’ordre de partir jusqu’à en mourrir. Que croire ? Que penser ? Où est l’harmonie des sphères, l’harmonie du macrocosme qui n’est autre que celle de la vie de chacun, microcosme ?

Hypocrisie du discours du divin, et de celui de l’harmonie ? Le livret de Purcell le dit :
« Ainsi sur les rives fatales du Nil pleure le crocodile trompeur.
Ainsi les hypocrites, coupables de meurtre, en rendent le ciel et les dieux responsables. »

Peut-être, quelques longueurs dont on s’étonne qu’elles n’aient pas été coupées depuis que le spectacle est donné. On finit, non pas dans l’hypocrisie des larmes de crocodile, mais complètement désorienté, il n’y a plus de nord. La compagnie La vie brève où tous sont autant acteurs que musiciens, metteurs en scène, concepteurs du spectacle, etc nous donne le tournis. Superbe musique de la fin de l’opéra et burlesque de tout ce que l’on a vu et entendu ; ça ne tourne pas rond, mais c’est pourtant si beau, émouvant et drôle.

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