Le Nom des gens

de Michel Leclerc

France, 1h44, 2009.

Semaine de la critique, Festival de Cannes 2010

Sortie en France le 24 novembre 2010.

avec : Sara Forestier, Jacques Gamblin

Dans le chahut du débat politique sur l’identité française, une histoire d’amour entre deux personnages que tout oppose. Des sujets graves, abordés avec un humour décapant et sans méchanceté.

Les bonnes comédies, celles qui font rire sans méchanceté et permettent au spectateur d’être plus intelligent, sont toujours un joyau, et donc forcément rares. Le Nom des gens est un petit bijou qui allie à  la finesse de ses dialogues une forte dimension politique.

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Tout commence par une rencontre entre Bahia Benmahmoud et Arthur Martin. Tout ce que ces deux noms peuvent évoquer, toutes les réflexions qu’ils provoquent, on les aura mais aura surtout ce qu’ils cachent de complexité, de nuances, d’exception, d’histoires personnelles et uniques. Selon l’Institut national d’études démographiques, 23% de la population française a un parent ou grand-parent immigré, 33% un arrière-grand-parent. Ce qui laisse présager un savoureux foisonnement humain, foisonnement délirant qui est au cœur de la construction de ce film.

Dans Le Nom des gens, pas de tabou. On aborde frontalement, mais avec fantaisie et humour, les problèmes d’intégration, d’appartenance politique, de militantisme, de racisme, les secrets de famille, les conséquences de la deuxième guerre mondiale et de la guerre d’Algérie, le principe de précaution et le coup de foudre. Pour Michel Leclerc, le réalisateur : « Dans ce film, on est avec les personnages, il n’y a pas de cynisme, pas de méchanceté, je ne rabaisse pas ceux dont on se moque. »

Ce qui permet d’aller très loin et le film est construit sur le fil du rasoir, grâce à  un montage très dynamique, une mise en scène judicieuse et deux acteurs qui se donnent à  fond. Jacques Gamblin – rigueur, retenue, raison – le jospiniste parfait dont la vie est soudain chamboulée par l’arrivée tonitruante d’une Sara Forestier tout en exubérance et provocation, pour qui la relation sexuelle est la meilleure arme de dissuasion politique Elle envahit le film avec ses colères, ses grands yeux transparents et une nudité pure, jamais vulgaire.

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Les seconds rôles ont une véritable existence dans ce film où rien n’est simplifié, le moteur narratif du Nom des gens s’appuyant sur la réelle complexité de la vie. On rencontre une famille éprise de nouveautés technologiques, une post soixante huitarde en sabots de bois, un barbu aux femmes voilées, un spécialiste de la grippe aviaire, un peintre refoulé, une mère silencieuse sur ses souffrances passées et bien évidemment Jospin lui-même, archétype de ces innovations technologiques qui n’ont pas su trouver leur public, trop bien pour ses électeurs, symbole de notre inconsistance d’électeurs et de consommateurs : « Il est de meilleur qualité que les autres mais il n’emporte jamais le marché ».

Michel Leclerc insiste, le film est une chronique romanesque, une histoire d’amour où les protagonistes doivent accorder leurs différences. Mais parce que les obsessions et névroses d’une époque ont leurs origines ailleurs, Le Nom des gens parle de notre identité, de nos identités sans les simplifier à  tout prix.

Complexe, drôle et tout à  fait détonant dans le paysage audiovisuel contemporain, ce film réjouissant et intelligent nous permet de croire qu’une autre façon de vivre ensemble est possible.

Magali Van Reeth

Signis

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