Le spectacle du quotidien

Le spectacle du quotidien

Tel est le titre de la 10e Biennale de Lyon du 16 septembre au 3 janvier 2009. Le commissaire de cette exposition est Hou Hanru, d’origine chinoise installé à  San Francisco, il a déjà  réalisé une vingtaine de biennales à  travers le monde.
Dans un entretien accordé à  la revue Beaux Arts de ce mois de septembre 2009, Hou Hanru développe sa manière de concevoir son travail artistique. « L’art, dit-il, doit développer la liberté critique, alerter les gens, ne pas figer leur possibilité d’évoluer. Il est ce terrain où la politique se questionne ». L’ambition est vaste. Une de ses grandes forces d’inspiration : les situationnistes et leur soif de changement ainsi que leur capacité à  bouleverser le quotidien.
Voici comment il décrit son projet pour l’espace de La Sucrière qui proposera « une expérience très intense, structurée comme une expérience urbaine. Un espace très intense avec des objets de la ville. Y seront notamment mises en scènes des stratégies d’organisation sociale alternatives, ainsi qu’un regard sur des aspects de la réalité oublié par le milieu artistique, comme le monde du travail ou la migration. On y verra notamment beaucoup de vidéos et de performances réalisées dans la rue »
Près de 60 artistes ont été invités pour cette édition 2009 qui se déploie sur quatre lieux. (Voir le site de la Biennale ci-joint). Quelques chiffres donnent la mesure de l’entreprise : 6,9 M $ pour le budget global, 35% pour le montant des ressources propres et des partenaires privés (groupe Partouche, Grand Casino de Lyon), 147 000 visiteurs lors de la biennale 2007, 12 000m2 de surface d’exposition.
Après la déception provoquée par la dernière édition, le défi sera-t-il relevé cette année ? Gilbert Brun

JOC : PRATIQUES CULTURELLES DES JEUNES


Fidèle à  sa méthode d' »enquête participante » depuis sa fondation, la JOC a demandé à  ses adhérents de mener l’enquête auprès de jeunes rencontrés dans la rue, sur leur lieu de travail, au lycée ou à  la fac, dans toute la France. Le mouvement vient de rendre publique cette enquête avec des commentaires.

Voici des extraits de deux analyses que l’on retrouve sur le site de la JOC.


LES PRATIQUES CULTURELLES ET LES LOISIRS DES JEUNES.

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 analyse du sociologue Philippe COULANGEON (CNRS)

…ces résultats, après d’autres enquêtes du même type, sonnent sans doute le glas d’une certaine conception de la politique culturelle, héritée d’André Malraux et de Jean Vilar, centrée sur la communion des « masses » avec les chefs-d’œuvre éternels de la culture savante. Le clivage pertinent n’est sans doute plus tant aujourd’hui entre culture savante et culture populaire ou culture de masse, mais entre ceux qui ont accès à  une grande diversité de biens et services culturels, situés dans des registres plus ou moins « légitimes », et ceux dont l’éventail des pratiques s’avère très peu diversifié, parfois même stigmatisé. A l’heure où les revendications identitaires se multiplient, la principale difficulté de l’action culturelle est dans doute de parvenir à  faire exister une culture commune dans un environnement profondément multiculture…


 analyse des responsables de la JOC

…Ce fossé entre les jeunes et la culture instituée est une réalité prégnante, de la même manière que la culture des jeunes (musique, graff) n’est pas reconnue en tant que telle. » Elle est souvent assimilée à  une sous culture ou à  une culture par défaut et la JOC tient à  faire reconnaître le contraire…


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[lire :

 présentation – résultats complets – analyses
sur le site de la JOC->http://www.joc.asso.fr/actualite/les-propositions-de-la-joc-pour-l-acces-des-jeunes-a-la-culture-et-aux-loisirs-241.html]

UNE CULTURE « JEUNE » ?

Y a-t-il une culture spécifique aux « jeunes » d’aujourd’hui ?

Les avis sont partagés :

 une génération nouvelle émerge, avec de nouveaux modes de consommation et d’échange, entre autres avec internet,

 une nouvelle classe d’âge s’approprie les modes de vie du moment, comme l’ont fait ses aînés.

Les réflexions des uns et des autres ont suffisamment de pertinence pour nourrir la réflexion.

Voir leur résumé dans le texte joint, avec les liens aux sites et documents de référence culturejeunes-2.pdf

Mgr Dagens reçu à  l’Académie fraçaise

La petite musique de Mgr Dagens dans le paysage des évêques de France est originale. Son souci premier est le défi de la foi en Jésus-Christ à  l’intérieur de notre société. Il se reconnaît pleinement dans les formules de son ami Guy Coq qui nous invite à  opérer un double déplacement de toute urgence aujourd’hui. Passer « de l’indifférence à  l’accueil des attentes » car le mot indifférence n’est pas adéquat pour rendre compte de la réalité complexe de notre société, il cache des attentes profondes qu’il faut pouvoir repérer et nommer.

« Savons-nous assez entendre les questions qui sont posées, des questions qui touchent à  la grammaire élémentaire de l’existence humaine, des questions d’humanité commune ? Pourquoi vivre ? Pourquoi ne pas se donner la mort ? Pourquoi aimer la vie, même quand elle est difficile Où trouver des points d’appui qui permettent d’avancer ? Comment prier ? Comment connaître le Christ ? Comment comprendre le mystère de la résurrection ? Comment pouvoir se réconcilier avec soi-même et être guéri des blessures inscrites depuis longtemps dans sa mémoire » p. 47 dans « Méditation sur l’Eglise catholique : libre et présente. »

Le second déplacement consiste à  passer « de la visibilité à  l’inscription ». La visibilité dans l’Eglise, fait entrer dans la logique médiatique de l’image et de l’apparaître. Or l’Evangile nous parle d’incarnation, c’est une autre logique de la présence dans une société, une civilisation, une culture.

Voilà  un évêque passionné par l’inscription de la foi dans la culture. Notre service arts, cultures et foi est attentif à  ce qu’il publie et se tient à  l’écoute des réflexions qu’il conduit dans le cadre de l’accompagnement du Réseau pour le dialogue Incroyance-Foi auquel je participe. Il nous rappelle constamment que ce dialogue entre la culture et la foi fait intrinsèquement partie de notre mission chrétienne.

Je vous invite à  lire dans LA CROIX du vendredi 15 mai 2009 le discours de réception de Mgr Dagens à  l’Académie française en hommage à  René Rémond qui a su « témoigner intelligemment de la nouveauté chrétienne » et le discours d’accueil par Florence Delay qui commence par le mot « Père », « ce mot magnifique sert nos deux familles l’humaine et l’ecclésiastique. Il relie les enfants que nous avons été à  des pères très aimés, le vôtre, le mien, et les hommes qui le veulent bien à  un Père invisible dont vous êtes le messager »

Les deux derniers ouvrages de Claude Dagens sortis en librairie :

 Méditation sur l’Eglise catholique en France : libre et présente – Cerf, Avril 2008

 Aujourd’hui l’Evangile – Parole et Silence, Mars 2009

Gilbert Brun

(on peut lire le discours de réception de Mgr Dagens sur le site de son diocèse)

La culture de l’internet et l’Eglise

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Dans les changements culturels de ces dernières décennies, l’irruption des techniques numériques est sans doute un élément important de transformation des liens sociaux, des mentalités, des représentations… Certains parlent d’un « monde nouveau » dont l’avènement est comparable à  la découverte du « Nouveau Monde« .


LA CULTURE DE L’INTERNET est le thème de l’assemblée plénière du Conseil Pontifical pour les communications sociales de 2009 et de la journée des communications sociales.

En 2008, les évêques européens en charge des questions de communication ont annoncé la thématique de cette année.

(lire le compte rendu )

Le Pape Benoît XVI a publié un message en vue de cette journée du 24 mai 2009.

(lire le message de Benoît XVI)


Le nouveau président du Conseil Pontifical détaille les enjeux de cette nouvelle culture.

(lire entretien avec Mgr Celli)


En 2002, le Pape Jean-Paul II avait attité l’attention des catholiques sur la nouvelle culture de l’internet.

(lire me message de Jean Paul II)

Le Conseil Pontifical avait alors produit deux textes de référence :

 Ethique en Internet

 L’Eglise et Internet


Pour aller plus loin dans la réflexion, on peut lire deux textes de spécialistes des medias à  propos de l’impact d’internet sur la mission de l’Eglise :

 B.OUELLET (Canada)

 NTAMBUE-TSIMBULU (CNRS France)


On peut aussi lire les documents suivants :

 une enquête faite en France et en Allemagne dans les publics chrétiens

 la numérisation de documents du patrimoine religieux en France

 un texte sur les normes de ce « nouveau monde » numérique

 les images d’évêques sur le sites diocésains

 une nouvelle façon de penser ?

 une « troisième » culture ?

 les pratiques culturelles et l’internet en France (enquête INSEE)

(lire ces présentations)

Bernardins

DEROULEMENT DES PRISES DE PAROLES

Véronique Minet

L’homme peut-il vraiment être humain si son cœur n’est orienté vers la recherche de Dieu et des réalités ultimes, recherche de l’autre du Tout Autre, du transcendant, de la vie ? Comment faire pour que dans les cultures d’aujourd’hui cette recherche de Dieu ne disparaisse pas ? Comment nourrir le dialogue avec les chercheurs de sens et de transcendance ?

Une attention à  tout ce qui est acte de parole et d’écriture. Rôle de l’école et des bibliothèques pour être des chemins vers la parole.

Un renouvellement du concept de parole de Dieu plus large que les Ecritures, diversité des livres et unique Parole de Dieu. Comment revenir sans cesse à  la recherche de l’unité de l’Ecriture dans la diversité des écritures ?

L’urgence de lire les Ecritures en communautés. La Parole donne naissance à  la communauté, et la communauté donne naissance à  la Parole. Les Ecritures ne deviennent parole vivante que quand elles sont lues en communauté.

« La Parole de Dieu et son action dans le monde se révèlent dans la parole et dans l’histoire humaine » Dieu se dit et nous parle dans la réalité de l’histoire de nos peuples et de nos vies. Comment Dieu se dit-il dans les paroles et les histoires de nos cultures ?

Si l’homme cherche Dieu, c’est d’abord Dieu qui cherche l’homme. Il attend une réponse. La révélation chrétienne est dialogale. « C’est un chemin de vie où Dieu vient à  la rencontre de l’homme afin de lui permettre de venir à  sa rencontre »

Michel Barlow

Je me contenterai d’exprimer ici mes réactions à  l’égard des affirmations du Pape sur « les racines de la culture européenne » Je suis choqué par l’aspect partisan de ses propos. Benoït XVI parle comme ces politiciens qui considèrent que seul leur parti a eu une action positive, voire que lui seul a le droit d’exister, que lui seul finalement existe. A en croire le Pape, en effet le christianisme serait la seule et unique racine de la culture occidentale et de toute culture possible (c’est la dernière phrase de son discours) Soit dit entre parenthèses, il est pour le moins surprenant -surtout en présence de représentants de l’Islam – de ne pas mentionner l’apport considérable de la culture musulmane, et notamment de sa philosophie à  l’égard de sa pensée médiévale en occident. Saint Thomas d’Aquin aurait-il pu écrire la Somme Théologique si Avicenne et Averroès ne lui avaient tracé le chemin – et avec quel brio ?
Je me demande aussi comment un responsable d’institution – a fortiori un responsable d’Eglise – peut caricaturer de façon aussi grossière ceux qui ne partagent pas son point de vue, en considérant que ce qui n’est pas art « sacré » (en l’occurrence musique « sacrée ») n’est que « l’œuvre d’une créativité personnelle où l’individu, prenant comme critère essentiel la représentation de son propre moi, érige un monument à  lui-même »
Je me demande s’il ne serait pas plus conforme à  l’évangile de porter un regard de foi sur le monde réel qui nous entoure. Un monde où force est bien de le constater, des cultures fort différentes cohabitent. Le pape lui-même semble ouvrir cette piste en évoquant la dimension eschatologique de la vie monacale. En entendant par eschatologie non pas l’attente confiante ou terrorisée de la fin des tempos, mais un regard qui donne sa pleine signification à  « l’aujourd’hui de Dieu », comme dit l’épître aux hébreux : le Royaume est déjà  parmi nous pour qui sait le reconnaître et l’accueillir.
Regarder ce monde multiculturel avec foi, c’est reconnaître que, sous nos yeux, se vivent différentes formes d’alliance entre Dieu et l’humanité. Ce qu’Irénée de Lyon appelait l’alliance de Noé – la volonté de faire réussir la Création en soi-même comme autour de soi – n’est pas une étape révolue de la conscience religieuse. Elle cohabite aujourd’hui avec d’autres formes de relation à  Dieu : ce qu’Irénée appelle l’alliance de Moïse : recherche de Dieu dans la pratique d’une religion, quelle qu’elle soit ; ou encore l’alliance d’Abraham : fidélité à  un absolu, à  un idéalqui peuvent être rigoureusement laïcs. Et l’Alliance avec Dieu en Jésus Christ, qui nous a été offerte par grâce et sans aucun mérite de notre part, ne serait pas fidèle à  l’Evangile si elle ne s’efforçait d’intégrer – Irénée, à  la suite de Paul, dit de récapituler – toutes les autres formes d’alliance. Ce qui signifie d’abord de les accueillir pour elles-mêmes en respectant leur spécificité

Georges Decourt

Il est donc question de la place de la théologie dans la construction d’une culture européenne. La thèse en est que cette culture européenne prend naissance dans une conjoncture particulière, une fracture culturelle due à  l’effondrement de la culture antique grecque. Le monachisme fonde cette nouvelle culture qui se déploie à  partir du 6° siècle.
La thèse de Benoît XVI est la suivante : si le monachisme chrétien qui repose sur la quête de Dieu est au fondement de la culture européenne, alors on ne peut pas réfuter cette quête de Dieu comme le fait la culture positiviste, en conséquence la culture positiviste n’appartient pas à  la culture européenne. Pourrions nous connaître aujourd’hui une nouvelle conjoncture qui verrait l’effondrement de la culture ancienne, née avec le monachisme et verrait naître une culture nouvelle marquée par l’ignorance de la quête de Dieu ? Pour le pape en dehors de cette quête de Dieu, il n’y a pas de culture véritable. Pourtant dans les cultures européennes contemporaines grandit l’indifférence envers Dieu. Le discours répond non, nos contemporains cherchent eux aussi le Dieu inconnu, malgré tout, malgré les apparences contraires ?
La culture antique, grecque, reposait sur cette quête du Dieu inconnu
Nier la quête de Dieu, c’est ne pas appartenir à  la culture européenne, ignorer la quête de Dieu, c’est ne pas appartenir à  une véritable culture.
Peut-il exister une culture sans quête de Dieu ? Si c’est non, alors la culture européenne est le modèle de toute culture, la matrice de toute annonce du Christ, et annoncer le Christ, c’est l’annoncer avec cette culture. Si c’est oui, alors pour annoncer le Christ en l’absence de toute quête de Dieu il faudrait reprendre le modèle évangélisateur du monachisme, c’est-à -dire être soi-même en quête de Dieu dans une culture qui lui est étrangère, barbare. C’est ce qu’on nomme l’inculturation de la foi chrétienne, « incarnation de l’évangile dans des cultures autochtones et en même temps l’introduction de ces cultures dans la vie de l’église » (Jean-Paul II)
Le premier cercle des disciples de Jésus est composé de personnes de culture juive, le deuxième cercle est constitué de juifs de la diaspora lisant la bible dans sa version grecque, citoyens de Rome, de Tarse ou d’ailleurs, le troisième cercle était constitué de prosélytes, le quatrième cercle de « gentils ». Pour ces derniers la question s’est posée de savoir s’ils devaient épouser la foi juive et la culture juive de ces premiers disciples. La réponse a été non. Chacun peut désormais vivre le message du Christ dans sa propre langue sans être circoncis, sans monter au temple : une règle foi sans discrimination basée sur les règles sociales des autres groupes, riches-pauvres, hommes-femmes, maîtres-esclaves, grecs-juifs Cette règle de foi, ce sont les évêques qui en sont garant en tant que successeurs des apôtres pour qu’elle traverse toutes les cultures sans discrimination. On peut vivre la foi chrétienne, chercher Dieu dans toutes les cultures, c’est la règle de foi qui nous a été transmise par la tradition apostolique.
Cette quête de Dieu a des effets culturels, sociaux, économiques qui ne constituent pas l’objectif primordial de la communauté des disciples du Christ. C’est dans cette quête de Dieu que prend naissance l’annonce du Christ par la parole, le chant, la liturgie, le travail, mais aussi par le travail, le silence, la connaissance (suite)

JF Chiron

Le but de Benoit XVI, c’est de témoigner d’une direction, un aller vers. Est-ce que la recherche de Dieu a de l’intérêt pour le monde d’aujourd’hui ?
Le thème de la raison est très présent. Benoît XVI est dans la continuité de Veritatis Splendor de Jean-Paul II. La vraie liberté, c’est rechercher la vérité.
Ce discours est pour les trois quart une méditation sur l’état de vie monastique. On est avec ce discours plutôt au 11° et 12° siècle, mais pas au 13°siècle comme point de départ.
Les gens d’aujourd’hui travaillent beaucoup, même le dimanche, mais ce n’est plus le travail qui est une valeur, c’est plutôt le loisir.
Pour Benoît XVI le verbum latin, c’est le logos grec, c’est la raison.

Benoît XVI a bien conscience que pour les croyants, ce qui constitue l’être humain c’est sa relation à  Dieu. Habituellement ce qui compte c’est l’être, et puis la relation c’est ce qui s’ajoute à  l’être et qui peut plus ou moins le modifier. Pour le croyant ce qui constitue l’être humain c’est une relation à  Dieu. Si nous disons que nous sommes enfants de Dieu qui est Père, ce que nous sommes dépend d’une relation. Cette relation n’est pas un pourcentage plus ou moins grand de l’être humain, ça le constitue dans tout ce qu’il est. De même que l’être humain est tout entier un être de langage, l’être humain est tout entier un être de relation à  Dieu. Le problème est que si vous voulez définir l’être humain sans cette relation qui le définit comme enfant de Dieu, vous amputez l’être humain. Cela peut apparaître comme une position intransigeantecomment ne pas l’être ? Le problème est que l’être humain en société ne se définit plus comme en relation à  Dieu, la déclaration Dignitatis humanae de Vatican II, l’Eglise a accepté de sortir d’un idéal de chrétienté. Ce qu’elle a admis pour l’être humain en société, peut elle l’admettre pour une définition de l’être humain en tant que tel ?

A première lecture on peut comprendre que la seule culture humaine, humanisante, c’est la culture chrétienne, ou croyante, puisqu’il est dit que toute culture doit chercher Dieu, être ouverte à  une transcendance. Cette expression chercher Dieu peut être comprise à  deux niveaux. Chercher Dieu, quête de Dieu, quaerere Deum, cette expression revient 21 fois dans le discours. Je ne pense pas que Benoît XVI veuille faire de la société occidentale un nouveau monastère. Il se réfère à  ce qui constitue le travail des théologiens catholiques, hier les moines, comme aujourd’hui. C’est l’idéal chercher Dieu, se chercher par un Dieu qui est dans l’Ecriture, dans la Parole, dans une communauté de foi. Le chercher Dieu peut être aussi la caractéristique d’une société qui doit au moins rester ouverte à  la transcendance, au moins ne pas la nier. Il faut envisager ces deux sens : modèle le moine du 11° siècle et au sens où une société qui récuserait quelque chose qui est de l’ordre de cette recherche se condamnerait elle-même. Laisser au moins une ouverture à  Dieu et non pas ériger un système clos où Dieu, le divin, le transcendant n’aurait par principe pas de place.
Les trois dernières phrases di discours ont le mérite de réveiller ceux qui auraient pu s’endormir pendant les 30mn.
Il ne s’agit pas de prôner un régime de chrétienté ou un régime monastique, mais de dire qu’à  partir de cet exemple médiéval une société qui nierait toute ouverture au transcendant se condamnerait elle-même.

« La dernière phrase du discours ne condamne-t-elle pas comme veine toute culture profane et donc tout dialogue avec une culture athée et portant soucieuse de développer l’humain et les valeurs spirituelles ? » Qu’est ce que vous entendez par culture athée, si c’est une culture qui récuse ce que le pape nous présente comme ouverture au transcendant, cela en effet le pape le récuse. Si c’est une culture soucieuse de l’humain et des valeurs spirituelles, alors on a quelque chose qui est de l’ordre de l’ouverture au transcendant, le dialogue devient possible.

« Un discours courageux et décevant, reprend Véronique Minet, car il manque une ouverture à  toutes ces personnes qui dans leur propre culture essaient de chercher une dimension spirituelle, sans être dans la culture chrétienne »

« Une communication bizarre, reprend Michel Barlow, qu’un discours qu’il faut interpréter longuement »
Le discours était dans un lieu, monastère et il a voulu partir de là . C’est le prof qui dit je vous donnerai à  la sortie le texte.
Les deux dernières phrases. « Une culture positiviste » Ce qu’il récuse, c’est par principe une culture qui récuserait l’ouverture au transcendant.

Question de la salleUn débat interne à  la philosophie allemande ?
On a exclut la théologie des facultés d’état. La théologie est disqualifiée dans le système universitaire français. Vous êtes théologien, vous êtes rien. Sauf si vous avez une thèse conjointe. Ce n’est pas le cas dans d’autres cultures, y compris en Allemagne. Je ne suis pas sûr que ce soit mieux en France.

JF Chiron le plan du discours

Une partie Ad intra sur le travail théologique en lui-même, une réflexion sur la parole et les conditions de cette réflexion. Et une partie témoignage ad extra. La référence ad intra ce sont les moines, ad extra c’est St Paul.

Ad intra

La devise des moines bénédictins ora et labora, prie et travaille. Culture de la parole et culture du travail. Cette culture de la parole. Ce qui est premier c’est la parole, une parole médiatisée par les paroles. « La parole donne naissance à  une communauté, la communauté de tous ceux qui cheminent dans la foi » La parole fait l’Eglise. Il faut articuler les deux.
Qui dit parole dit dialogue, aller et retour : « l’écoute d’une parole suscite une réponse ». Ecouter Dieu pour lui répondre. Et là  le pape parle des psaumes comme parole adressée par Dieu à  nous et par nous à  Dieu quand on les chante. Pour Jean Paul II l’homme était croyant dans l’oraison personnelle, pour Benoît XVI le croyant s’exprime comme croyant dans la liturgie.
Puis on revient à  cette Parole qui vient à  nous par des paroles, des livres. O parle des Ecritures comme l’unique Parole qui nous est adressée. Il s’agit de trouver le sens qui unifie le tout. « Le logos déploie son mystère à  travers cette multiplicité »
« L’Ecriture a besoin de l’interprétation », elle ne va pas de soi. La Parole de Dieu c’est ce livre tel qu’il est lu, compris, proclamé dans la communauté. Il existe des dimensions du sens de la Parole et des paroles qui se découvrent uniquement dans la communion vécue de cette Parole qui crée l’histoire. D’où la récusation de tout fondamentalisme avec cette tentation qui consiste à  en rester à  la lettre.
Le passage où est cité un adage médiéval de Augustin de Dacie. Aujourd’hui nous dirions qu’il faut interpréter la parole de Dieu en la remettant dans son contexte. Benoit XVI dit « La lettre enseigne les faits, l’allégorie ce qu’il faut croire » il y donc plusieurs façons d’interpréter l’Ecriture, celle où on la replace dans son contexte d’origine et une façon allégorique, plus poétique : la manne comme annonce de l’Eucharistie, le serpent d’airain c’est déjà  le Christ.

Le comment interpréter ne peut être qu’une lecture dans l’Esprit. C’est dans l’Esprit saint que peut s’opérer « le lien de l’intelligence et de l’amour ». Ce qui vaut pour Jean-Paul II pour le registre moral, anthropologique, pour Benoit XVI ça vaut pour la lecture de l’Ecriture. Lire l’Ecriture avec l’Esprit qui rend libre, ça n’est pas une pure subjectivité, c’est le line de l’intelligence et de l’amour.

XI et XIII° siècle.
Pendant le premier millénaire jusqu’au 11° 12° siècle (la transition c’est le 12°siècle, comme pour la transition du roman au gothique) le lieu où on fait de la théologie, c’est le monastère, en lisant la bible, en la méditant et en priant, à  partir de la lecture.. Lectio, meditatio, contemplatio. C’est la lectio divina. A partir du 12° siècle le lieu où on fait de la théologie c’est l’université et la lectio de la Parole de Dieu, c’était pour l’enseignement. Questionner cette Parole de Dieu pour faire passer un enseignement, un message. Passage d’une théologie biblique, méditative, prière, à  une confrontation d’interprétations, à  une théologie plus dialectique, et à  l’essai de synthèse comme le fut la Somme théologique de Thomas d’Aquin. Benoît XVI se situe du côté de la première façon, il n’est pas un thomiste. Il est dans une lignée plus monastique. Il y a ainsi plusieurs façons de faire de la théologie.

Le Labora avec une belle méditation sur le travail.
Le chercher Dieu comme attitude « vraiment philosophique ». Un thomiste aurait sans doute distingué l’attitude théologique et l’attitude philosophique. Dans une perspective médiévale, la philosophie est d’emblée articulée à  la théologie.
Cette Parole sur laquelle on médite, on travaille, il s’agit de l’annoncer. L’annonce de l’inconnu connu » : on est un peu comme du temps de l’aréopage, les hommes d’aujourd’hui pressentent quelque chose qui est de l’ordre du divin, du religieux, du transcendant. Est-ce que la société va ménager une ouverture à  cela ou clore ?

Rechercher Dieu, c’est maintenir l’ouverture à  une transcendance au moins comme possibilité, ne pas la disqualifier à  priori.

un danseur lyonnais nous rebondit sur le discours aux Bernardins

Que peut dire l’artiste que je suis au terme de cette matinée du 13 Décembre au cours de laquelle a surtout été (bien) commenté le texte de Benoît XVI et mis, selon moi un peu de côté, le sujet annoncé corollairement « Culture et foi dans le même bateau ? ».

Seule, une femme dans l’assistance a évoqué la nécessité de créer, de faire œuvre de création et d’audace dans le temps de la liturgie.
Pour ma part, je pense qu’il y a d’autres espaces à  explorer que le temps liturgique et je m’en explique plus loin.
Il y a en tout cas beaucoup à  explorer, il y a un impensé que cadenassent beaucoup de résistances. Et je crois que c’est assez général.

Du point de vue des artistes d’aujourd’hui, si nous voulons éviter, qu’on me pardonnne, la mièvrerie et l’angélisme qui ont bien souvent cours dans les célébrations, il me semble que peu d’entre nous sont prêts à  risquer une véritable création dans le cadre liturgique. Ce temps où le sacré se mêle à  un dogme auquel on n’adhère pas, soit en partie, soit entièrement, fait problème.

Du point de vue des chrétiens qui viennent se ressourcer à  la liturgie, bon nombre me semble-t-il, seraient désemparés et se sentiraient violentés par le surgissement dune forme artistique qui s’éprouve au mystère et sort des codes habituels.

Enfin, veuillez pardonner mes doutes et mes réserves. Ils tiennent au fait que je ne me situe pas pleinement dans le message évangélique.
A cela s’ajoute le problème évoqué en aparté : l’église ne s’engage pas à  payer les artistes (…) Bach, et tant d’autres, auraient ils écrits toutes ces œuvres sans rémunération?

J’en viens maintenant à  parler des aspirations des artistes.
Je ne peux ici que parler de moi mais je crois bien que mes questionnements en traversent d’autres. Comment proposer à  l’homme et à  la femme d’aujourd’hui de rejoindre une dimension trans-individuelle, qu’on appelle le sacré dans le langage religieux ? L’art est il d’ailleurs autre chose que l’émanation, l’irruption de ce « sacré » dans la linéarité de nos vies quotidiennes? Créer un frisson, un émoi, qui nous donne de nous relier, serait l’endroit où peut s’éprouver -ou non- une forme de transcendance.

C’est en tout cas ce qui porte mon désir d’artiste. C’est pour cela que je crée un cadre (les Créations Civiles©) et les conditions de préparation à  ce que l’événement ait pleinement lieu Lorsque ça a lieu, ça me semble être, oui, une sorte de grâce

Donner des outils qui engagent le corps et l’esprit à  s’habiter l’un l’autre est la recherche dans laquelle je me sens engagé. Je crois à  cette sorte de métaphysique quantique qui est à  vivre dans et par l’information de nos cellules, dans et par l’intégration de celles ci. Visiter et revisiter cet humus, habiter toujours plus profondément notre corps et nos gestes, un vrai travail de conscience physico-spirituel.

A cet endroit, où j’œuvre, j’ai fait plusieurs choix :

 celui d’agir dans le domaine laïc. Parler ouvertement de spiritualité et de sacré exclurait d’emblée certains citadins.

 celui de ne pas charger le sensible d’un surcroît de signifiant qui pourrait l’écraser. Un surcroit d’intellection empêche de ressentir, alors qu’il s’agit d’écouter la matière, de traverser une expérience sensible, de l’incorporer au niveau cellulaire.

Si je peux me permettre, je dirai que pour « culture et foi », il y a, dans le double travail que vous faites entre artistes et publics, de constantes précautions à  prendre, quant à  cette surcharge du symbolique sur le sensible.

Que pouvons dès lors réaliser ensemble, vous avec moi qui n’ai pas choisi de me faire le chantre du message évangélique et œuvre dans le domaine laïc ?

Il y a des espaces possibles. Preuve, fort réussie je crois, en fut pour Les Orants, Création Civile© 2003 aux Subsistances dans le cadre du Festival La Chair et Dieu.

Je pense que d’autres collaborations sont à  inventer.

Pierre Deloche

Après le discours aux Bernardins

Le Service arts, cultures et foi et le réseau incroyance-foi proposaient le 13 décembre dernier à  l’Université catholique de Lyon une matinée avec projection du discours de Benoît XVI et temps de travail, texte en main, pour permettre à  chacun une appropriation du contenu. Jean-François Chiron, doyen de la faculté de théologie en rappelait les articulations essentielles.

Benoît XVI a bien conscience que pour les croyants ce qui constitue l’être humain, c’est sa relation à  Dieu. De même que l’être humain est tout entier être de langage, il est tout entier être de relation à  Dieu. Vouloir le définir sans cette relation, c’est l’amputer. Aujourd’hui l’être humain en société ne se définit plus comme en relation à  Dieu. Dans sa déclaration Dignitatis humanae au concile Vatican II, l’Eglise a accepté de sortir d’un idéal de chrétienté. Ce qu’elle a admis pour l’homme en société, peut-elle l’admettre pour une définition de l’homme en tant que tel ?

A première lecture on peut comprendre que la seule culture humaine, humanisante est la culture chrétienne, puisqu’il est dit que toute culture doit chercher Dieu, être ouverte à  une transcendance. Quaerere Deum, cette expression qui revient 21 fois dans le discours peut être comprise à  deux niveaux. Celui qui constitue aujourd’hui le travail de tout théologien catholique, comme hier celui des moines : chercher Dieu et se laisser chercher par lui dans l’Ecriture, dans la Parole, dans une communauté de foi. Et l’autre niveau qui peut être la caractéristique d’une société qui maintient l’ouverture à  une transcendance, au moins comme possibilité, sans la disqualifier à  priori.

Les questions n’ont pas manqué, en particulier sur « la dernière phrase du discours qui semble condamner comme vaine toute culture profane et tout dialogue avec une culture athée soucieuse de développer l’humain et les valeurs spirituelles ». Mais que faut-il entendre par « culture athée » ? Le refus de toute ouverture au transcendant, le pape le récuse, mais dans une culture soucieuse de l’humain et du spirituel, le dialogue devient possible. Dans ce monde multiculturel, faisait remarquer un témoin, ne faut-il pas reconnaître que sous nos yeux se vivent différentes formes d’alliances entre Dieu et les hommes. Un discours courageux et décevant pouvait-on entendre à  partir des diverses réactions : courageux car il était important de rappeler que l’homme ne peut être vraiment humain si son cœur n’est orienté vers la recherche de Dieu et les réalités ultimes, recherche de l’autre et du Tout Autre : décevant car il manquait une ouverture à  toutes ces personnes qui sont à  la recherche d’une dimension spirituelle, sans être de culture chrétienne.

La conclusion nous a ouverts aux différentes façons de faire de la théologie. Pendant les 11°/12° siècles (la transition étant le 12° siècle comme pour le passage du roman au gothique) le lieu où l’on fait de la théologie, c’est le monastère par la lectio, meditatio, contemplatio, à  partir du 12° siècle le lieu change c’est l’Université et la lectio est faite pour l’enseignement. C’est tout le passage d’une théologie biblique, méditative, qui se fait prière, à  une théologie argumentative, dialectique, comme l’essai de synthèse que fut la Somme théologique de Thomas d’Aquin. Visiblement Benoît XVI se situe dans une lignée plus monastique.

Compte rendu Gilbert Brun