L’Exercice de l’état

de Pierre Schoeller

France, 1h52, 2011.

Festival de Cannes 2011, sélection Un Certain Regard, prix Fipresci.

Sortie en France le 26 octobre 2011.

avec Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou Breitman, Laurent Stocker, Sylvain Deblé.

Un film d’action, prenant et fin, sur la vie quotidienne dans un ministère de la République française, avec d’excellents acteurs, Olivier Gourmet et Michel Blanc.

Après une scène d’ouverture, inspirée d’un ballet de Pina Bausch et qui désarçonne le spectateur, le film est mené pendant près de deux heures sur un rythme haletant. La vie d’un ministre de l’état français et de ses proches collaborateurs est une course contre le temps, l’actualité, les électeurs et les adversaires de tous bords. En déplacement, (voiture ou hélicoptère), le téléphone portable toujours allumé et en activité, le ministre, pour être sûr de ne rien rater, d’occuper au maximum l’espace médiatique et d’assurer son avenir politique, vit à  un rythme chaotique.L_exercice_de_l_etat-photo5.jpg

L’Exercice de l’état est un film d’action sur le quotidien étourdissant d’un homme puissant. Les boiseries dorées et les meubles élégants de son bureau, le garde du corps toujours à  ses côtés et sur le qui-vive, la chargée de communication qui juge ses moindres mots, son conseiller en costume trois-pièces et l’avidité des médias, participent à  la mise en scène républicaine qui conforte le ministre dans l’importance de son rôle. Un ministre est un homme de pouvoir mais a-t-il la puissance d’agir ?

Au cœur du film, un couple formé par le ministre des transports et son directeur de cabinet. Le ministre vit à  100 à  l’heure, inquiet de déplaire, cherchant la petite phrase qui lui donnera l’attention des médias, et la grande réforme qui lui assurera une place parmi ceux qui comptent. C’est un homme qui sait plaire, émouvoir, qui réagit avec son corps, ses impulsions et ses désirs. L’acteur Olivier Gourmet lui donne un corps massif, rassurant et frémissant. Parfaitement à  l’aise dans les ors de la République et les chaussures à  2000 euros. Les luttes politiques sont impitoyables, il essaye de rester honnête avec ses convictions, pleure face à  la mort.L_exercice_de_l_etat-photo7.jpg

Avec lui, son principal conseiller, le directeur de cabinet, est un énarque moulé au service de l’état. Un homme rigoureux, intellectuellement brillant, capable de lire et de digérer les dossiers techniques les plus ingrats en une nuit. Il est en retrait, indispensable. Dans leur relation, le passage constant du vouvoiement au tutoiement, si caractéristique de la langue française, est chargé de sens et de subtilité : une des réussites de la mise en scène où les dialogues sont ciselés. Michel Blanc donne à  ce personnage du directeur de cabinet une présence remarquable, entre finesse, élégance et discrétion.

Pierre Schoeller nous donne un grand film, tout en intelligence. S’il dissèque l’exercice du pouvoir avec un œil impitoyable, il n’enferme jamais ses personnages dans un rôle caricatural. La complexité de l’exercice de la charge politique est exposée avec une attention rigoureuse, qui s’attache aussi bien aux détails qu’aux réactions physiques. Pour le réalisateur, le défi était de « se coltiner la réalité de la pratique du pouvoir et de la confrontation émotionnelle. C’est tout un spectacle de construire sa propre morale« . Traité comme un film d’action, le scénario s’arrête et repart, avec des rebondissements saisissants, comme la vie politique !L_exercice_de_l_Etat-photo1.jpg

Dans son précédent film, Versailles (2008), Pierre Schoeller abordait avec brio et grâce la question des exclus dans notre société. Après les bas-fonds du Congrès, il passe au perron de l’Elysée. Pour lui, ces films sont complémentaires et pourraient mener vers un troisième volet traitant de la Révolution française : « Mes films s’éclairent les uns les autres, c’est un état des lieux de la France. Après mon premier téléfilm, Zéro défaut (pour Arte), j’ai compris qu’il était passionnant de s’attaquer à  une institution, de radicaliser un point de vue. » Quel bonheur de voir un cinéaste aussi brillant dans la réalisation qu’exigeant dans le choix de ses sujets !

Magali Van Reeth

Signis

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