Après l’océan

d’Eliane de Latour

France/Côte d’Ivoire/Royaume-Uni, 1h48, 2008.

Sortie en France le 8 juillet 2009.

avec Fraser James, Djédjé Apali, Sara Martins, Lucien Jean-Baptiste, Marie-Josée Croze, Tella Kpomahou, Malik Zidi, Kad Merad.

Un film différent sur l’immigration qui met de côté l’émotion pour vraiment donner le point de vue de ceux qui viennent d’ailleurs, en l’occurrence des Ivoiriens cherchant fortune en Europe.

ocean3.jpgCes dernières années, de nombreux films ont attirés l’attention du public sur les problèmes liés à  l’immigration. La plupart d’entre eux ont su toucher les spectateurs par leurs qualités artistiques et humaines. On pense notamment à  Welcome de Thierry Lioret ou It’s a free World de Ken Loach. Bien qu’ils aient le souci de donner le point de vue de celui qui arrive en Occident, ce sont malgré tout des films d’artistes européens. Si la réalisatrice française Eliane de Latour l’est aussi, son film donne pourtant l’impression d’être beaucoup plus « vu » du côté des migrants, en l’occurrence des Africains.

Cela tient sans doute à  la formation d’Eliane de Latour, anthropologue et directrice de recherche au CNRS qui a travaillé en Afrique occidentale avant de réaliser ses premiers documentaires. Elle sait ce qui relève de la mentalité européenne et ce qui fait l’essence du comportement africain. Elle a pleinement conscience du décalage qui existe entre le mythe européen qui se construit dans les différents pays d’Afrique et la cruelle réalité politique et économique de l’immigration. Elle connaît aussi les clichés des Européens en ce qui concerne l’Afrique et l’inconscience de la pléthore d’organismes humanitaires qui y vivent.

Les deux héros d’Après l’océan sont deux jeunes gens d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Deux êtres sans cesse en mouvement. A travers les différents pays d’Europe où ils retrouvent d’autres compatriotes, d’autres galères, entre les deux continents au gré des expulsions et des retours volontaires. De petits boulots en grosses combines, ils arpentent les trottoirs, courent pour échapper à  un contrôle, à  un règlement de compte. Rebondissent au gré des rencontres, des logements, des transports. Leurs gestuelles est souple, vive, mobile. Leur langue aussi est en mouvement, en déplacement. Passant spontanément du Français à  l’Anglais, avec des bribes d’Arabe et de dialecte, ils enchantent la grammaire, inventent de nouveaux mots et des expressions percutantes qui décrivent leurs vies et leurs espérances.

Deux êtres différents ancrés dans l’Afrique contemporaine. Shad se voit comme un guerrier, héritier des légendes ancestrales, chasseur de trésor qui reviendra de sa quête auréolé de gloire pour assurer les vieux jours de ses parents et un mariage magnifique. Pour lui, seule compte la gloire, et sa quête. Chasseur, il est dans un combat où il y a peu de morale mais des trophées à  rapporter. Otho est plus lucide et voit les perversions des deux systèmes. Il ne veut pas juste s’enrichir mais construire aussi un nouveau monde. Il voit plus loin, il connait les conséquences de ses actes et, malgré son impuissance, il voudrait changer les choses durablement, donner une vraie politique à  la Côte d’Ivoire.ocean2.jpg

Après l’océan tranche par cette vision « de l’intérieur » qui n’est pas due qu’aux acteurs noirs ou aux musiques africaines. C’est aussi un très beau film où la lucidité n’empêche pas l’optimisme, avec des acteurs remarquables, notamment ceux qui interprètent Otho et Shad, Fraser James et Djédjé Apali.

Magali Van Reeth

Signis

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