L’année de Rhéto D’Antoine Compagnon

A lire absolument ou à  offrir pour les fêtes,
« L’année de rhéto

» d’Antoine Compagnon.

Il s’agit d’ un récit autobiographique mais très romancé. Le narrateur fait émerger de sa mémoire une année de son adolescence qui a bouleversé sa vie. On est en 1965 : il a quinze ans, sa mère vient de mourir, et il doit quitter les Etats-Unis avec ses frères et soeurs pour rejoindre la France où il sera interne dans une école militaire. Il entre en classe de première mais on dit encore, dans cet établissement militaire d’un autre âge, classe de rhétorique.

Le choc est très fort pour le jeune orphelin : il vient d’une « école très libérale. Sans mur d’enceinte, cernée de pelouses et de terrains de sport, riche d’une bibliothèque lumineuse… » et se retrouve dans une école archaïque, interne, dormant dans un dortoir avec des lits de fer qu’il faut défaire chaque

matin et refaire tous les soirs. L’hygiène est douteuse, les uniformes usés, et la discipline… militaire. Le narrateur est vite repéré comme élève brillant mais indocile : il lit L’Express, très mal vu dans l’armée. L’ambiance de l’école d’emblée intéresse. 1965 : une année cruciale pour l’armée française qui doit à  la fois perdre ses effectifs et se transformer. Un général assez caricatural vient l’expliquer à  l’occasion de l’inauguration d’une piscine : on n’est plus au temps des baroudeurs mais au temps des techniciens. Ce sont précisément les anciens baroudeurs qui encadrent les élèves : des sous-officiers aigris, ayant mal vécu la fin des guerres coloniales. Ils se sentent au rebut : on peut trouver mieux pour éduquer des adolescents encore très idéalistes. Les élèves eux-mêmes deviennent désabusés car ils savent qu’ils ne marcheront pas sur les traces de leurs pères, pour la plupart militaires.

Le récit de souvenirs se focalise en cours de route sur une très belle histoire humaine. Le narrateur est confronté à  deux camarades complètement opposés. D’un côté un bizut comme lui, incorporé en rhéto, fils de colonel. Par son père il est programmé pour entrer à  Polytechnique : c’est le premier de classe, bosseur acharné, docile voire « fayot ». L’autre camarade, le Grand Crep’s est au contraire une tête brûlée, un rebelle, un chef de bande. C’est à  lui que se liera le narrateur, lui-même garçon sensible et réfléchi. Une amitié passionnée se noue entre eux…

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L’art de l’auteur est de faire intervenir avec une étonnante habileté des retours en arrière comme des anticipations sur le futur : il ne s’agit pas d’un récit linéaire sur une année scolaire mais d’une page de vie de personnages passionnants. Et ceux qui ont été adolescents dans ces années -là  retrouveront avec le plus grand bonheur toute la vie de cette époque.
Marie-Paule Dimet

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