Chroniques Cinéma – « Victoria »

de Sébastian Schipper

avec Laia Costa et Frédérick Lau

Film allemand 2015. 2h14.

Six récompenses aux « César » allemands parmi lesquelles meilleur film, meilleure actrice, meilleure musique etc.. Victoria est un « ovni » cinématographique tourné en temps réel. Une plongée au cœur de la jeunesse berlinoise entre défonce et désespoir

Chroniques Cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Victoria est déjà  un film culte en Allemagne et vient de rafler six récompenses aux Lola, les équivalents des César allemands. Il raconte en temps réel, entre 5 et 7 heures du matin, au cours d’un long plan séquence, deux heures de la vie de Victoria, jeune espagnole partie à  Berlin dans le cadre du programme Erasmus. Les dix premières minutes du film l’accompagnent dans une boîte de nuit au sous-sol d’un immeuble : graffitis, music techno plein pot, bière qui coule à  flots. Victoria en remontant à  la surface est accostée par Sonne et sa bande de copains eux aussi pas mal bourrés…. De discussions en délires, de provocations en déconnes, les cinq amis se retrouvent embarqués par l’un d’entre eux à  braquer une banque. Le braquage est réussi mais l’équipée sauvage se finit mal. La police abat deux d’entre eux. Victoria essaiera en vain de sauver Sonne blessé. Il décèdera dans une chambre d’hôtel. Alors, restée seule, Victoria choisira une bien étrange fin de l’histoire, embarquant le butin.

On ne peut échapper à  ce film tant par la façon qu’a Sébastian Schipper de nous embarquer dans cette folle équipée, caméra à  l’épaule, que par la spirale folle dans laquelle ces jeunes gens sont pris et nous avec.. C’est un film brut, authentique, tourné dans un Berlin minéral, froid, juste éclairé par les néons des rues. Les comédiens ne jouent pas, ils « crient » leur détresse, leur envie de vivre une autre vie en dehors des règles établies.. Beaucoup de dialogues ont été improvisés.

Le désespoir réunit ces jeunes désœuvrés, déjà  condamnés pour des bêtises et cette jeune espagnole sans doute venue là  pour fuir la misère de son pays. Ils ne manquent pas de conscience, mais l’engrenage les broie déjà .

Le film vous laisse groggy devant tant de gâchis, d’appels à  vivre autre chose, oui mais quoi ? Alors l’alcool, la drogue donnent l’impression de « vivre », de ressentir des émotions à  défaut de les vivre pour d’autres choses que des cassesLa jeune Laia Costa est bouleversante, étonnante de détermination et d’ingénuité. Elle crève l’écran.

Victoria pourra rebuter par sa violence et son parti-pris très réaliste mais c’est un pari cinématographique et sociétal réussi, à  voir de toute urgence si on aime le cinéma.

Pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés