Les mille et un jours des Cuevas

Surprenant de voir le fantastique se mettre au service de l’Histoire. L’auteur de ce roman, Juan Manuel Florensa, (chez Albin Michel
580 pages) lui-même fils de réfugiés républicains espagnols, raconte l’histoire d’un jeune homme possédant le don de revivre des événements historiques qui lui sont inconnus. C’est ainsi qu’il part à  la recherche de l’histoire de sa famille en grande partie décimée par le franquisme. Hébergé par son grand-père, il retrouve la douloureuse histoire des républicains espagnols, plus spécialement des anarchistes.

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La particularité de cette page de l’Histoire espagnole est qu’elle n’a pas encore été écrite. Une chape de silence a recouvert l’Espagne jusqu’en 1975. Pendant « nos » Trente glorieuses, on a continué en Espagne, à  torturer et à  emprisonner. Ensuite les Espagnols ont voulu rejoindre le reste de l’Europe plutôt que d’activer leur mémoire. Et tous ces non-dits accumulés de part et d’autre de la frontière continuent de faire des ravages.
Cette page d’histoire, on la découvre à  travers la vie des quatre générations de la famille Cuevas Un arrière-grand-père sauvagement massacré, son fils Antonio qui après s’être battu avec les Républicains a connu l’exil mais surtout le camp de concentration d’Argelès, : c’était en France et en 1939 Tristement prémonitoire On ne sait pas grand-chose de son fils soucieux d’intégration et de réussite sociale mais c’est le petit-fils, Régis, qui ouvre grandes les portes de la Mémoire

Bien que passionnant ce roman historique est destiné aux lecteurs persévérants car l’écriture de ce gros livre est difficile et parfois déroutante. Tantôt sobre et poétique, tantôt boursouflée en se voulant épique, parfois ordurière : bref déconcertante !
Marie-Paule Dimet

À consulter car riche en documents et photos, la page Facebook du livre

[->http://www.facebook.com/pages/Les-mille-et-un-jours-des-Cuevas-Roman-de-Juan-Manuel-Florensa/142456405813040]

La nuit de papillon d’or de Tariq Ali

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Tariq Ali, auteur anglo-pakistanais, né à  Lahore en 1943, éditeur à  Londres, nous entraine dans l’histoire et les soubresauts de son pays, désigné par « Terrepatrie ». Par le biais de ses personnages, de leur jeunesse dans les années 60 jusqu’au seuil de la vieillesse, se tissent les fils de cette nation, née en 1947 dans la violence de la partition avec l’Inde jusqu’à  la situation tourmentée que l’on sait.

Roman foisonnant, avec l’art du conte oriental, sorte de Mille et une nuits qui nous perd dans le dédale de destins croisés. »Papillon d’or » désigne la belle Jindié, aux ancêtres musulmans chinois, et son amour contrarié avec Dara, le narrateur. Ils faisaient partie d’un groupe d’étudiants que la vie sépara. Le peintre Platon, membre de ce groupe, demande à  Dara d’écrire sa vie, d’où l’enquête sur le devenir de ces amis, dispersés dans le monde. A la fin du récit, tous se retrouvent au pays natal pour découvrir le grand œuvre de Platon, qui a peint les 4 cancers du pays : l’Amérique, les mollahs, les militaires, la corruption. On a compris que la veine satirique anime le récit, avec un talent de polémiste qui n’épargne ni les plaies du pays ni celles d’un Occident imbu de sa supériorité ; on pense à  Salman Rushdie.

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Précisons que La nuit de papillon d’or termine le cycle romanesque du Quintet de l’Islam . La 1ère guerre du Golfe, en 1991, détermina chez l’écrivain le désir de faire connaître la civilisation musulmane, afin de battre en brèche la grossière propagande politique, «axe du bien contre axe du mal », qui commençait à  poindre. D’où L’ombre des grenadiers (l’Andalousie) , puis Un sultan à  Palerme, Le livre de Saladin, La femme de pierre (fin de l’empire ottoman), jusqu’à  La nuit de papillon d’or , le Pakistan d’aujourd’hui donc. Et peut-être à  venir : l’Afrique avec Tombouctou.
La nuit de papillon d’or : une lecture savoureuse qui nous introduit à  la culture pakistanaise, riche de son passé moghol et de sa tradition poétique, mais propulsée dans une actualité bouleversée dont les héros incarnent bien les douloureuses et parfois fécondes contradictions.

Geneviève Vidal

Roman (362 p) – Traduit de l’anglais par Dominique Goy-Blanquet

en savoir plus : [->http://www.swediteur.com/titre.php?id=114]

Le printemps des poètes

Mars est, on le sait, le mois de la poésie.
Belle occasion de lire et de découvrir les poètes d’aujourd’hui
Jean-Pierre Lemaire est un poète actuel à  lire absolument.

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Son dernier recueil, « Figure humaine » porte bien son nom : on découvre une poésie incarnée dans le temps présent, dans la vie réelle. Ici pas de métaphores abstraites et stériles Il y a des hommes, des femmes, des fleurs, le rythme des saisons La relation à  l’Autre est instaurée par le « tu » : on est dans le dialogueLe rythme est paisible, serein les mots cheminent et prennent leur temps. Dieu est présent, comme le silence, nécessaire à  l’avènement de la Poésie et à  l’avènement de Dieu. Ce sont les mots du poète qui introduisent le Verbe.

« La poésie dépose ses bateaux en papier sur le courant obscur.
Elle joue à  l’écart
Sans troubler l’attente
Du Verbe en nos vies.
»

peut-on lire à  l’entrée du recueil.

Ainsi est la poésie de Jean-Pierre Lemaire : profondément imprégnée de spiritualité sans être dans le religieux. En écho à  cette entrée en matière, un très beau texte sur le silence de Zacharie. Le poète s’interroge et le silence le rapproche de Bernadette, la petite bergère de Lourdes, venue du peuple des sans-parole.
Pour célébrer mars et la poésie, savourons le printemps de Jean-Pierre Lemaire.

Assis au pied des choses,
Tu reprends doucement ton ancien métier de musicien des rues : tu notes les gouttes capricieuses de mars tombant du toit sur les jacinthes,
les oiseaux revenus, la conversation des filles qui passent avec leurs secrets.
Toutes les voix se posent sur les balcons, les branches les fils parallèles qui traversent ton cœur.
Toutes sont accordées.
Tu cherches des yeux au sommet des arbres,
Entre les nuages,
L’ange silencieux qui t’a rapporté
La mesure et la clé.
»

Nous partagerons en ce mois de mars, ici même, d’autres textes de poésie.
Marie-Paule Dimet

Jean-Pierre Lemaire Poète et Prefesseur de lettres, Grand prix de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre
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Le désespoir n’existe pas

Le désespoir n’existe pas de Zéno BIANU, aux éditions Gallimard (216p)

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Comment un poète parle-t-il du désespoir ? Le conjure-t-il par la force du verbe ?
Zéno Bianu (né en 1950 à  Paris, de père roumain et de mère française), auteur d’ une œuvre multiforme (théâtre, poésie, essais) .
Portée par l’inspiration, le souffle et le rythme, l’écriture nous emporte dans de somptueuses images ; généreuse, elle nous associe à  son alchimie (transformer la boue du désespoir en or de la force de vie).
Nous parcourons le livre en 10 parties : Rituel d’amplification, Premières étoiles, Entrée des adeptes bouleversés, Le monde est un arbre, Poème des degrés (Kaddish pour Paul Celan), Trois exorcismes, Exercice d’aimantation, Le geste juste, Gardiens du fleuve, Un sourire sous la cendre.
Voisinage des poètes (Antonin Artaud, Emily Dickinson, Aimé Césaire), des peintres (Yves Klein, Matta) , du jazz (Chet Baker, John Coltrane).
Au carrefour de sources multiples ( surréalisme, lyrisme) Zéno Bianu pratique l’écriture comme un rituel de dépassement :
un miracle inouï / sous le soleil de la conscience (p.11)
dont l’image de l’Arbre dit la croissance vers la lumière :
frères arbres / attentifs à  la descente du bleu (p.87)
Embrasser le vaste monde, ne pas se dérober à  sa nuit, consentir à  la dépossession :
La parole ne t’appartient pas/blessure/blessure/d’un dieu en exil (p.99)
Célébrer l’amour, chanter les mille formes de la femme-déesse indienne :
tu avances dans les rues / comme si tu tournais
/autour des limites du monde (p.149)

A lire comme une danse, un vertige, une ivresse, une vision Peut s’ouvrir au hasard, se savourer par poème, fragment, partie.
Et peut-être se laisser guider par la maxime :
Permute à  l’infini / Vibre dans l’impalpable (p. 269)

Geneviève Vidal

Opium Poppy : l’Afganistan à  nouveau…

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Opium Poppy de Hubert HADDAD éd. Zulma 2011 (Roman, 171 p.)

L‘Afghanistan à  nouveau Après Yasmina Khadra, Khaled Hosseini, Atiq Rahimi et James Meek, nous arrive ce récit beau comme un poème, déchirant comme un attentat, de la plume de Hubert Haddad (né en Tunisie en 1947), autant romancier que poète (son roman précédent Palestine, 2008, Prix Renaudot Poche, Prix des 5 continents de la francophonie).
Un jeune garçon, Alam, issu d’une famille de bergers des montagnes, est emporté par le maelstrom de la guerre. Une inconcevable succession de drames l’emporte, -épisode particulièrement frappant de son enrôlement dans la bande d’un chef taliban, avec son dénouement tragique-. Le voici enfant vagabond, livré à  la jungle de la survie. Puis c’est l’arrivée à  Paris après un transit clandestin à  travers l’Asie mineure.
De centres d’accueil en squats, Alam se met sous la protection d’un petit caïd kosovar. Trafic de drogues et d’armes, et la jeune Poppy, droguée au dernier degré.

Un livre qui parle du cœur de la souffrance d’un innocent ; récit d’armes, de sang, d’exil, d’amour (pour Madadai à  Kaboul, puis Poppy ) conduit par une écriture somptueuse, qui magnifie l’enfant sans céder au pathos. Une apocalypse traversée de splendeur.


A mettre entre toutes les mains.

Geneviève Vidal

« Hubert Haddad prend à  bras-le-corps le réel de son temps dans ce qu’il a de pire, de plus barbare, et en tire un grand livre. De ceux qui font réfléchir et, peut-être, rendent meilleurs leurs lecteurs. Il est évident que l’on n’oubliera jamais le héros d’Opium Poppy

. »
Jean-Claude Perrier, Livres Hebdo

Marie Ange SEBASTI signe son livre Haute Plage à  l’Etourdi de Saint Paul

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Jeudi 2 février à de 17 h à  20 heures, la Librairie « l’étourdi de Saint Paul » et Jacques André, éditeur, propose la signature du livre de poésies : « Haute Plage » de Marie Ange SEBASTI

« Ils nous ont engrangés dans l’aurore
donné des ailes
pour traverser les jours

Ils nous ont indiqué l’espace des sittelles
et des aigles royaux

Notre héritage n’est pas forteresse »

[->http://etourdidesaintpaul.webatu.com/wordpress/]

Les Bienveillantes

Bientôt va débuter la saison des prix littéraire et son grand cirque médiatique. Qui se souvient des œuvres couronnées dans le passé, voire il y a quelques années ? C’est pourtant intéressant de les lire avec un peu de recul quand les projecteurs se sont éteints.
Ainsi peut-on lire « Les Bienveillantes « de Jonathan Littell qui avait reçu deux prix en 2006 : le Goncourt et le Grand Prix de l’Académie française.

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