J.-B. Del Amo, Le fils de l’homme (roman)

Jean Baptiste Del Amo, Le fils de l’homme, Gallimard, Paris 2021

La tension monte, inexorablement, de page en page et jusqu’à la dernière ligne. Comment un fils d’homme est pris dans la violence des pères avant lui. Encore enfant, aura-t-il la force d’y échapper ? Est-ce seulement possible…

Un père revient après une longue absence. Il embarque le fils et la mère dans une planque où il a prévu de vivre, aux Roches. Se planquer de qui ? de quoi ? On ne peut se cacher à soi-même ni contraindre les autres à suivre la folie douce d’une espérance, celle d’en sortir par un « simple » déménagement ; la folie devient furieuse, mortelle, criminelle.

Les descriptions de la forêt et de la montagne sont aussi terrifiantes que la narration implacable et double du roman. Alternent en effet la survie en montagne que le père s’efforce de vouloir vie, et la maison ouvrière que la mère et le fils ont dû quitter lorsqu’il est venu les enlever.

Le titre ne peut pas ne pas faire référence à celui que les Evangiles nomment le fils de l’homme. Il y a une femme avec un enfant dont on ne connaît pas le père. Le personnage du père pourrait sembler se prendre pour Joseph ; mais n’est pas « un homme juste » qui veut ! Ce n’est pas une affaire de faute, ou alors elle remonte bien loin, comme un héritage plurigénérationnel. Le fils de l’homme écrit l’envers de l’évangile, un récit, non de salut, mais de perte, jusqu’à la mort, aux antipodes d’une bonne nouvelle. « Le père et la mère de l’enfant », trois personnages donc, avec le passage, comme un ange, de celui qui pourrait être à l’origine de la grossesse. La montée de Jésus vers Jérusalem et le Golgotha est écrite d’avance dans le drame évangélique, avec une économie de moyens, notamment psychologiques. Pareillement dans le roman de Del Amo ; pas de psychologie dans la montée dramatique, sur la montagne des Roches. S’il y a une échappatoire, une fenêtre vers le salut, ce pourrait être la culture, depuis la préhistoire de l’humanité et les peintures pariétales qui ouvre et referme le texte, jusqu’à l’écriture de la fiction romanesque.

Le Toucher du monde (expo)

Musée Paul-Dini, Villefranche s./ Saône

18 mars – 17 septembre

Jean Charles Eustache, Pièce (2015)

Une œuvre d’art nous « touche », et, normalement, on ne la touche pas. Noli me tangere, dit Jésus à Madeleine. L’épiphanie du monde comme celle du corps du Ressuscité ne sont pas à retenir. Ce sont elles qui nous rencontrent. Fenêtres ouvertes sur le monde, les toiles parfois nous happent, pour peu du moins que l’on s’y livre, s’y abandonne.

Le musée de Villefranche propose une exposition de tableaux contemporains faisant dialoguer des productions d’une trentaine d’artistes Le dialogue est d’autant plus au cœur de l’exposition que celle-ci met en relation la collection du musée caladois et celle du Fond d’art contemporain d’Auvergne.

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Pajtim Statovci, Bolla (roman)

Coup de poing dans le ventre, impossibilité de respirer, comme cela est plusieurs fois raconté dans le roman, Bolla raconte l’ordinaire des jours et du mal. Ce mal, c’est la guerre, et l’on n’y peut peut-être pas grand-chose. Ce mal, c’est ce que nous faisons de nos vies. Pas sûr que nous ayons plus d’emprise.

A la fin du premier tiers du roman, la question du bonheur. « Tu es heureux, demande-t-il ensuite. » Les toutes dernières lignes pourraient apporter la réponse, ou plutôt faire entendre un écho : « et, la nuit venue, se faufiler dans sa caverne où cela va se coucher après son harassante journée ‑ un jour heureux, cela suffit ; / car la terre où cela fait alors sa demeure, vois-tu, c’est la terre des rois »

Tout, ou presque y passe : la violence sexuelle contre les mineurs, la violence conjugale, l’obligation « naturelle » de se marier et d’avoir des enfants, les désirs qui nous maîtrisent plus qu’on ne les soumet, l’exil, la prison, la migration, etc. On ne pourrait donner cadre beaucoup plus réaliste à la fiction !

Est-ce cathartique ? Sans doute puisqu’il s’agit d’une vieille légende. Et avec elle, la légende inaugurale : un serpent, le mal, un désir, un dieu qui semble bricoler. Le souffle coupé, peut-être, peut-on apprendre à respirer. On sait au moins que l’air est précieux.

Les argonautes, Saint-Germain-en Laye 2023

Caroline Dorka-Fenech, Tempêtes et brouillards (roman)

Un père et ses enfants. Sa fille, surtout. Il refait sa vie et laisse les siens. Il les abandonne cependant sans cesser de revendiquer qu’elle continue de s’intéresser à lui. Même dans sa nouvelle vie, il a besoin de recueillir elle l’admiration auquel il exige avoir droit.

Qui a mérité qu’on l’aime, y compris quand il a été abject ? A moins que l’on ne soit jamais autant abject que lorsque l’on ne comprend pas que l’on ne mérite rien, que la vie n’est pas une question de rétribution, de mérite. Soit l’on échange gracieusement, soit l’on fait des liens familiaux ou amicaux un esclavage.

Le père ne peut exiger que de celle qui entre dans son jeu. La fille aussi entretient la relation aliénante L’amant, lui, s’en protège ; il accompagne, soutient, se décourage parfois. Un amour qui guérit ou du moins apaise, assumant ses failles, reconnaissant ses fragilités. Il ne peut pas tout. Il n’est pas le thérapeute ; il se garde d’entrer dans une relation du devoir.

Une réflexion sur le mérite ne pouvait que poser aussi la question de la religion, du sens d’une conversion, du mensonge mais aussi de ce qui, à travers les traditions, tente de se dire d’humanité.

Exister, c’est toujours exister pour l’autre, devant l’autre. Comment dès lors apprendre la liberté d’être soi, différent, séparé ? Tâche plus ardue encore lorsque l’autre, père, mère, époux, etc. se pense soleil autour duquel tout doit tourner. Il, elle s’est tellement dévoué, a tout sacrifié. On lui doit bien cela. Et si aujourd’hui, il ou elle s’autorise un pas de côté, ne l’a-t-il pas mérité ? Le père, ce héros, cela n’existe pas, ou alors c’est un mythe, un maléfice.

Fable de l’anti-grâce, de l’anti-gratuité destructrice.

La Peur

Pièce de théâtre « La peur » de François Hien
lundi 27/03/23 à 19h30
La représentation est gratuite, mais réservation obligatoire : www.helloasso.com/asso…..-peur
La représentation commencera à 20h, avec un accueil à partir de 19h30 (possible de boire un verre).

Présentation de la pièce :
« Parce qu’on a découvert sa liaison amoureuse, le père Guérin a perdu sa paroisse. Devenu le confesseur des hommes d’Eglise, il prévient la justice de la pédocriminalité du père Grésieux qu’il a apprise en confession. Il pourrait dénoncer également l’évêque qui savait mais qui a gardé le secret ; ce dernier le convainc de n’en rien faire. Pour prix de son silence, le père Guérin retrouve une paroisse. Mais un jeune homme, victime autrefois du père Grésieux, lui rend visite pour obtenir son témoignage. S’engage alors un dialogue qui bousculera profondément les deux hommes. »

Hommage à Henri DUMAS

Henri Dumas, prêtre du diocèse de Lyon, est décédé en 2021. Depuis, il n’y avait pas eu d’hommage ou remerciement à celui qui a composé de nombreux chants liturgiques, en particulier monastiques, a harmonisé de nombreuses partitions pour que les chœurs liturgiques ou les chorales puissent s’emparer du répertoire tant chrétien que profane. L’activité de chef de chœur exigea d’Henri Dumas qu’il arrange pour trois voix égales ou quatre voix mixtes des titres de variété où il savait repérer la justesse tant des textes que des mélodies.

Le programme était plus que riche, donnant à entendre, en plus du répertoire déjà évoqué, des compositions superbes de musique sérieuse comme disent les Allemands. C’est là sans doute la part la plus originale de la production d’Henri Dumas. Délicate, discrète, secrète comme sa manière de vivre. Musique dite contemporaine, rarement éloignée du jazz, mais qui a bien des occasions rivalise avec celle des plus grands, Ohana et Ligeti par exemple.

On annonça qu’il n’y aurait point de discours. La musique a parlé, comme dans cette chanson de Bécaud qu’aimait particulièrement Henri Dumas. Plus que l’audace d’un prêtre qui fait chanter à une chorale « ton paradis j’m’en fous ; mon paradis, c’est elle, c’est tout », les paroles du début « Charlie, tu fais honte à ton diocèse » doivent être mesurées non à l’amour de Charlie, plus occupée de sa belle que de Dieu, mais au regard – que l’on comprend mesquin – du diocèse…

Le Rhaspsodia Ensemble Vocal dirigé par Laurent Grégoire a non seulement rendu possible cet hommage, mais fait entendre l’œuvre d’un disciple. Elle écoute et fait résonner nos vies ; elles ont la vibration de la vie de Jésus, jusque dans les miniatures de l’instant que sont les trois Haï Kaï et douze des Racontines sur de courts textes de son ami Didier Rimaud.

Masterclass Christophe HONORE

Dans le cadre du festival Ecrans Mixtes, du 1er au 9 mars, le théâtre des Célestins accueillait une rencontre avec le cinéaste, animée par le rédacteur en chef culture/cinéma des Inrockuptibles le samedi 4 mars.

Beaucoup d’humour et plus encore de bonté. La conversation s’est engagée et a été menée sur le registre de la bonté, de la bienveillance. Ce fut un moment de belle humanité. Les questions des participants, auquel un large moment a été réservé, ont poursuivi dans la même veine. Christophe Honoré n’avait nulle intention de se laisser transformer en star pas plus que la salle en attroupement de fans. Il s’agissait de poser les questions qui font le cinéma, et donc aussi un peu la vie.

On parla du danger qu’il y a à inventer des histoires, lorsque le cinéaste, un peu comme un alchimiste ou un apprenti sorcier, est dépassé par les conséquences de sa manipulation d’événements. « On ne fait pas impunément des films. » Parce que s’approcher de la vérité de la vie revient en boomerang. La vérité n’est pas une captation du réel, mais une élaboration, un dispositif où l’on se risque.

A l’image de ces réflexions, le regard sans cesse porté par Honoré sur ce qu’il vient de dire, la nécessité de la précision, la correction d’une proposition ou le constat que c’est mal dit. Mais comment faire autrement ?

Adam LALOUM, superbe et imprécis

Adam Laloum dans Schumann et Schubert salle Molière vendredi 3 mars. Il y avait de quoi être alléché ! La taille de la salle permet une intimité avec le piano, exactement à l’inverse des méga-salles que l’on veut économiquement rentable. Les Lyonnais peuvent se réjouir des cycles de musique pour piano ou tout petites formations dans la salle de l’ancien conservatoire.

Le jeu de Laloum est impressionnant. A peine si, par moment, il touche le clavier. La percussion devient caresse, juste une mise en vibration des cordes. Superbe.

Cela dit, ce vendredi soir, le pianiste avait dû faire la fête. Beaucoup trop de notes à côté. Dommage.

Arts, culture & foi

Rencontrer, apprendre, dialoguer

Les arts et la culture à leur manière expriment ce qui se vit et pense, le font entendre ou le contestent, interrogent. Arts, culture & foi, au nom des chrétiens catholiques du diocèse de Lyon, veut écouter, rencontrer, apprendre, entrer en dialogue.

« Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas ». Que nous importe ? Pour l’homme de Nazareth et ses disciples, la voie qui conduit à Dieu n’est autre que celle qui mène à autrui. Arts, culture & foi se propose d’emprunter les chemins d’humanité qu’explorent les arts et la culture.

Les arts et la culture sont conviction et critique, action et contemplation. Avant de s’exprimer, les artistes écoutent et regardent. Le plus intime toujours aussi est politique. Des semences du Verbe fécondent la volonté de vivre avec et pour les autres ; aucune frontière ou institution n’arrête l’Esprit. Arts, culture & Foi est engagé dans le déchiffrement de la parole et du souffle.

De possibles projets artistiques

Quand un dialogue se noue, des aventures surgissent, de la simple et profonde estime à des projets artistiques ou pastoraux. C’est aussi la mission d’Arts, culture & foi.

Les communautés catholiques

Les communautés peuvent trouver dans les arts et la culture de quoi formuler et forer leur propre quête. Arts, culture & foi désire les aider, ainsi que ceux qui le souhaitent, à puiser la force d’un cri pour la foi ou la douceur pour une célébration de la grâce, en aménageant l’accès au travail des artistes.