Le Secret de Chanda

d’Oliver Schmitz

Afrique du sud/Allemagne, 1h46, 2010.

Festival de Cannes 2010, sélection Un Certain Regard.

Sortie en France le 1er décembre 2010.

avec Khomotso Manyaka, Lertato Mevlase, Harriet Manamela, Keaobaka Makanyane.

Une juste évocation de l’enfer vécu par les enfants victimes du sida, dans un univers où les traditions, la culture ancestrale et certains groupes religieux sont un frein à  l’éducation et aux changements de comportements.

Chanda est une jeune adolescente. Sa mère est remariée à  un homme un peu trop coureur, un peu trop buveur, qui lui a donné 3 enfants et le virus du sida. Contaminé par sa mère, le plus jeune bébé vient de mourir. Ce décès précipite la rupture du couple et la déchéance de la famille dans le village. Mais il permet à  Chanda et à  sa mère Lilian de tisser une belle relation, faite de tendresse et d’entraide, de s’épauler contre l’agressivité du destin et du voisinage.chanda4.jpg

Si ce film est inspiré d’un roman où la relation mère/fille servait de trame narrative au fur et à  mesure de l’évolution de la maladie, Le Secret de Chanda est clairement une dénonciation de la façon odieuse dont sont traitées les victimes du sida dans certains pays. Aujourd’hui, en Afrique du sud, le gouvernement refuse de reconnaître l’état d’urgence. Comme le souligne le réalisateur Oliver Schmitz dans un entretien au journal Le Monde : « On a entretenu le mythe de la conspiration de l’Ouest qui nous contaminait, qui faisait payer les médicaments trop cher. On a tellement crié à  la malédiction dans les villages, on a pris le fléau avec un tel défaitisme qu’on en est à  plus de 800 000 orphelins de parents morts du sida. Dans les campagnes, le sida ne va pas là  où il y a la misère, il va là  où il y a un manque d’ouverture! C’est un problème de traditions, de mentalités, de superstitions! »

Le Secret de Chanda se déroule dans un village où le poids des traditions est encore très fort. Des charlatans et des sorciers profitent de la naïveté de leurs compatriotes pour les désenvoûter et leurs vendre des remèdes qui ne peuvent rien contre le virus du sida. Cette maladie est tabou et personne n’ose en prononcer le nom. Rien n’est fait pour la prévention, aucune éducation sanitaire n’existe.

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La communauté chrétienne qui anime l’église du village est, elle aussi, clairement mise en cause. Issue des mouvements évangélistes les plus fondamentalistes et les plus puritains, ce groupe véhicule l’idée, très répandue en Afrique, qu’une personne séropositive est une personne qui a pêché. Loin de toute compassion envers les plus faibles, et ici, envers la veuve et l’orphelin, ils lancent sur les victimes innocentes du sida les premières pierres de la lapidation, oubliant le message fondamental des Evangiles, envers les malades, les prostituées et les plus faibles. Aggravant la situation des malades en invoquant le nom de Dieu, ils entretiennent chez les victimes un sentiment de honte et d’exclusion, terreau de la propagation de l’épidémie.

Sans jouer sur l’émotion et la sensibilité des spectateurs, Oliver Schmitz réussit un film pudique et touchant, où la gravité des situations vécues alterne avec la construction de cette belle relation mère/fille. Leur amour et leur grande humanité deviennent espérance dans un monde obscur où les plus innocentes victimes sont forcément condamnées.

Magali Van Reeth

Signis

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