La Colline aux coquelicots

de Goro Miyazaki

Japon, 2011, 1h31

Sortie en France le 11 janvier 2012.

film d’animation, tout public à  partir de 10 ans.

Avec un très beau graphisme, une histoire d’adolescence un brin mélancolique mais où les raisons d’espérer sont nombreuses.

Il n’est sans doute pas facile de faire des films d’animation quand on est le fils du célèbre réalisateur japonais Hayao Miyazaki. Ou peut être que si Toujours est-il que ce second long métrage de Goro Miyazaki est une belle réussite, beaucoup plus convaincante que son premier, Les Contes de Terremer, sorti en 2008. La Colline aux coquelicots se démarque clairement de l’univers du père et il vaut mieux le savoir avant d’y inviter de trop jeunes enfants : ils risquent de s’ennuyer ferme dans cette histoire où il n’y a ni monstre fantastique, ni aventure ! coque4.jpg

C’est avant tout un film d’ambiance et il nous plonge délicieusement dans une époque révolue mais pas si lointaine, le Japon à  la veille des Jeux olympiques de 1964. Les personnages principaux sont deux lycéens de Yokohama, Umi, la jeune fille, et Shun, le garçon. Au sortir des traumatismes de la deuxième guerre mondiale, le pays est en plein bouleversement et la contestation politique est présente dans les établissements scolaires. C’est donc sur fond de révolte et de désir d’indépendance qu’Umi et Shun vont se rencontrer.coque2.jpg

Avec le graphisme propre au studio Ghibli, le réalisateur nous amène au plus près du quotidien des personnages. Les rites de la cuisine, du vieux réchaud à  gaz à  la boîte à  riz carrée, l’aménagement intérieur des maisons, avec ses cloisons de papier, les rues en pente où on conduit à  gauche, les étals de marché au crépuscule, tous les détails annexes au déroulement de l’histoire sont autant enchantement que dépaysement ! Ils ancrent Umi et Shun dans une réalité palpable et lorsqu’ils croquent dans un beignet, on salive avec eux. On tremble aussi dans cette fin d’adolescence où il faut à  la fois gérer les émois amoureux et les grandes questions existentielles qui secouent leur entourage. Que faut-il garder de la culture ancienne ? Qui sont nos pères ? Quelle place pour les femmes dans cette nouvelle société ?coque5.jpg

Comme dans beaucoup de films d’animation japonais, on peut regretter les grands yeux ronds de tous les personnages mais on est vite sous le charme des plans plus larges, la mer où les paquebots croisent les petits bateaux de pêcheurs, la ville accrochée aux pentes qui semble aussi scintiller et le raffinement de la végétation. Comme dans beaucoup de films japonais, la catastrophe n’est jamais loin et le bonheur est toujours teinté de mélancolie. La Colline aux coquelicots est un film où il y a beaucoup à  voir et à  contempler, où le charme opère avec une grâce tranquille et où les personnages se construisent, comme dans la vraie vie, entre la douleur de la perte et la force de l’espérance.

Magali Van Reeth

Signis

Elles sont passées par ici, elle repassera par là …! »

Tract-Internet_OULLINSPt.gif


Elle
: Mireille Buron , pour ce « one-woman -show » original,en église.
Elles, les femmes, toutes les femmes en solidarité, surtout celles dont les maris portent des chemises, car l’image des mille tâches éclatées des femmes, est ici le repassage sur l’autel de l’église, transformée en table à  repasser. Il faut le faire, sans mauvais jeu de mot et çà  marche : elle est pleine à  craquer : du jamais vuou presque .
Repasser amène à  penser, libère l’imagination au gré des chaussettes, culottes, tee-shirts(la vraie vie) ,et à  s’interroger sur le sens du service, et la conclusion arrive en finale ,La Bonne Nouvelle : « Sans la charité(l’amour),je ne suis rien ! » ,oui ,mais comme le disait Sarah Bernhardt, oui, mais quand même ! ,et d’interroger avec humour ,colère(feinte ?) les textes de la Bible(de l’Evangile surtout ) :

-« Laissez venir à  moi les petits enfants ! », le paradis , comme une immense garderie, le Christ en a-t-il l’expérience ?

 « Cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira ! »,Ah ,bonest-ce vraiment ainsi que les choses se passent ?

 Marthe et Marie, bien sûr,

Etcet pendant une heure trente ,en complicité avec la salle dans l’Eglise du Viateur à  Oullins, les interrogations d’un nouveau Job, moins grave, plus dans le quotidien, plus féministe qui questionne sur le rôle des femmes dans L’Eglise, avec humour toujours ,et les jets de vapeur qui s’échappent du fer à  repasser sortent comme des « bulles » de bande dessinée. Un pari réussi avec la complicité pour la mise en scène de Vincent Buron, son mari (Compagnie A.C.St.J ).

Le rôle de la mère, de l’épouse, de cette femme orchestre, n’est-il pas justement, d’aplanir, de défroisser, de faire disparaitre les plis de l’âme

Elle repassera par là , le 6 mars , dans l’église ND Saint Alban 67 rue Laënnec,69008, à  20h,

(réservations au :0478453058).

Allez -y ,cela ne doit pas faire un pli.
Hugues Rousset

Trio Soulaà¿res aux Echappées Belles

TrioSoulayres_304x2.jpg

Vendredi 20 janvier à  20 h 30, au studio « Les Echappées Belles »
Le Trio Soulaà¿reès se produit…

Le Trio Soulaà¿rès s’est formé il y a environ 6 ans. Il est issu de la rencontre de 3 musiciens venus de trois univers musicaux radicalement différents.

« L’amour, la peur du noir, la passion, les ruptures, le besoin de l’autre sont autant de chemins que nous empruntons chaque jour et que nous aimons chanter. »

Ce quatuor aux influences riches et diverses nous transporte vers des paysages nocturnes et lointains, vers des contrées imaginaires aux parfums méditerranéens. Leurs mélodies sont nourries de traditions argentines, irlandaises, andalouses et parfois teintées d’accents folk.

Formation :

Séverine Soulaà¿rès : Chant, guitares, bodhran, mandoline

Christophe Jacques : Guitares, mandoline, chant

Paul-Valère Marchand : Violoncelle

Myriam Essayan : Percussions

Une Vie meilleure

de Cédric Kahn

France, 2010, 1h50

Sortie en France le 4 janvier 2012.

avec Guillaume Canet, Leila Bekhti.

Un garçon charmant et plein d’énergie, une nouvelle histoire d’amour mais les occasions de trébucher sont nombreuses : un thriller social et affectif haletant !

A quoi sait-on, dès les premières images du film, que ça ne va pas être facile pour le personnage principal ? Que le mauvais sort, la malchance et les catastrophes vont lui tomber dessus « comme la misère sur le pauvre monde » ? C’est tout l’art d’une mise en scène réussie qui, dès le premier plan du film, instille de l’angoisse au cœur du spectateur dans une scène pourtant anodine où un homme demande du travail dans un restaurant chic. vie4.jpg

Une Vie meilleure, c’est l’histoire d’un type bien, Yann, un garçon charmant même, quoique un peu impulsif. Il est plein d’énergie, veut changer de vie, et changer la vie, mais on comprend vite qu’il n’est pas né les poches pleines. Son enthousiasme, si séduisant pour la jolie Nadia, va lui faire enchaîner les maladresses et ses rêves de vie meilleure vont tourner au cauchemar.

Très vite, Cédric Kahn fait monter la pression. Il y avait longtemps qu’on n’avait pas fait autant corps avec un personnage de fiction, partagé ses angoisses et ses frayeurs. A travers les galères de Nadia et Yann où, comme dans la vraie vie, la spirale d’échecs s’accélère proportionnellement au montant du crédit. Mieux, le réalisateur joue avec les clichés des films de déchéance et, plusieurs fois mais souvent à  tort, on imagine la scène suivante, le geste de trop, l’instant fatal où il n’y aura plus de retour possible. On en vient même à  le souhaiter pour que cesse cette tensionvie3.jpg

Pour libérer le spectateur de l’intensité de ce film au rythme dense et rapide, des moments plus étirés concernent la relation entre Yann et le jeune garçon, Slimane, dont il a bien malgré lui la charge. Instants de complicité où se partagent la tendresse et la douleur, et qui montrent le bonheur d’être ensemble, même dans un environnement déchiqueté. En quelques scènes très réussies sous leur apparente simplicité, un lien affectif se construit entre un homme qui n’a pas d’enfant et un enfant qui n’a pas de père. Comme autour des baskets volées, véritable exercice de philosophie pratique où la morale et la survie s’opposent. La scène condense avec une fulgurance remarquable toute la dimension politique du film : comment vivre décemment lorsqu’on ne possède pas ce qui est considéré comme indispensable au bonheur dans la société occidentale actuelle ?

La construction de cette relation, où se créée un nouveau lien père/fils, donne un tout autre écho au film. Sans cela, Une Vie meilleure ne serait peut être qu’une autre descente dans les enfers du capitalisme. Plus subtilement, Cedric Kahn construit du lien affectif à  mesure que le personnage se perd dans les gouffres financiers. Bien que très réaliste, cette spirale de l’échec ne finit pas dans un mur. Autant le dire tout de suite à  ceux qui hésiteraient, ce film d’actions et de tensions se termine avec une pointe d’espérance. vie2-2.jpg

La mise en scène brillante et le jeu de l’acteur principal, Guillaume Canet, permettent d’entrer pleinement dans l’histoire des personnages et dans les chemins complexes qui donnent des raisons d’espérer. C’est du grand cinéma où l’exigence artistique sert à  poser une question de société, tout en donnant au spectateur assez d’espace pour trouver lui-même des éléments de réponses.

Magali Van Reeth

Signis

Corpo celeste

d’Alice Rohrwacher

Suisse/Italie/France, 1h40, 2011.

Festival Religion Today, mention du prix Signis 2011.

Sortie en France le 28 décembre 2011.

avec Yle Vianello, Salvatore Cantalupo, Anita Caprioli.

Une très jeune fille cherche la traduction de ces mots appris au catéchisme « Eli, Eli, lama sabachthani ? » qui résonnent étrangement dans son adolescence et dans la ville où elle vient d’emménager.

Dès les premières images du film, la réalisatrice nous intrigue. Nous sommes en Italie, un jour d’hiver gris et froid. Une procession catholique se prépare dans une ces friches urbaines, à  la fois en chantier et en ruines, signes d’une modernité désespérée. Même les haut-parleurs grésillent d’une façon insupportable Dans cette Calabre loin des clichés touristiques, une jeune fille de 13 ans, Marta, lumineuse par la finesse de son teint, la couleur de ses cheveux, et sa jeunesse, attire le regard.corpo2.jpg

Corpo celeste est le premier long-métrage d’une jeune réalisatrice italienne. Elle utilise finement la géographie d’une ville saccagée par manque d’anticipation et de moyens, avec le bouillonnement interne d’une adolescente devant faire des choix. Alice Rohrwacher : « Sous la maison de Marta, comme une cicatrice sur le ventre de la ville, court le lit d’une rivière asséchée (ou fiumara). C’est là  que les gens jettent tout ce dont ils n’ont plus besoin et qui pourrait servir à  d’autres. D’autres fiumari traversent la ville. Ils sont larges, presque toujours à  sec, formant des trous béants autour des maisons. En y regardant de plus près, ce ne sont pas des no man’s land, au contraire, ils sont plein de vie : de déchets bien sûr, mais aussi de jardins, de potagers secrets, de cabanes. Ce sont des endroits où la nature apparaît dans toute sa force et sa contradiction. Pour moi, c’est un lieu magnétique, ambigu et constamment en changement. Sans aucun doute un espace qui intrigue et attire Marta. Terrain de jeux pour des adolescents, comme des points à  l’horizon, leurs mouvements microscopiques la fascinent, bien au delà  de ce que lui propose son quotidien. Comment entrer dans cet espace, comment choisir à  quel monde appartenir ? »

Marta, qui a toujours vécu en Suisse, vient de revenir avec sa famille, dans son village d’origine. Cette émigration du retour est un phénomène récent. Soumis à  des difficultés économiques dans leur pays d’accueil, les Italiens reviennent chez eux où ils peuvent bénéficier du soutien de leurs familles. Marta se prépare à  la confirmation dans la paroisse du quartier, au sein d’une équipe où elle pourra se faire de nouveaux amis. La découverte d’un autre univers est source de richesse et de souffrance, elle réalise qu’elle peut faire des choix, qu’elle est entrain de quitter le monde de l’enfance.corpo3.jpg

Dans cette histoire, il y a aussi un questionnement sur la façon de faire église aujourd’hui. La paroisse où Marta prépare sa confirmation est gérée par un jeune prêtre, sans état d’âme, le regard porté sur une promotion, plus soucieux de comptabiliser les votes en faveur d’un candidat aux élections locales que d’élever ses ouailles vers des problématiques plus spirituelles. Il doit faire face à  ses paroissiens qui ne veulent plus d’une croix en néon derrière l’autel de l’église et réclament un crucifix traditionnel. Pendant ce temps, les catéchistes s’échinent à  faire apprendre par cœur les « réponses correctes » à  des adolescents qui ont du mal à  refouler la bêtise de leur âge Dans un très beau hameau ancien et désert, où Marta et le jeune prêtre viennent chercher un crucifix (dans le pur style des bondieuseries du 19ème siècle), un autre prêtre, plus âgé et encore plus solitaire, donne à  la jeune fille une autre clé pour comprendre la figure du Christ.

Si la réalisatrice porte un regard acerbe sur l’exercice de la religion catholique aujourd’hui en Italie, elle montre aussi qu’elle en connaît parfaitement les symboles et les enjeux. Le film se termine au matin de Pâques, par le passage de Marta à  travers l’eau d’un fiumara pour déboucher vers l’espace immense et plein de promesses de la mer.

Magali Van Reeth

Signis

Le Havre

d’Aki Kaurismaki

Finlande/Allemagne/France, 1h33, 2011.

Festival de Cannes 2011, du prix du jury œcuménique, mention spéciale.

Sortie en France le 21 décembre 2011.

avec André Wilms, Katy Outinen, Jean-Pierre Léaud, Jean-Pierre Daroussin, Blondin Miguel.

Lorsque le célèbre réalisateur finnois s’installe en France le temps d’un film, il reconnait ce qui convient le mieux à  son univers. Et y trouve une touche de mélancolie joyeuse et pleine de charme.

A voir la ville du Havre, construite par l’architecte Auguste Perret à  la fin de la Seconde guerre mondiale, à  travers le regard d’Aki Kaurismaki, on réalise à  quel point c’est une évidence ! Une connivence idéale entre un réalisateur finnois à  l’humour froid, la tendresse réservée, la beauté austère, l’élégance rare et sans effet de manche, et une ville construite comme un défi aux destructions antérieures, pour que les habitants y soient simplement heureux au quotidien. havre3.jpg

Pour parfaire le tableau, Aki Kaurismaki choisit les acteurs français qui s’intègrent le mieux à  son univers. Jean-Pierre Léaud avec qui il avait déjà  tourné ; André Wilms, au physique et au jeu si « kaurismakien » et Jean-Pierre Daroussin, dans le rôle du méchant qui n’arrive pas à  être vraiment méchant. Katy Outinen a fait le voyage de Finlande mais passe plus de temps à  l’hôpital qu’à  faire la soupe à  son mari.havre4.jpg

On retrouve les thèmes habituels de Kaurismaki, où il installe ses personnages aux limites de la ville et du temps, brouillant ainsi les réels questionnements de société dans la fiction la plus pure. C’est la France d’aujourd’hui avec le problème des sans-papier dans une ville portuaire mais les cafés sont d’une époque révolue, comme les marchands de quatre-saisons et les cireurs de chaussures viennent d’un autre univers. Le réalisateur s’amuse visiblement et les clins d’œil sont nombreux, comme celui fait au réalisateur tchadien, Mahamat Saleh Haroun. Et va jusqu’au miracle pour parfaire ce conte doucement joyeux, moderne et savoureux.

Magali Van Reeth

Signis

Café cinéma

Au cœur du centre-ville de Lyon, une discussion animée autour d’un film à  l’affiche, entre 12h30 et 13h30.

La participation est libre et le café est offert !
Le film à  débattre est annoncé à  l’avance à  Saint-Bonaventure ou sur le site Arts, cultures et foi, pour que tous puissent le voir avant la discussion.

Il s’agit d’un film récent, à  l’affiche dans les différents cinémas de l’agglomération. Chacun voit le film avant la rencontre, au jour et à  l’heure qui lui convient.
Le débat est animé par Magali Van Reeth, de Signis, l’association catholique mondiale pour le cinéma.

Prochaine séance jeudi 19 avril à  12h30, autour du film I Wish nos voeux secrets de Kore Eda Hirokazu, sortie en salle le mercredi 11 avril.

Adresse :

Saint-Bonaventure

7 place des Cordeliers 69002 Lyon

autres dates

jeudi 10 mai

jeudi 7 juin

Des vents contraires

de Jalil Lespert

France, 2011, 1h31

Sortie en France le 14 décembre 2011.

avec Benoît Magimel, Antoine Duléry, Isabelle Carré, Audrey Tautou, Ramzy Bedia, Aurore Clément.

Entre film policier et chronique intimiste, un homme en souffrance après la disparition de sa femme, tente de vivre, porté par ses enfants.

Jalil Jespert est jeune acteur français qu’on avait aimé dans Ressources humaines (2001) de Laurent Cantet, Le Promeneur du Champs de Mars (2005) de Robert Guédigian ou Le Petit lieutenant (2005) de Xavier Beauvois. En 2007, il réalisait son premier long métrage, 24 mesures, où le scénario improvisait à  la façon d’une partition de jazz, délaissant la structure d’un récit. Avec Des Vents contraires, il prouve son envie de faire du cinéma tout en améliorant la mise en forme de ses intentions.vents2.jpg

Jalil Lespert s’est donc appuyé sur une histoire plus construite, un scénario plus cadré. Inspiré du roman éponyme d’Olivier Adam, le film est le portrait d’un homme en survie. Père de deux jeunes enfants, dont la femme a disparu brusquement après une dispute, Paul cherche une issue à  sa douleur, un moyen de ne pas sombrer. Le réalisateur pose sa caméra dans les lumières marines de la Bretagne et traite le sujet sans verser dans le drame, avec délicatesse et élégance.

Tout au long du récit, la tension reste palpable, comme dans un film policier. Face à  cet homme impulsif, parfois aussi mauvais joueur que ses enfants, maladroit et tendre, on se pose forcément la question de la culpabilité. Jouant avec les codes du genre et les ellipses énigmatiques, Jalil Lespert brouille les pistes en rendant Paul très sympathique : un homme qui aime autant ses enfants peut-il être mauvais ? C’est un autre homme en perdition qui posera à  Paul cette question essentielle, et l’aidera à  prendre ses responsabilités, en évoquant Dieu au passage. vents3.jpg

Les acteurs, Benoît Magimel, Isabelle Carré ou Antoine Duléry entrent parfaitement dans cet univers. Ancrés dans leur vie mais traversés de doutes, ils sont des héros ordinaires dans un quotidien où la violence et le drame existent. On apprécie que d’autres grands noms viennent les rejoindre, même brièvement, des personnalités aussi diverses qu’Audrey Tautou, Ramzy Bedia ou Aurore Clément. Le réalisateur utilise leur notoriété pour nous faire croire à  leur invincibilité. Et soigne tous ses personnages, même ceux qui ne font que croiser la vie de Paul. Ils sont là  pour donner du « grain à  moudre » comme le dit joliment Jalil Lespert.

Plus que la recherche d’un coupable ou d’une vérité, Des Vents contraires fait le portrait d’un homme d’aujourd’hui, un trentenaire qui aurait cultivé son penchant naturel pour la paresse et l’irresponsabilité s’il n’avait pas été confronté au drame. Et à  ses deux enfants qui, le tirant sans cesse vers un quotidien qu’il refuse, l’aide à  dépasser son enfermement et à  s’établir dans une nouvelle vie, plus lumineuse.

Magali Van Reeth

Signis

LE LABOUREUR DE BOHEME, au TNP

Le Laboureur de Bohème au TNP
Encore quelques jours,à  ne pas manquer!

Christian Schiaretti, directeur du TNP constitue un “répertoire, et c’est bien le rôle d’un Théâtre Populaire, surtout lorsqu’il propose des textes essentiels, universels par leur propos, ainsi récemment,” Le procès en séparation de l’âme et du corps” de Calderon , et actuellement une reprise du “Laboureur de Bohème”de Johannès Von Saaz, qui date de 1401, écrit alors qu’à  la fin du Moyen Age une épidémie de peste vient de décimer une partie de l’Europe, et qu’un laboureur qui pleure la mort de sa femme, Margharita, s’adresse à  la Mort :”Mort ,soyez maudite”, dans une révolte animée par la perte douloureuse de sa compagne.
Le genre littéraire est celui de la dispute littéraire,d ‘une”altercatio”.
En surplomb du Laboureur, la Mort qui argumente en réponse, et delà  un échange, d’abord violent, puis plus apaisé.
Mort, où est ta victoire ?
La mort est dans l’ordre du monde ,mais est-ce la justifier ?
Faut-il y voir en retour une hymne à  la vie?
Et Dieu dans tout çà , c’est à  lui qu’en finale, après avoir eu la même complainte que Job, que le laboureur adresse une magnifique prière de résignation, qui se termine par : Amen, après que l’Ange du Prince du Ciel soit intervenu pour dire :”Chaque homme doit donner sa vie à  la mort,son corps à  la terre ,et son âme à  nous”
Ce très beau texte parfaitement mis en théâtre par Schiaretti, dont la mise en scène prolonge un travail de plus de vingt ans (création à  Reims en 1990), et servi par de merveilleux acteurs : un Laboureur (Damien Gouy) qui par la posture est d’emblée dans son rôle, avec une diction qui sert parfaitement le texte sans emphase, et la Mort ,(Clément Moriniére) figure et voix, époustouflante de présence, n’osant écrire de vérité, de tous les temps, de celle de la Danse Macabre à  celle de sa représentation baroque en passant dans notre imaginaire par celle que le bucheron de La Fontaine interpelle, avant de la renvoyer.
A ne pas manquer, avant que vos pas vous reconduisent au TNP ,l a semaine prochaine pour des rencontres avec Alain Badiou.
Qui pourra dire que le TNP n’est pas un théâtre vivant?
L’Art à  ce niveau est un anti destin, tel le théâtre d’Art à  mission populaire.

Jusqu’au 15 mars et du 2 au 5 avril,

Et à  voir aussi absolument la reprise de “Qu’est-ce que le temps”,d’après Saint Augustin,
du 26 au 30 mars.

QU’EST-CE QUE LE TEMPS ?

IL est encore temps, au TNP nouveau, qui vous attend, de voir « Ruy Blas », et les « Bonnes », de Jean Genêt, et en hauteur, dans une salle dédiée à  Laurent Terzieff, de participer à  un bonheur d’une heure , inattendu, proposé ,par un jeune comédien : Stanistlas Roquette, sur une idée et la direction de Denis Guénoun, philosophe venu au théâtre, et auquel on doit déjà  entres autres ,une adaptation du « Banquet » de Platon, et une interrogation, sous forme d’essai : « Le théâtre est-il nécessaire ? » Les philosophes depuis Voltaire se sont souvent avec bonheur tournés vers l’expression dramatique, (Camus,Sartre, et plus récemment ,Alain Badiou ,en lien avec Christian Schiaretti). Les hommes de théâtre ont également été tentés par des textes philosophiques, sans adaptation, et on a par exemple le souvenir des textes de Pascal,(« Pensées et « Provinciales »),et aux Ateliers, à  Lyon des « Fragments d’un discours amoureux » de Roland Barthes. Le spectacle : »Qu’est-ce que le temps ? » est de ceux là , dans une très belle traduction des « Confessions », de Saint Augustin ,qui n’est pas une adaptation, de Fréderic Boyer ,sous le titre « Les Aveux » (éditions P.O.L). On avait déjà  entendu Gérard Depardieu, dans l’exercice, mais ici, pas d’autre souci que la mise en « scène » du passage le plus philosophique et donc le plus ardu , le Livre XI des Confessions, sans céder à  la tentation plus narrative des premiers Livres. Le thème est donc un questionnement : « Qu’est-ce que le temps ? » « Si personne ne me le demande, je sais. Si on me le demande, et que je veux l’expliquer, je ne sais plus. « La « fuite » du temps est justement en écho de l’impossibilité d’en saisir la nature : « Ce qui autorise à  penser que le temps est, c’est qu’il tend à  ne plus être.Tout est présent ,à  la fois éternel . »Le raisonnement bute justement sur le mystère de l’origine : il est impossible de concevoir la temporalité sans faire un pas vers l’en deçà  du temps qui ne peut être qu’un au-delà  et, il n’y a que l’incertitude de la croyance ou de la Foi qui y conduit, d’où l’angoisse existentielle, avec une double adresse ,matérialisée par l’espace : Dieu et le public. Le comédien est très efficace et parfaitement dirigé ,en traduisant cette double tension ,entre un raisonnement qui tourne à  l’absurde, façon Beckett ou Devos , et l’inquiétude . Froid dans la tête, chaud dans le cœur. Pas de décor, le texte tient lieu de dramaturgie ,jouant sur la prosodie ,le rythme, le ton entre dérision et pédagogie, qui amène à  voir les mots tandis que l’on entend les gestes, tantôt lents, tantôt précipités. Populaire , vous avez dit :populaire ,oui , populaire ,cette performance ,car il s’agit bien d’une performance, avec la double connotation anglo-saxonne. Qu’est donc le rôle du comédien que celui de passeur de texte ?

Hugues Rousset