Le Temps qu’il reste

d’Elia Suleiman

France/Belgique, 1h45, 2009.
Sélection officielle Festival de Cannes 2009, en compétition.

Sortie en France le 12 août 2009.

avec Saleh Bakri, Yasmine Haj, Elia Suleiman.

Avec grâce et talent, le récit apaisé, plein de poésie et d’humour, d’une vie déroulée dans un des conflits les plus violents de l’Histoire contemporaine.

temps2.jpgIl est rare de voir un film aussi bien fait où tout est juste, équilibré, léger et innovant. Il mêle avec audace la joie et la tristesse, l’intimité familiale et le sens de l’Histoire. Chaque personnage est à  la fois ancré dans une réalité indéniable, tout en étant l’essence même du personnage de fiction où chaque spectateur peut se reconnaître. Chaque scène est structurée comme un tableau, une « nature morte » où la vie jaillit pourtant avec une force incroyable, débordant souvent jusque dans l’arrière plan où d’autres vies, d’autres drames se déroulent. Dans un style graphique épuré, la beauté et l’émotion font vibrer chaque plan. Le récit est structuré de façon linéaire, avec quelques incursions du côté du rêve. Sans revendication apparente, il dénonce pourtant l’absurdité des conflits contemporains. Enfin, sans aucune agressivité et même avec un certain apaisement, Le Temps qu’il reste plonge au cœur d’un des lieux les plus violents de notre monde contemporain.

Le réalisateur Elia Suleiman est originaire de Nazareth, une ville chrétienne et arabe de l’état d’Israël. Dans son précédent film, Intervention divine (2002), il donnait une vision surprenante du quotidien des Palestiniens en Israël. Dans Le Temps qu’il reste, il parle de ses parents, de son enfance et de ses interrogations face à  ces êtres chers qui nous ont façonné et qui disparaissent inéluctablement, comme le présent se dissout dans l’avenir. Pas de nostalgie, une évocation légère, pleine d’humour et de tendresse où la grande Histoire fait du tapage à  la télévision sans pouvoir sortir de son cadre. On pense à  Proust, à  Jacques Tati, on pense à  sa propre histoire.temps3.jpg

C’est un film calme, sans verbiage. Il ne donne pas de leçon. Il montre la vie dans ce qu’elle a de plus essentiel, de plus fulgurant, d’unique. Le burlesque est un raffinement qui permet de montrer la violence. La poésie est un personnage imprécis, aux contours indéfinissables, qui déborde du cadre et nous imprègne durablement. Elia Suleiman : « La dimension semi-autobiographique de mes films trouve son inspiration dans l’observation directe du réel. Je porte toujours sur moi un carnet que je remplis d’une multitude de notes sur les choses simples de la vie quotidienne, comme le souffle du vent sur un arbre. Cette accumulation de notes crée un terreau d’images et de sons où mon film pourra prendre racine. »

Un grand film, à  ne pas manquer.

Magali Van Reeth

Signis

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