Chroniques cinéma – « Birdman »

de Alejandro Inarritu

avec Michael Keaton, Edward Norton, Emma Stone
( Américain 1h59 2015).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Birdman du mexicain Alejandro Inarritu n’a pas volé les oscars qu’il a reçus il y a un mois. Une mise en abîme réussie sur le monde du théâtre, du cinéma, leurs artifices, le jeu de la vérité des personnages ou des comédiens.

Il y a vingt ans, Riggan Thomson a incarné un super-héros dans un film à  Hollywood : Birdman, une sorte de BatmanMais aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose de cette célébrité : aussi est-il venu à  New-York, rechercher sur une scène de Broadway un retour sinon vers la gloire du moins vers un certain succès. Mais dépité par un comédien de la pièce qu’il juge médiocre, il se débrouille pour l’éliminer. L’infortuné est remplacé au pied levé par un « jeune premier » qui bientôt engage une bataille d’égo avec Thomson. Une course contre la montre s’engage à  quelques jours de la première. La pièce pourra-t-elle se jouer quand même ?

Birdman n’est pas seulement un film sur une pièce de théâtre en train de se faire. Inarritu amplifie le propos en interrogeant le rapport entre le personnage et l’acteur, la réalité de l’un et de l’autre. Comment survivre alors que le personnage qui vous a rendu célèbre n’est plus ?

Tout au long du film, une voix d’outre-tombe, celle de Birdman viendra résonner aux oreilles de Thomson pour qu’il reprenne ce rôle fameux qu’il a tenu par le passé. Mais le comédien tient à  cette pièce qu’il a l’intention de mener jusqu’au bout, affrontant avec bravache ses fantômes : des rêves de beaux rôles envolés, une fille dont il s’est si peu occupée, une compagne mal aimée

C’est bien plus qu’une pièce de théâtre qu’il va jouer : c’est sa propre vie, dans un jeu de la vérité entre lui et le personnage qu’il interprétait jadis. Où est-il le plus vrai ? Sur scène ou dans la vie ?

Il n’y aura pas de gagnant le soir de la première.. Ni Hollywood avec ses blockbusters, ni Broadway avec des comédiens et des pièces poussives ne savent plus rendre ce qu’est en vérité la vie, l’amour, la mort poussant les acteurs à  « surjouer », à  déserter leur rôle

Inarritu fait de son Birdman une vertigineuse mise en abîme du monde du théâtre et de la vie avec des plans séquences sublimes à  l’intérieur du théâtre : on « est » Thomson en proie à  ses colères, ses doutes. On partage le plaisir des seconds rôles indispensables au succès de la vedette. Grâce à  des travellings fluides et inspirés, on court d’une loge au plateau de scène, du hall aux ateliers de couture, déambulant tout au long des couloirs, des coursives, en haut des cintres

Mickael Keaton est magnifique en comédien hilarant, fragile, déjanté. Lui-même a vécu une traversée du désert et avait joué dans le Batman de Tim Burton. Etonnante coïncidence entre fiction et réalité

Birdman a remporté cinq oscars au mois de février dernier dont celui du meilleur réalisateur pour Alejandro Inarritu et celui du meilleur film. Récompenses amplement méritées.

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